Musée Félix-Leclerc : Les granges manouvres
L’été prochain, NATHALIE LECLERC aura vraisemblablement réalisé son vou le plus cher: créer un musée à la mémoire de Félix, son père. Petite histoire d’un musée errant.
Dix ans après sa mort, Félix Leclerc aura enfin droit à son musée. C’est ce qu’ont annoncé Nathalie Leclerc, fille de Félix, et son compagnon Christian Bilodeau la semaine dernière. C’est dans une vieille grange située sur un terrain privé à Saint-Pierre, sur l’île d’Orléans, que sera mis sur pied «Le Tour de l’île de Félix», un centre d’interprétation dédié à l’ouvre chansonnière et littéraire du roi chantant.
Pour la Fondation Félix-Leclerc, dont M. Bilodeau est le président, la signature d’une entente de principe avec le producteur de cassis Bernard Monna, propriétaire du bâtiment, est un immense soulagement. L’étape était cruciale: le ministère de la Culture et des Communications exigeait que la fondation ait trouvé un site avant d’investir dans le projet. «Je pense qu’on vient de franchir une étape lumineuse», commentait M. Bilodeau, quelques heures après la conférence de presse. «Depuis trois ans, on a fait du repérage partout; plusieurs lieux étaient possibles, mais il y avait toujours un irritant.»
Les souliers des promoteurs du musée ont en effet beaucoup voyagé. Au cours des dernières années, pas moins d’une demi-douzaine d’endroits ont été pressentis pour accueillir le musée. Chaque fois, les négociations achoppaient. Les difficultés ont culminé en mars dernier, lorsque des citoyens de Saint-Pierre se sont opposés à la cession de leur église paroissiale érigée en 1955. «Ce fut très difficile à vivre, se rappelle M. Bilodeau. La dernière chose qu’on voulait, c’est qu’un projet à la mémoire de Félix devienne aussi polémique.» La fondation a donc décidé de faire marche arrière. A ce moment, environ 15 000 $ avaient été investis en études diverses.
Mais les promoteurs n’auront pas peiné pour rien: avec sa vue sur le fleuve, la côte de Beaupré et le pont de l’île, la propriété de M. Monna reflète particulièrement bien l’univers poétique de Félix. Par ailleurs, le choix de la grange de M. Monna offre une coïncidence historique intéressante: quarante ans après que les Français nous aient fait découvrir Félix, c’est un citoyen d’origine française qui accueille chez lui le musée à la mémoire du chansonnier. Nul n’est prophète… ni conservateur en son pays!
Même si le projet est en bonne marche, la Fondation Félix-Leclerc a encore beaucoup de pain sur la planche. D’abord, elle doit obtenir l’argent nécessaire au réaménagement de la grange, soit un demi million de dollars. Sur ce point, M. Bilodeau est confiant: la ministre Louise Beaudoin lui a personnellement assuré que le gouvernement soutiendrait le projet. L’autre question épineuse concerne le zonage. A l’heure actuelle, le site convoité par les promoteurs du musée est réservé à des activités agricoles. M. Monna et la fondation devront donc obtenir une modification du zonage. Puisque le conseil municipal de Saint-Pierre semble favorable au changement, tout dépendra de la Commission de protection du territoire. Reste également à voir si l’établissement du musée sera contesté par des voisins inquiets du bruit qui sera causé par les visiteurs et leurs véhicules…
Le musée – qui comprendra un café-boîte à chansons et une terrasse extérieure – présentera divers objets et archives qui retraceront le parcours de Félix. La fondation possède déjà les expositions Les voies de l’écriture, offerte par le Musée Louis-Hémon, et Félix ou l’aventure, présentée il y a quelques années au Musée de l’Amérique française. Dans un souci de protection des artéfacts et afin d’enrichir sa collection, la Fondation Félix-Leclerc compte faire appel à divers organismes ou amis de Félix, comme Radio-Canada, Raymond Devos ou les Éditions Raoul-Breton (propriété de Charles Aznavour), qui possèdent des documents concernant Félix. Si tout va bien, les premiers visiteurs pourraient être accueillis dès l’été prochain.