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Le iPhone qui tue

La prochaine fois que vous regarderez un film sur votre iPad ou que sortirez votre application iPhone pour trouvez le stand de Bixi le plus proche lors de leur lancement vendredi, dites-vous qu’à l’autre bout du monde, un homme est peut-être mort pour vous permettre de « peser sur le piton ».

Inquiétante cette une du magazine technologique Wired d’avril.  Depuis mars 2007, sur les 1 million d’employés de la multinationale Foxconn, qui fabrique plusieurs des composantes de gadgets électroniques que nous utilisons chaque jour (dont 90 millions d'iPhones), 17 se sont suicidés.  « Voici d’où viennent vos gadgets.  Vous sentez-vous concernés? », titre le magazine.

Le journaliste Joel Johnson, habitué de visiter les grandes usines du monde entier pour découvrir la petite histoire derrière chaque gadget (lecteur MP3, cartes de son d’ordinateur, pièces de caméras maison…), frappe ici un mur.  Guidé par des employés de Foxconn entre les différents édifices de la compagnie logée à Shenzhen, ville industrielle du Sud de la Chine, un seul constat : à quoi peuvent bien servir les douzaines de grands filets qui enveloppent chaque construction?  Une réponse à la logique aussi froide que macabre : à arrêter les corps des « jumpers », des employés qui en ont marre et qui décident de passer par-dessus bord.

Au début, on dit que les suicidaires passaient aux actes pour que leurs familles aient droit au généreux bonus des assurances offert par la compagnie.  Mais maintenant que Foxconn a compris le stratagème et décidé de retirer la fameuse prime, pourquoi continuer à sauter?  Des rumeurs persistantes accusent les grandes multinationales faisant dans les gadgets technologiques bon marché et dont les méthodes de production se rapprocheraient des sweat shops.

Et pourtant, il n’en est rien.  Au printemps derniers, un journal chinois a réussi à infiltrer la compagnie en faisant engager secrètement un de ses journalistes durant un mois.  Résultat?  Pas de mauvais traitements, pas de violence.  Seulement un job routinier à l'excès (travail à la chaîne, retour au dortoir de la compagnie, retour à l’usine, travail à la chaîne, retour au dortoir de la compagnie…) et une forte insistance de Foxconn envers le temps supplémentaire, certains employés allant jusqu’à travailler durant 13 heures pour plaire à leur employeur.

Le pire dans tout ça, c’est que les enteprises qui requièrent les services des manufacturiers ne sont souvent pas au courant de tout ce qui se passe dans leurs locaux.  Apple, qui commande certaines composantes à Foxconn et qui s’assure qu’aucun des employés impliqués dans la fabrication de ses produits ne soient matraités, a réalisé l’an dernier que plusieurs enfants avaient malgré tout travaillé sur leurs produits (iPod, iPhones, ordinateurs).  Dans un rapport qu’ils ont rendu public, les dirigeants d’Apple font même état d’employés d’usine exploités.  Faute avouée à moitié pardonnée?

La demande des consommateurs est maintenant si forte pour tout ce qui gravite autour des gadgets électroniques que les compagnies peinent à respecter leurs propres quotas tout en produisant au moindre coût.  Et comme 75% des produits sont maintenant fabriqués par des manufacturiers contractuels, difficile de tenir le compte.  Une petite usine située dans un minuscule village indonésien à l’abri des regards fait travailler ses employés comme des robots?  Un enfant thaïlandais s’est brûlé une main en soudant une composante de iPod en banlieue de Buri Ram?  Qui le saura?

Les entreprises technologiques devraient-elles songer à certifier leurs lecteurs MP3 et leurs cinéma maison « 100% équitables »?  L’idée n’est pas si saugrenue.