Ouverture de Planet Hollywood : La sainte sueur de Bruce Willis
Société

Ouverture de Planet Hollywood : La sainte sueur de Bruce Willis

Après l’apparition de Pierre Bourque à Côte-des-Neiges, c’était au tour de Bruce Willis de descendre sur Terre et de se faire homme, histoire de multiplier les petits pains à hamburgers. Les fidèles étaient au rendez-vous. Polaroïd d’une messe athée.

Quand les Stars-messies descendent vers nous de leur Planet Hollywood, il faut y être. J’y étais. J’ai frôlé Cindy Crawford. J’ai senti le parfum de Geena Lee Nolin et joué du coude avec Dennis Rodman. La grâce de la célébrité m’a imbibé dans un clin d’oil de Sporty Spice. Les paroles de Sly Stallone et de Bruce Willis, telles des langues de feu incandescentes, ont embrasé mon esprit. Alléluia!

Le but principal de l’exercice était de mousser les hamburgers d’un greasy spoon version L.A. La gang de morons de Toronto venus se charger de la sécurité avaient la subtilité de bureaucrates à la retraite, pas foutus de faire la différence entre Patrick Huard et Pierre Bourque.

Les fidèles présents se subdivisaient au mérite. De loin, le monde. Devant le monde, les gagnants des concours qui ont eu le privilège de rester le long du cordon de sécurité. Près de la porte, les journalistes accrédités. Dans le restaurant, les vedettes de chez nous. Finalement, dans une salle du restaurant, aux allures d’aquarium, un sérail des quelques élus méritant de manger coude à coude avec les VRAIES stars.

L’Olympe
Cliché pour cliché, l’inauguration du Planet n’était cependant pas plus mal foutue que tout ce qu’on nous vend chez nous avec les gens d’ici, les credos d’ici et le fric d’ici. Bruce Willis s’est tapé un spectacle dans la rue qui, contrairement au Festival de Jazz ou à Juste pour rire, n’a rien coûté en fonds publics. Des Stars, il y en avait à la pelle et elles se sont prêtées de bonne grâce à l’exercice. Willis lui-même est un garçon fort bien élevé, poli et sympathique, au point qu’on se demande quelle mouche a piqué cette brave Demi. Et Geena Lee Nolin a de très jolis doigts de pied.

Passons outre le magnétisme et le mérite qui font la star et sortons du débat prévisible entre la presse «People» et les chroniqueurs contre-culture. Je me demande tout de même: des deux, qui est le plus bizarre? La vedette qui se comporte comme Zeus descendu de l’Olympe, ou le fidèle venu prier le long d’un tapis rouge?

La fascination pour les grands de ce monde est un curieux phénomène qui ne touche pas seulement les groupies. Nous tombons tous plus ou moins sous le charme de la célébrité et ceux qui s’en défendent le font davantage par principe que par un élan du cour. Avouons-le sans vergogne: il y a pire que Madonna qui nous lance un sourire en coin.

Le Star-Système est une religion polythéiste, voire le culte principal de l’ère du Verseau. Une manufacture à mythes. L’un de ses mensonges prétend qu’à l’ombre des stars, le temps s’arrête. En approchant une vedette d’ordinaire inaccessible, on passe dans une autre dimension, sur le terrain de l’éternité. On grignote un peu de sa postérité. On est moins insignifiant. On existe au delà du réel de nos hypothèques ou de nos comptes à payer. La vénération des vedettes est une toxicomanie.
Cette soif a cependant son revers. La star est prisonnière de nos rêves, comme Truman, dans le film de Peter Weir, de sa cité artificielle. Le besoin inné de créer des dieux à notre image est un piège à talent. Impossible d’être un artiste international sans faire les frais de son succès, sans se sentir captif de son statut, sans mourir quinze fois par jours dans un tabloïd. La relation entre la star et son fan est sadomasochiste.

On le croit à les voir souffrir l’un et l’autre dans la réciprocité de leurs rêves. Marcher sur un tapis rouge de deux cents mètres de long pour aller manger des doigts de poulet frit est une expérience assez pénible, croyez-moi. Presque autant que de se masser contre un cordon de policiers pour humer les lointains effluves de la gloire. A son arrivée, Willis avait l’oil un peu vitreux et son chandail en lambeaux m’a rappelé le Christ au Golgotha. Une Passion de circonstance jouée sur un stage de rock & roll. Le lien entre la vedette et son fan repose en réalité sur un accord mutuel à jouer le jeu pernicieux de l’envie.

La communion
Dans un événement comme celui du Planet, difficile de dire qui a le dessus entre la foule et la vedette. Si les badauds éprouvent le sentiment désagréable d’avoir l’air con, les stars s’efforcent quant à elles de ne pas mourir de ridicule. Il n’y a pas un diable d’homme qui puisse supporter la vénération d’un peuple sans se sentir dans ses petits souliers. Je vous le dis sans nommer personne, les vedettes d’ici qui ont eu accès à l’aquarium du Planet avaient toutes le sentiment désagréable d’être un peu loin de leur public.

La grosse, l’énorme, la gigantesque différence entre hier et aujourd’hui, c’est que notre époque génère de l’adoration qui tourne à vide. On adule des gens qui ne nous mènent nulle part, qui vivent, qui mangent et qui ont pour tout mérite de respirer, comme ce bon vieux Truman ou comme les filles de Baywatch. Mais ces stars-là ne réfléchissent pas beaucoup et ne nous libèrent pas du tout.

En regardant la foule nous regarder entrer au Planet Hollywood, je me suis mis à penser que ce n’était peut-être qu’un décor, que les gens qui criaient étaient des figurants et la Place Montréal Trust, une toile peinte. Pourtant, tout était bien réel. Ce qui ne l’était pas, c’était la raison pour laquelle nous nous retrouvions là. Les espoirs des uns et les mensonges des autres avaient vraiment l’allure d’une communion d’esprits. Devinez qui ment le plus.

Le rapport qu’on entretient avec les stars tient de la porno amateur. Vous connaissez les vrais-faux-films-de-cul? Un acteur qui ressemble à mon beauf fait l’amour à sa voisine qui ressemble à sa cousine, pendant qu’un pro de la caméra fait mine de ne pas s’y connaître du tout. Ça nous donne l’impression d’entrer dans une chambre à coucher de Brossard. Le nec plus ultra du genre, c’est Pamela qui suce Tommy dans le format dont je parle. Des stars qui jouent les vedettes en devenant quelconques. L’adulation est un reality show pervers.

Pour que la vénération fonctionne vraiment, ça prend de l’illusion, mais surtout du vice. Les vedettes doivent simuler l’orgasme, faire semblant que ça leur fait plaisir, alors qu’elles sont parfaitement conscientes que l’amour n’y est pour rien. Le public, quant à lui, doit entretenir l’érection de sa foi. Il sculpte une idole en bois, la place devant lui, et il la prie. C’est peut-être con mais c’est essentiel. On s’imagine alors qu’il y a une vie avant la mort.