Société

Daniel Baril et la victoire du MÉMO : Faire ses classes

Avec la mise en place des commissions scolaires linguistiques et la victoire du MÉMO à Montréal, le 14 juin dernier, la confessionnalité du système d’éducation québécois perd des plumes. Mais selon DANIEL BARIL, vice-président du Mouvement laïque québécois, la lutte est loin d’être  terminée.

Le MÉMO a délogé les commissaires catholiques du Regroupement scolaire confessionnel à la tête de la Commission scolaire de Montréal. L’équipe de Michel Pallascio, au pouvoir pendant plus de dix ans, n’occupe plus que six des vingt et un sièges de la plus importante division au Québec. A Montréal, c’est donc le Mouvement pour une école moderne et ouverte (MÉMO) qui enterrera définitivement, le 1er juillet, les commissions scolaires confessionnelles, remplacées par des structures linguistiques.

Alors que ces changements laissent entrevoir la fin du règne de la religion sur le système scolaire québécois, certains demeurent sceptiques. Pour Daniel Baril, auteur du livre Les Mensonges de l’école catholique, la partie n’est pas encore gagnée.

Quel est votre bilan du règne des catholiques dans le système d’éducation québécois?
Il y a un concordat tacite entre le gouvernement et l’Assemblée des évêques dans ce secteur. L’éducation est donc le principal domaine qui n’a pas suivi le mouvement de laïcisation de la société.

Bien sûr, on reproche aux élus leur manque de volonté politique. Mais il faut leur donner le mérite d’avoir demandé l’amendement à la constitution canadienne qui a permis d’établir les commissions scolaires linguistiques.

Ce n’est que le premier pas. Car si les commissions scolaires sont désormais fondées sur la langue, les écoles, elles, demeurent prises avec tous les éléments confessionnels: l’enseignement religieux, la pastorale et les statuts confessionnels, entre autres. Et c’est précisément ce qui brime la liberté de conscience des enfants et empêche l’égalité des religions à l’école.

Pour en sortir, il faut laïciser le système scolaire. Une bonne majorité de la population souhaite ce changement. En 1996, un sondage de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire a révélé qu 80 % des gens préféraient une école laïque dispensant un cours de culture religieuse au modèle actuel, qui impose l’enseignement confessionnel. Ce résultat appuie la conclusion des États généraux sur l’éducation qui ont eu lieu la même année. Le cours de culture religieuse présenterait l’histoire et la sociologie des religions et viserait l’information plutôt que la pratique de la foi.

D’ailleurs, la récente victoire du MÉMO montre clairement que les gens veulent du changement. Ils ont vu le retard dans lequel l’équipe d’ultracatholiques de Pallascio avait maintenu la CECM.

Qu’attendez-vous donc du MÉMO?
Dans leur plate-forme électorale, les gens du MÉMO prônent une école sans statut confessionnel avec un cours de culture religieuse pour tout le monde. Ils doivent maintenir leur position. Lors des consultations auprès des conseils d’établissements sur les statuts des écoles, qui devront avoir lieu dans chaque commission scolaire d’ici trois ans, on s’attend à ce qu’ils fassent valoir qu’un statut confessionnel est discriminatoire et n’a pas sa place dans les écoles publiques.
Mais le statut de l’école, c’est simplement l’étiquette sur le bocal. Le gros morceau est à Québec. Plutôt que de freiner toutes les réformes, comme le faisait Pallascio, les représentants de la plus grande commission scolaire du Québec devront mettre la pression nécessaire sur la ministre de l’Éducation, Pauline Marois, pour qu’elle sente que la population appuie la laïcisation du système scolaire et aille de l’avant.

Quelles sont les forces et les faiblesses du MÉMO?
Il y a au sein de ce mouvement des membres influents qui s’accommodent très bien de la confessionnalité. Il ne faut pas penser que ce sont tous des militants laïques. C’est inquiétant, mais il faut donner une chance au coureur. Quant à leur principale force, elle réside dans leur souci d’amener les écoles à se préoccuper des problèmes quotidiens des enfants et d’en finir avec les établissements décrochés de la réalité. Les gens du MÉMO croient que l’école a un rôle à jouer dans les problématiques socio-économiques qui affectent les écoliers.

La présidente du MÉMO, Diane de Courcy, affirme que la balle est maintenant dans le camp du gouvernement québécois. Seul le gouvernement peut vraiment laïciser les écoles. Selon vous, le Parti québécois osera-t-il le faire?
Déjà, qu’ils aient demandé l’amendement constitutionnel démontre un certain désir de changement. Toutefois, avec son comité sur la place de la religion à l’école, la ministre Marois répète tout le processus des États généraux sur l’éducation qui se sont penchés sur cette question lors de leurs travaux. Ils ont fait le tour de tous les organismes et intervenants possibles à travers la province. Pourquoi tout recommencer, sinon pour essayer de gagner du temps?

Y a-t-il encore une place pour un Mouvement laïque?
Certainement. Nous avons plusieurs champs de bataille autres que le système scolaire. Mais même dans ce secteur, les commissions scolaires linguistiques ne sont qu’un début. Il reste beaucoup de travail à faire pour obtenir des écoles vraiment laïques, d’autant plus que Pallascio ne rend pas les armes et pourrait revenir au pouvoir dans quatre ans. Pour l’instant, maintenant que le MÉMO a gagné les élections scolaires, on sera le chien de garde qui va suivre de très près leurs actions pour leur rappeler leur position.