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Des films pour l’Halloween

Sous-genre le cinéma d'horreur?
À Londres, j’ai déjà patienté plus d’une heure pour serrer la pince du grand Christopher Lee.  Désolé au regretté Bela Lugosi, mais pour moi, Lee aura été LE vrai Dracula.

À Rome, je suis déjà parti en expédition pour retrouver Profondo Rosso, la boutique de l’horreur ouverte par le cinéaste Dario Argento et rendant hommage à l’épouvante transalpine avec son petit musée logé au sous-sol et exposant fièrement plusieurs des accessoires et costumes utilisés dans les films du maestro.

Dans le Maine, j’ai déjà parcouru plusieurs centaines de kilomètres pour voir de près la maison de la Famille Creed du film Pet Sematary, adapté d’un roman de Stephen King.  Au détour d’une sinueuse route de campagne, elle était là, aussi menaçante dans sa normalité qu’elle pouvait l’être lorsque le carnage filmé par Mary Lambert a troublé plusieurs des nuits de sommeil de mon enfance.

Je voue un culte au cinéma d’épouvante.  Simple étalage d’hémoglobine et d’effets tape-à-l’œil pour plusieurs, il est pour moi le genre cinématographique regroupant le plus de vrais et sincères passionnés et faisant appel au plus d’ingéniosité de la part de ses artisans.  Un genre nécessaire et essentiel à l’exorcisme de ce qui nous ronge de l’intérieur.  Un bon film d’horreur est encore aujourd’hui la parfaite radiographie des troubles de notre tissu social (la peur des Communistes dans The Invasion of the Body Snatchers durant les années ’50, les sectes à la Charles Manson et les tueurs en série dans The Texas Chainsaw Massacre durant la décennie ’70, la technologie dans Ringu…).

Mes suggestions pour l'Halloween

4 jours.  C’est ce qu’il reste avant l’Halloween.  C’est amplement suffisant pour passer au travers de ma liste de films d’horreur préférés.  Cœurs sensibles, s’abstenir.

L’Aldila, Lucio Fulci (1981)
Une femme hérite d’un hôtel de Nouvelle-Orléans qui s’avère avoir été construit sur une des 7 portes de l’Enfer…

Re-titré The Beyond aux Etats-Unis et L’Au-delà en Europe, ce chef-d’œuvre de l’horreur à l’italienne a connu un regain de popularité il y a quelques années lorsque Sage Stallone (le fils de l’autre) et sa compagnie Grindhouse Pictures l’ont renipé et ressorti en salles.  Une seconde vie bien méritée pour un des films les plus macabres de la décennie ’80 avec ses cadrages claustrophobiques, ses décors enfumés, sa géniale trame sonore funk et orchestrale signée Fabio Frizzi et, bien sûr, ses légendaires scènes gore.  Crucifixion, visage déformé sous un bain d’acide, explosion de la tête d’une fillette zombie, sanglante flagellation à l’aide d’une chaîne…  Toutes les obsessions du cinéaste Lucio Fulci y passent.  Mais attention!  Ne cherchez pas de linéarité côté scénario.  C’est ici la logique déconstruite d’un cauchemar éveillé qui prime.

À voir également : City of the Living Dead et Zombi, aussi de Lucio Fulci.


The Texas Chainsaw Massacre, Tobe Hooper (1974)
Au cœur du Texas, une troupe d’adolescents est décimée par une famille sanguinaire et cannibale au cours d’un carnage sauvage et mémorable.

Vaguement inspiré des meurtres du célèbre tueur en série Ed Gein, ce qui devait être un petit film financé avec les recettes d’un long métrage porno à succès est plutôt devenu une des légendes du cinéma d’épouvante contemporain.  Rarement un film d’horreur aura montré la sauvagerie humaine avec tant de frontalité et de façon aussi crue.  Tourné dans des conditions proches du film étudiant avec une poignée de dollars et dans une chaleur suffocante, Le Massacre à la scie puise sa force dans les bouleversements sociaux de l’époque : le scandale du Watergate et la remise en question des élus, les atrocités commises au Viet-Nam, la croissance de l’individualisme et l’isolement urbain…  Retiré de plusieurs salles lors de sa sortie sous prétexte qu’il encourageait l’escalade de violence urbaine, The Texas Chainsaw Massacre a longtemps dû combattre pour sa survie avant de devenir un modèle de succès et de rentabilité pour plusieurs cinéastes indépendants (30 000 000$ de recettes en sol américain pour un budget de 300 000$).  À savourer, entre autre, pour sa primitive et très barbare trame sonore expérimentale délaissant la musique pour des effets sonores stridents.

