Société

A en perdre la boule

L’envahisseur est partout, et il ne s’agit pas seulement de hooligans ou de skinheads allemands. Dans tous les recoins de la France, les amateurs de football déferlent comme de la mauvaise herbe, les médias ne parlent que de foot et le trésor public a été délesté d’environ dix milliards de francs pour accueillir la Coupe du monde. Un tel concert ne fait toutefois pas l’unanimité et la résistance prend forme. D’un côté, le Comité pour le boycott du football (COBOF) dénonce fortement toute l’exploitation commerciale du sport, qu’il associe au système capitaliste, au libéralisme, voire au fascisme. De l’autre, l’organisme La Coupe est pleine exprime tout simplement son ras-le-bol du football et distribue des autocollants «Espaces sans foot» à tous ses membres. Sur leur site Web, un regroupement de restaurateurs appelé SOS Femmes sans foot offre aux veuves du sport un service de transport avec chauffeur. Si l’on en croit les résultats d’un sondage réalisé pour le magazine Elle, le service tombe à pic et ces messieurs aveuglés par le ballon rond devraient peut-être s’ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard: environ 600 000 Françaises ont avoué être prêtes à payer pour un service d’«escortes» pendant la Coupe du monde et vingt et un pour cent de la population féminine prévoyait assister à des spectacles de striptease masculin.Le trop-plein a aussi pris une forme pour le moins étonnante chez un libraire parisien spécialisé dans la littérature. sportive. Alors qu’il aurait pu profiter de l’occasion pour s’en mettre plein les poches, le propriétaire de la librairie «Le Sportsman» a, pour toute la durée de la Coupe, remplacé la section football par une section art et poésie. «Je suis un citoyen lucide avant d’être un libraire», clame Michel Merejkowsky. Comme le rapporte le Nouvel Observateur, c’est qu’il est choqué par l’obscénité de l’argent, offusqué par les commandites des Coca-Cola et McDonald dans un pays qui se veut le berceau du vin et de la gastronomie, ulcéré par ce qu’il considère comme une «entreprise de décervelage qui occulte tout autre événement d’importance sur la planète».Ne racontez surtout pas ça autour de vous: à quelques mois du dépôt de la candidature de Québec pour les Jeux de 2010, ça pourrait donner de drôles d’idées aux gens de chez nous.