BÉLANGER FAIT-IL VENDRE DES PETITES CULOTTES?
Shopping et musique québécoise ne font pas bon ménage
J’aime bien magasiner chez Jean Coutu. Pour la pâte à dents, le papier de toilette… et la musique québécoise. On dit toujours qu’on trouve de tout chez Jean Coutu (même un ami!), et j’ajouterais que c’est peut-être un des seuls commerces où on peut encore entendre de la musique d’ici.
Et une chanson de Dumas en achetant du papier-cul!
Il est depuis longtemps prouvé que la musique diffusée dans les magasins influence directement les clients. Un commerçant usant habilement de la chose peut ainsi donner envie à sa clientèle de dépenser davantage et de se sentir plus euphorique en se promenant dans ses rayons. Une stimulation à sortir son porte-feuille. Selon la compagnie Gestion Omnicom, qui se spécialise dans le marketing sensoriel, « diffuser une mélodie lente et harmonieuse dans un magasin influence les consommateurs et les incite à prendre leur temps dans les rayons. À l’inverse, une musique rapide les conduit inconsciemment à accélérer le rythme et par conséquent à moins acheter. »
Est-ce que toutes ces théories reviennent donc à dire que la musique québécoise n’incite pas à acheter? Il faut bien le croire. En visite au Carrefour Laval le week-end dernier, je me suis amusé à dresser la liste des chansons entendues dans les magasins. Usher, Black Eyed Peas, Lady Gaga, encore Usher, encore Lady Gaga… Mais aucune trace de musique francophone ou de musique québécoise.
La Maison Simons et sa "fierté" québécoise…
Durant mes études, j’ai longtemps travaillé pour La Maison Simons du centre-ville de Montréal et des Promenades St-Bruno. Une entreprise bien de chez nous et fière de ses racines (le premier magasin a vu le jour en 1840 dans la Vieille Capitale), fidèle partenaire de la Ville de Québec et se faisant un devoir d’encourager les créateurs et les marques d’ici en offrant leurs vêtements en magasins (Dubuc, Uranium…). Des pures laines donc. Cependant, lorsqu’il était temps de mettre en marche le système de son avant l’ouverture du magasin (une radio satellite offrant des milliers de canaux, dont certains diffusant des succès populaires d’ici), impensable d’oser synthoniser une des chaînes francophones. « Les clients veulent entendre la musique qu’ils aiment! », m’a-t-on même déjà reproché alors que je venais de sélectionner une chaîne qui diffusait le dernier succès populaire des Cowboys Fringants.
Pour une chaîne de magasins vantant le talent local et représentant une des plus grandes réussites dans l’histoire du commerce au détail au Québec, le fait de ne jamais diffuser de musique d’ici aux touristes entrant par troupeaux dans sa succursale du centre-ville me semble être une aberration totale. « On nous a dit que c’était ici qu’on pouvait vivre l’expérience de shopping à la Québécoise! », me lançait souvent des étrangers à peine débarqués d’avion et s’aventurant dans la grande succursale de la rue Ste-Catherine. Auraient-ils vraiment moins acheté si on leur avait diffusé Mes Aïeux au lieu de Beyoncé? Leur expérience dans le plus québécois des magasins à grande surface aurait-elle réellement été moins plaisante et agréable si on leur avait balancé une bombe de Marie-Mai entre une pièce de Rihana et un slow de Nickelback?
L’adage qui voulait qu’il soit très difficile d’être servi en français au centre-ville de Montréal est de moins en moins vrai. Les commerçants font leurs efforts et sont conscients de l'importance de ne pas servir qu'en anglais. C’est maintenant la musique d’ici qui n’est plus de la fête. Côté marketing, nos artistes sont donc de très mauvais incitatifs à la dépense.
Daniel Bélanger et Radio Radio ne feront jamais vendre de petites culottes.