Vous voulez devenir homéopathe? Direction l’enseignement privé, car l’homéopathie ne s’apprend pas à l’université. Difficile en l’absence de loi ou de règlement de comptabiliser le nombre de ces écoles, au nombre d’une dizaine selon le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec. Plus difficile encore de se rendre compte de la pertinence de la formation qui y est donnée. La situation a cependant évolué avec la mise en place en 1993, par le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec, d’un programme-cadre de 1 500 heures d’enseignement (soit quatre années d’études).
Pour être admis, aucune inquiétude à avoir: dans le meilleur des cas, on exigera de vous un D.E.C. (le nec plus ultra étant de posséder un D.E.C. en Sciences de la santé). Mais certaines écoles recrutent sans diplôme. Qu’on se le dise, la profession est ouverte à qui veut bien l’exercer. Les homéopathes n’ont donc pas tous la formation orthodoxe médicale ou scientifique pour constituer une garantie contre les imposteurs. A cet argument, le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec répond que ses critères permettent d’assurer la compétence de ses membres. «Au Canada, nous sommes les seuls à faire partie de l’International Council For Classical Homeopathy, un organisme mondial, car nos critères de formation sont jugés suffisamment élevés, souligne Florent Tremblay, homéopathe, membre du syndicat. Ce qui porte le plus atteinte à la crédibilité de la profession, ce sont les formations de courte durée.»
Cette explication est valable, certes, mais pour les seuls homéopathes membres du Syndicat. Mais qu’en est-il pour ceux qui n’appartiennent à aucune association? N’ayant aucun statut professionnel officiel, le Syndicat ne peut ni forcer les homéopathes à se plier à ses critères, ni les sanctionner. Quant aux écoles, elles peuvent appliquer ce programme de formation avec une très grande marge de liberté, voire ne pas l’adopter du tout. «Toutes les écoles sérieuses s’alignent sur le programme-cadre. Mais chacune peut l’interpréter de manière particulière», reconnaît Raymond Bourret, secrétaire administratif de l’École d’enseignement supérieur en homéopathie du Québec. Difficile dans ces conditions de mettre en place un processus d’équivalence. Soucieuse de leurs prérogatives, les écoles ont du mal à se lancer dans l’uniformisation des programmes. Dommage, car cela pourrait cependant donner une impression d’unité à cette discipline.
«Le patient n’a aucun moyen de savoir s’il tombe sur un homéopathe qui a reçu une bonne formation, admet Florent Tremblay. Pour lutter contre les charlatans, le Syndicat offre des listes d’homéopathes qui ont suivi un programme de quatre années d’études.» Le Syndicat compte en son sein 340 membres qui respectent un code de déontologie. «La clé pour trouver un homéopathe? Magasiner, s’informer, prendre contact avec des gens qui ont étudié dans ces écoles», conseille Raymond Bourret. Pour s’assurer que le thérapeute possède au moins une formation convenable, la meilleure technique consiste donc à vérifier auprès du Syndicat. L’homéopathie, c’est l’école de la persévérance…
Qui dit homéopathie dit aussi médicaments. La popularité du phénomène a amené en 1992 l’Ordre des pharmaciens à établir une nouvelle norme qui stipule que la vente de médicaments homéopathiques, sur ordonnance ou non, fait partie de l’exercice de la profession. Pourtant, au Québec, seules les facultés de pharmacie des universités Laval et de Montréal offrent des cours sur le sujet. Et encore, à l’Université Laval, il ne s’agit que d’un cours optionnel d’une petite quarantaine d’heures. Est-ce suffisant pour devenir expert en la matière? «C’est plus un cours d’introduction qui ne qualifie pas les pharmaciens, estime Michel Groleau, pharmacien et homéopathe. Certains pharmaciens reçoivent des formations de quelques jours, ce qui est trop court. C’est un problème, car si le remède est mal choisi, il ne sera pas efficace.» L’éventail des compétences sur le conseil au client dans sa recherche d’un produit homéopathique est de fait très large.
Comme si tout cela n’était pas déjà assez ambigu, la Loi médicale ajoute son grain de sel. En conférant un monopole au Collège des médecins du Québec en matière de santé, elle constitue un obstacle à la reconnaissance de la formation et de la pratique de l’homéopathie puisqu’elle empêche tout partage des actes. En 1993, la Corporation professionnelle des médecins du Québec a pris position sur les thérapies alternatives, au nombre desquelles l’homéopathie fait partie, statuant qu’un médecin peut recourir à certaines formes de médecines douces «dans les seuls cas où aucun traitement ne serait reconnu selon les données de la science». Si l’exercice professionnel est toléré sous certaines conditions, de formation, il n’en est nullement question. Celle-ci n’est d’ailleurs pas plus reconnue par le ministère de l’Éducation du Québec qui précise même qu’il n’est pas question pour le moment de parler de processus de reconnaissance. On en appelle plutôt au bon sens du consommateur pour juger si un homéopathe est apte à fournir les services demandés. La bataille est encore loin d’être gagnée.