Sweatshop Watch : De fil en aiguille
Société

Sweatshop Watch : De fil en aiguille

Même s’ils ne se gênent pas pour donner des leçons de démocratie aux autres, les États-Unis n’ont jamais été à l’abri du phénomène des sweatshops. En 1995, le cas de soixante-douze travailleurs thaïlandais retenus prisonniers depuis sept ans dans un édifice à appartements d’El Monte, en Californie, pour coudre les vêtements de quelques grands noms de la mode américaine, a mobilisé les groupes et les individus qui luttaient pour la reconnaissance des droits humains.

C’est à la suite de cette mobilisation qu’est née Sweatshop Watch, une coalition qui regroupe une vingtaine d’organismes et qui concentre ses efforts à défendre les droits des travailleurs, en particulier ceux du textile, dans l’État de la Californie.

«Notre première campagne en tant que coalition a été de demander aux compagnies qui faisaient affaire avec le sous-contractant d’El Monte d’offrir une compensation aux travailleurs exploités», explique Nikki Fortunato Bas, coordonnatrice des programmes chez Sweatshop Watch, à Oakland.

«Leur réponse n’a pas été très positive, poursuit-elle. Au total, seulement sept manufacturiers ou détaillants ont accepté de négocier une certaine forme de compensation financière pour ces travailleurs qui dormaient dans des chambres infestées par les rats, dans un édifice surveillé par des gardes armés. C’est bien peu.»

Au quotidien, Sweatshop Watch travaille surtout à sensibiliser le public. L’organisme publie un bulletin d’information et opère un site Internet très bien documenté. Sweatshop Watch présente également une exposition de photos, The Faces Behind the Label, question de dévoiler le visage de ceux et celles qui fabriquent les vêtements que nous portons. Rien à voir avec les physionomies épanouies de Cindy Crawford ou de Naomi Campbell…

La coalition milite également en faveur du living wage, ou salaire de vie. Contrairement au salaire minimum, le salaire de vie permettrait aux travailleurs de vivre décemment, de se nourrir, de se loger et de subvenir aux besoins de leur famille. Ce salaire pourrait être inscrit à l’intérieur d’un code de conduite auquel adhéreraient toutes les entreprises américaines.

«Les compagnies américaines, dont certaines ont signé l’entente sur les droits des travailleurs du vêtement en avril 1997, refusent d’inscrire ce salaire de vie dans un code de conduite, explique Fortunato Bas. Nous sommes toujours en négocation…»

Sweatshop Watch conseille aux consommateurs de soutenir les efforts de syndicalisation des travailleurs de l’industrie du vêtement. «Le boycott n’aide pas les travailleurs, qui risquent de perdre leur emploi, affirme la porte-parole de Sweatshop Watch. On encourage plutôt les consommateurs à écrire aux compagnies et à poser des questions aux vendeurs lorsqu’ils achètent un vêtement.»

Imaginez la tronche du vendeur chez Gap quand vous lui demanderez s’il croit que son kakhi a été fabriqué dans le respect des droits de la personne…

Mais comment reconnaître un vêtement propre d’un vêtement fabriqué dans des conditions inacceptables?
«C’est ça le problème, reconnaît Nikki Fortunato Bas. C’est pratiquement impossible de le savoir.»