Société

Montréal en campagne : Un Nuremberg pour Duchesneau

C’est avec la stupéfaction de raéliens assistant à un débarquement d’ovnis que les Montréalais ont appris que leur candidat Duchesneau, policier de carrière, n’a pas toujours fait ses arrestations avec un sourire Wal-Mart. «Au revoir et merci de magasiner au SPCUM.»

Récapitulatif pour le lecteur qui aurait pris soin de ne pas allumer la télé dimanche dernier: Lors de l’assemblée d’investiture dans le district de Victoria, la nouvelle tête d’affiche du RCM, Dan Philip, a sorti un vieux rapport de la Commission de la police, datant de 1981. Il y était recommandé d’inffliger un blâme au dossier du sergent-détective Jacques Duchesneau, pour abus de pouvoir lors d’une descente qu’il avait menée dans un repaire du clan Provençal.

Une nuit de juin 81, Duchesneau, les stups, et les tactiques arrivent, défoncent les portes d’un appart du Plateau, gèlent les lieux, emmènent les suspects au poste le temps de la fouille avec les chiens (qui durera la journée), puis… chou blanc! Il n’y a pas de drogue dans le repaire!
Le clan Provençal porte plainte à la Commission. Le juge Gosselin leur donne en partie raison: détentions abusives, et manque de personnel féminin pour permettre à madame Provençal, nue, de se rhabiller sous surveillance. Fin du récapitulatif.

Pour Dan Philip et le RCM, c’était l’occasion de faire un croc-en-jambe au favori de la course à la mairie. Ce que prétend Dan Philip, aussi président de la Ligue des Noirs du Québec, – à ce titre, toujours prêt à dégoupiller la grenade du racisme chaque fois qu’une arrestation impliquant un Noir tourne mal – , c’est que Jacques Duchesneau est un Pinochet en puissance (ou un Frederic De Klerk, selon ses références culturelles). «C’est une violation des Droits de l’homme de la pire espèce», a-t-il commenté.

Les nerfs, Pompon! D’abord, à côté de la Loi sur les mesures de guerre, l’opération visée a l’air d’une campagne de sensibilisation pour la sécurité à vélo: des flics, de violents bandits, un mandat de perquisition; on fouille, on ne trouve rien, ou si peu. La police venait de se faire fourrer par un indic. That’s it.

Si les informations détenues par la police s’étaient révélées exactes, il n’y aurait pas eu blâme. Car le juge Gosselin note que les gestes reprochés à Duchesneau l’ont été parce qu’injustifiés. Pas illégaux au sens de la Convention de l’ONU sur les Droits de l’homme. Tout ce qui manquait pour que l’opération, telle qu’elle s’est déroulée, soit justifiée, c’était un bon kilo de came dans l’appart, ce à quoi s’attendaient les policiers.
De là à qualifier cet épisode de violation des Droits de l’homme de la pire espèce… Dieu du ciel, un peu de retenue et de la mesure dans vos attaques! Le RCM, qui nous avait habitués jusqu’ici à un niveau supérieur de campagne, un débat d’idées, vient de sombrer dans la démagogie facile. Le niveau baisse!
Duchesneau, policier de carrière, n’a pas toujours fait ses arrestations avec un sourire Wal-Mart? Les Montréalais ont haussé les épaules.

Où est Jacquot?
Michael Polak, candidat de Nouveau Montréal dans Victoria, a été envoyé au front pour défendre l’intégrité de son chef.
– Où est M. Duchesneau?
– Je sais pas.
– Qu’en pense-t-il?
– Je sais pas. Tout ce que je sais, c’est que M. Duchesneau dit que ce n’était pas lui qui était visé par le blâme de la Commission.

Selon Nouveau Montréal, le nom de Jacques Duchesneau apparaît dans le rapport parce qu’il avait remplacé Henri Marchesseault à la tête de l’escouade anti-drogue, au début des années 80.
Dire que son nom apparaît au rapport est un euphémisme. Voici un extrait quasi in extenso: «La Commission enjoint au directeur de police (…) d’inscrire ce blâme au dossier du sergent-détective Jacques Duchesneau, le tout conformément aux dispositions…»

Un autre: «La Commission estime approprié de recommander au directeur (…) d’imposer une sanction au sergent-détective Jacques Duchesneau, à titre de responsable de toute l’opération.»

Se peut-il que, tout au long des procédures de la Commission, jusqu’au rapport final envoyé au procureur général, les commissaires aient été incompétents au point de confondre Marchesseault et Duchesneau, directeur d’escouade et sergent-détective? «S’cusez M. le procureur général, on s’est trompé…» Se peut-il?

Fond du baril
Un trou. Un criss de gros trou. Et qui pue la putréfaction de caca de chien à des quadrilatères à la ronde. La semaine dernière, la bataille électorale s’est déplacée au bord du gouffre. L’ex-carrière Miron, rebaptisée Complexe environnemental Saint-Michel (Qu’ils ont de l’humour les bureaucrates!), est le dépotoir de Montréal. Notre poubelle commune où on enfouit, sous d’autres déchets, le contenu de poupou la corbeille. Et le dépotoir est devenu le dossier de l’heure. De tous côtés, il y a inflation de promesses.

L’ergotage entourant la cavité qui fait la petite misère des résidants du quartier Saint-Michel n’est pas un dossier électoral. C’est une allégorie. Il illustre avec une jouissante ironie le petit calibre de nos hommes politiques. Une campagne qui ne se fait pas sur le comment-sortir-Montréal-du-trou, mais sur le commen remplir-le-trou-de-Montréal. Encore.