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Jeu de massacre

Le rassurant spectacle d’une bande d’adolescents crucifiés durant une nuit de massacre…

D’une jeune femme décapitée par une ombre dans les bois…

D’un bal de finissants tournant au vinaigre alors qu’un étudiant dément s’amuse à taillader ses camarades de classe un à un au couteau…

Les slasher movies ont toujours été pour moi source de réconfort.  Du comfort food pur et simple.  Bien sûr, pour la plupart des cinéphiles, le slasher est plus qu’un sous-genre.  Une catégorie ordurière du 7e Art à laquelle appartiennent les franchises de Friday the 13th et d’Halloween, Black Christmas ou Sleepaway Camp.  Et pourtant, c’est justement ce qu’on reproche toujours aux slashers qui leur donne ce petit côté irrésistiblement familier et réconfortant : codifiés à l’os, redondants, produits en série.  Si une adolescente menacée se met à courir dans les bois en étant pourchassée par un Jason Voorhees marchant pourtant à la vitesse d’une tortue, on sait pertinemment qu’il finira par la rattraper de façon inexplicable.  La belle fille à la langue sale d’un lycée devrait savoir qu’elle mourra à coup sûr la première.  Et le vilain petit canard d’une classe, le garçon manqué qui n’a jamais plu aux garçons, s’en sortira indemne, exécutant au passage le croquemitaine du film.  Douce routine prévisible.

Rendant hommage en grandes pompes au genre malaimé dans une édition hors-série bourrée de contenu d’une couverture à l’autre, le toujours passionnant magazine européen Mad Movies qui vient d’atterrir en kiosques est un pur délice pour les cinéphiles aux tendances sanguinaires et horrifiques.  De quoi redonner ses lettres de noblesse à un style de cinéma trop souvent relégué au panthéon des objets filmiques dont on pourrait bien se passer.

Toujours aussi étoffé et rédigé par une équipe de journalistes amoureux et connaisseurs du genre, le Mad Movies de ce printemps s’applique ainsi à décortiquer le slasher depuis ses débuts (le premier remonterait à 1932.  Treizes femmes, mis en scène par le futur réalisateur de Lassie et du Lone Ranger!  Quant à Psychose d’Hitchcock et Peeping Tom de Michael Powell, ils sont les deux grands bouleversements qui donneront le réel coup d’envoi à un genre maintenant ancré dans le contemporain) jusqu’aux films qui feront école et jetteront définitivement les bases d’une industrie de plusieurs millions de dollars : Black Christmas de Bob Clark, Halloween de John Carpenter et Friday the 13th de Sean S. Cunningham.  La Sainte Trinité du slasher.

D’ailleurs, rarement a-t-on croisé producteur aussi franc que ce cher Sean S.  Cunningham qui ne se gêne pas, 31 ans après la sortie de son Friday the 13th, pour traiter son film de simple produit mercantile.  À l’époque renfloué par le succès du Last House on the Left de Wes Craven qu’il vient de produire, Cunningham demande à son scénariste d’écrire un scénario copié sur la structure narrative d’Halloween, qui vient de connaître un incroyable succès, et situe l’action de son jeu de massacre dans les bois comme l’a fait l’italien Mario Bava dans son mythique Baie Sanglante quelques années plus tôt.  Au final, l’histoire d’une bande de moniteurs de camp qui seront tués un à un par la mère d’un garçon mort noyé il y a longtemps à cause de la négligence des anciens employés du camp.  Un long métrage réalisé de façon quasi amateure qui rapportera pourtant un joli 40 millions de dollars à sa sortie.  « Ce film n’a aucun impact émotionnel sur moi.  C’est de la plomberie », explique-t-il à Mad Movies.  « Les personnages sont sans épaisseur, et celui qui traite Vendredi 13 d’ « œuvre » est un prétentieux.  Nous faisons du business, il y a une différence. »  Si seulement les producteurs d’aujourd’hui étaient aussi sincères!

Il y a qu’au cours des années ’80, le slasher a connu de véritables heures de gloire.  John Carpenter en sait quelque chose.  Acceptant d’écrire et de tourner Halloween en plus d’en composer la trame sonore, le réalisateur de The Thing et de New York 1997 n’a aucun cachet de prévu à son contrat, sauf 10 000$ pour la musique et un faible 10% des futurs revenus du film.  Quelques mois après la sortie du long métrage tourné pour 320 000$, c’est un chèque de 5 millions de dollars qui l’attend dans sa boîte aux lettres!

Il est donc peu étonnant qu’autant de slashers aient été tournés durant la première moitié des années ’80.  Terreur sur la ligne, Hell Night, Prom Night, Meurtres à la St-Valentin, Mother’s day, The House on Sorority Row, Week-end de terreur…  Autant de copies de copies de copies d’autres slashers eux-mêmes lourdemment inspirés d’autres films à succès.  Comme cannibalisation d’un genre, difficile de trouver meilleur exemple que le slasher, qui finit par lasser le public à l’extrême avant de revenir en force à la fin des années ’90 avec les franchises Scream, I Know What you Did Last Summer, Urban Legends

C’est donc à un passionnant dossier que s’est attaquée la rédaction de Mad Movies.  Abordant aussi les productions asiatiques et européennes inspirées du slasher américain, les grands boogeymen qui ont marqué l’histoire et donné bien des nuits blanches aux enfants des eighties et proposant même une analyse des différentes trames sonores du genre (la plus célèbre, celle d’Halloween écrite par John Carpenter, s’inspire grandement de celles composées en Italie par le groupe Goblin pour Profondo Rosso et Suspiria de Dario Argento), ce « guide sanglant du meilleur de l’horreur » vaut encore une fois le détour.

Sous-genre le slasher?  Pas si sûr.