Audition, Takashi Miike (1999)
Un producteur de cinéma veuf décide d’organiser des auditions pour trouver la prochaine femme de sa vie.  Il craquera finalement pour une jeune femme inoffensive en apparence mais cachant un terrible secret.

Il y a du visiblement un peu du Psycho d’Hitchock dans la structure narrative imaginée par le Japonais Takashi Miike, qui démarre comme une comédie romantique pour se terminer en véritable descente aux enfers.  Sans vouloir trop en révéler, disons simplement qu’il s’agit là d’une des plus insoutenables finales de films des dernières années.  Reconnu pour son approche percutante et ultra-violente, Takashi Miike a peut-être ici accouché de son film le plus accessible.  Un succès de festivals devenu avec les années un véritable film culte.

Vous ne verrez plus jamais les cordes d’un piano de la même manière…

Cannibal Holocaust, Ruggero Deodato (1980)
Une équipe de cinéastes s’aventure dans la jungle pour documenter l’existence de la dernière tribu de cannibales recensée.  Ils connaitront une fin atroce et brutale.

19 ans avant The Blair Witch Project, le visionnaire long métrage de Deodato demeure encore aujourd’hui l’un des plus percutants faux documentaires de l’Histoire du cinéma.  Tourné en 16 mm avec une caméra à l’épaule, Cannibal Holocaust nous plonge au cœur de la jungle amazonienne et de l’expédition de cette équipe de cinéastes dont on applaudira finalement la mort à la fin du film.  Débarquant avec leurs gros sabots d’Américains dans un milieu qui leur est totalement étranger, ils n’hésiteront pas à tuer des animaux de sang froid et même à violer ou exécuter des aborigènes pour mettre un peu de piquant dans le film qu’ils sont en train de tourner.  Au final, la vengeance des cannibales pour l’outrageux traitement que leur aura fait subir l’Homme Blanc en sera presque justifiée : scalpage, écartelage, castration à froid, éviscération…  Des insoutenables séquences toujours aussi insupportables 30 ans après la sortie du film et l’exemple parfait des supplices corporelles typiques au très charnel cinéma d’horreur italien. 

Fait cocasse : devant tant d’authenticité et de réalisme, le réalisateur Ruggero Deodato dut un jour se rendre en cour pour prouver qu’aucun mal n’avait été fait à ses acteurs.  « Nous ne sommes pas morts puisque nous nous présentons devant vous aujourd’hui! », de lancer les acteurs supposément sacrifiés durant le tournage devant un juge médusé…

Salo, Pier Paolo Passolini (1976)
9 jeunes garçons et 9 jeunes filles sont séquestrés dans un palais par une bande de fachistes italiens et devront subir l’humiliation, la violence et les supplices sexuelles avant d’être sauvagement assassinés.

Inspiré des 120 jours de Sodome du Marquis de Sade, de la Divine Comédie de Dante et des actions commises dans la République Sociale Italienne durant le règne de Mussolini, le dernier film de Passolini, assassiné quelques semaines avant sa sortie, est encore aujourd’hui interdit de diffusion sur plusieurs chaînes de télévision.  Extrême dans sa représentation de la déchéance et de la cruauté humaine mais d’une beauté plastique sans nom (direction artistique par Dante Ferretti, décorateur de Fellini, et musique du grand Enio Morricone), le film le plus radical et le plus subversif d’un des cinéastes italiens les plus marginaux est toujours aussi pertinent aujourd’hui.  Avec ses scènes de torture, de défécation et d’orgie, il est encore considéré comme l’un des films les plus extrêmes de l’Histoire du cinéma.  Une expérience intellectuelle et viscérale totale.

Suspiria, Dario Argento (1977)
L’Américaine Suzy Banner arrive en pleine nuit dans une prestigieuse école de danse européenne où elle doit étudier le ballet.  Après une série de meurtres violents et mystérieux, elle en vient à la conclusion qu’une secte de sorcières rôde peut-être dans les sombres couloirs de l’établissement.

