

Daniel Cohn-Bendit : Demi-tour
Qu’est devenu le leader de Mai 68? Il est pour la mondialisation de l’économie, contre la fécondation in vitro, contre les subventions aux artistes, et contre le droit des gais à adopter des enfants. Méchant virage.
					
											Nathalie Collard
																					
																				
				
			Vingt ans après Mai 68, Daniel Cohn-Bendit, leader de la révolution étudiante devenu député Vert au parlement européen, a mis du Perrier dans son Bordeaux. Dans Une envie de politique, une série d’entretiens publiés aux Éditons La Découverte /Le Monde, Dany le Rouge prend position sur une foule de sujets. Le moins que l’on puisse dire est que l’ex-révolutionnaire a changé son fusil d’épaule. Jugez-en par ces extraits du livre:
Sur la mondialisation
  «Je dis "Vive la mondialisation", parce qu’elle signifie que le  niveau de vie des gens s’améliore ailleurs, que la  revendication du bien-être n’est pas limitée au périmètre  restreint des nations déjà développées. C’est une idée  universelle. Il faut donc repenser l’organisation du marché  mondial. […] Je crois qu’il y a là un autre phénomène, que la  gauche traditionnelle n’a pas compris: c’est que la  globalisation, la mondialisation ont commencé par la culture.  Avant qu’il y ait une réalité de la mondialisation du  capitalisme, on a eu d’abord une mondialisation culturelle avec  l’évolution des communications. L’idée que nous sommes un seul  monde a été introduite dans nos sociétés par le cinéma, la  télévision, les voyages.»  
Sur les subventions aux artistes
  «Les politiques doivent mettre au service de la culture des  moyens et des structures. Je suis contre la subvention de  l’artiste. L’artiste doit trouver lui-même son marché. Il ne  faut pas que l’artiste puisse s’endormir, parce que sinon il  devient fonctionnaire. Je suis contre le fonctionnaire  artiste.»  
Sur la procréation artificielle
  «Pourquoi un besoin maladif d’avoir son propre enfant, si ce  n’est pas possible, qu’elle qu’en soit la raison? Pourquoi ne  pas en adopter un? C’est certainement très dur pour une femme  qui veut avoir un enfant, de ne pas pouvoir. Mais je crois que  c’est la vie, qu’il faut l’accepter. Je ne vois pas l’utilité  de la procréation artificielle. Pourquoi ne pas faciliter  plutôt l’adoption? Si l’on a trop attendu, par exemple, mieux  vaut adopter un enfant, ou alors accepter que ce soit trop  tard, que l’on a vieilli. J’ai rêvé de faire dans ma vie des  choses que je ne ferai jamais…»  
Sur le droit des homosexuels à avoir des  enfants
  «Un couple homosexuel doit avoir les mêmes droits qu’un couple  hétérosexuel. Mais sur la question des enfants, je suis plus  dubitatif, qu’il s’agisse de la possibilité d’adopter un enfant  ou d’en avoir un par insémination artificielle. Je me place du  point de vue de l’enfant. L’homosexualité est un libre choix,  mais qui reste encore difficile à vivre. Pour l’enfant, cette  situation n’est pas librement consentie. En outre, celui-ci  doit, au cours de son éducation, être confronté à des personnes  de l’autre sexe. […] Pour moi, la norme, c’est qu’un enfant  puisse vivre avec un homme et une femme pour choisir lui-même  son modèle.»  
Sur le métier de politicien
  «Les libertaires ne peuvent accepter que l’on délègue le  pouvoir à des hommes politiques. Pour eux, c’est une aliénation  bourgeoise. L’espérance révolutionnaire d’une émancipation de  la société qui permette à tout le monde de participer aux  décisions est très belle. Mais cette vision de la "démocratie  bourgeoise" cédant la place à une "démocratie des conseils", où  fleurissent une multitude de conseils d’usines, de quartiers ou  d’écoles, est utopique. La majorité des gens n’a pas envie de  faire de la politique en permanence; elle préfère déléguer et  contrôler. Du même coup, cela fait de la politique un  métier.»  
Si vous voulez en savoir plus sur Mai 68, lisez deux  excellents bouquins qui viennent d’être publiés:
  Mai 68 jour et nuit, par Christine Fauré, dans la superbe  collection Découvertes Gallimard;
  et Les Mouvements de 1968, par Marie-Claire Lavabre et Henri  Rey, dans la collection XXe siècle chez Casterman, GIUNTI.