Lorsque Suspiria prend l’affiche en 1977, Dario Argento est traité en rock star et devient la nouvelle star du cinéma d’épouvante mondial.  Comparé à Hitchock par la critique et adulé par une horde de fans, il possède la force et la frondeur de la jeunesse et une vision radicalement nouvelle de ce que devrait être l’horreur et le suspense.  Appuyé par une des plus grandes trames sonores jamais composées (les responsables : le groupe rock progressif Goblin, qui mêle synthétiseurs, métal et instruments médiévaux pour créer cette symphonie macabre reconnaissable entre mille), le chef-d’œuvre absolu d’Argento est unique en son genre : séquences de mort originales et réglées au quart de tour comme le serait un grand ballet, utilisation d’un film 35 mm spécial permettant des couleurs primaires éclatantes et un look profondément surréaliste, ambiance menaçante…  L’un des films les plus originaux jamais réalisés, toutes catégories et tous genres confondus.

Aussi à voir : Profondo Rosso et Tenebre, tous deux de Dario Argento.

Dawn of the Dead, George A. Romero (1978)
Alors que le monde est envahi par des zombis sanguinaires, une poignée de survivants trouve refuge dans un centre commercial de banlieue.

Deuxième film des Morts réalisé par Romero après le succès de son Night of the Living Dead (1968), Dawn of the Dead se retrouve bien souvent dans les listes de meilleurs films de tous les temps de certains observateurs influents.  Virulente critique de notre société de consommation (même après leur mort, les humains transformés en zombis continuent de hanter les allées des magasins, poussés par leur instinct) et du monde de l’information, le film n’a rien perdu de sa puissance et suscite autant de plaisir à être regardé 32 ans après sa sortie.  Mis en musique de façon dynamique par les Goblins et étalant une impressionnante panoplie d’effets spéciaux signés Tom Savini (la décapitation d’un zombi par les pales d’un hélicoptère!), Dawn of the Dead a souvent été imité, mais jamais son charme et son atmosphère très '70s n’ont été égalés.

Aussi à voir : Night of the Living Dead et Day of the Dead de George A.  Romero.

Hostel, Eli Roth (2005)
Deux touristes américains cherchant les sensations fortes en Europe de l’Est sont enlevés et torturés par une organisation secrète assoiffée de violence.

À sa sortie, certains ont crié au génie alors que d’autres ont traité le film de simple pornographie déguisée en film d’horreur.  Qu’importe.  Le plus grand mérite d’Hostel aura peut-être été de mettre le jeune Eli Roth sur la map.  Déjà remarqué auparavant pour son jouissif Cabin Fever (2002), Roth est celui que bien des fans d’horreur attendaient.  Un passionné et amoureux du genre soucieux de tourner des films dans la plus pure et la plus respectueuse tradition du genre et de ses codes.  Initiateur de la vague de « torture horror » avec la franchise Saw, Hostel rappellera à certains Les 7 Jours du Talions du Québécois POZ pour ses scènes de torture sadiques aux limites du supportables.  Une expérience sensorielle difficile de laquelle on ressort le cœur au bord des lèvres.

Et pour quelques dollars de plus…
En passant au club vidéo, ajoutez donc à votre location le tout premier Friday the 13th de Sean S.  Cunningham (1980) et son ancêtre, le génial Bay of Blood du grand cinéaste italien Mario Bava (1971).  Le tout premier « body count movie » et l’initiateur de la vague américaine de slashers comme Halloween et Sleepaway Camp.

Pet Sematary de Mary Lambert (1989), une trop souvent sous-estimée histoire de revenants et de fantômes adaptée d’un roman de Stephen King.  Un film terrifiant à ne pas regarder seul.

In the Mouth of Madness de John Carpenter (1995).  Un pastiche des histoires de monstres de l’auteur H.P.  Lovecraft et une critique du milieu de l’édition souvent trop mercantile à l’américaine.

The Devil’s Rejects de Rob Zombie (2005).  Une abyssale descente dans l’esprit tordu du génial Rob Zombie et une violente illustration du mode de vie d’une bande de tueurs en série.

 

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Ce soir à l'émission VOIR, ne manquez pas notre discussion sur le cinéma d'horreur québécois avec l'auteur Patrick Sénécal et Jarrett Mann, fondateur du Festival SPASM.  VOIR, 21h, à Télé-Québec.