Les sciences à l’école : Étude de la matière
C’est connu, la nouvelle économie sera basée sur les sciences et les nouvelles technologies. Pour faire partie de l’élite, le Québec devra donc convaincre le plus grand nombre de ses rejetons d’y faire carrière; la Société pour la promotion de la science et de la technologie s’en charge.
Si les petits Québécois font généralement très bien dans les concours nationaux et internationaux de sciences scolaires, ils sont moins nombreux, toutes proportions gardées, à se diriger vers des matières à caractère scientifique, une fois venu le temps d’orienter leurs études post-secondaires.
La Société pour la promotion de la science et de la technologie (SPST) en est consciente, et, comme son nom l’indique, elle ouvre pour changer cet état de fait. Elle vise non seulement à faire de la science une matière plus sexy à l’école, mais aussi à prendre l’initiative à la place du ministère de l’Éducation et des syndicats pour donner à la science la place qu’elle mérite à l’école. «C’est très personnel comme évaluation, mais il me semble que nous avons abandonné l’école aux fonctionnaires et à la CEQ, déplore Patrick Beaudin, directeur général de la Société. On ne cesse d’entendre qu’on manque d’argent, de temps et de ressources pour enseigner davantage de sciences à l’école. Or, souvent, les meilleures idées sont celles qui coûtent le moins cher!»
Ces idées bon marché dont parle Patrick Beaudin, c’est l’utilisation de ressources autres que scolaires, comme l’enseignement non formel. Bien sûr, il y a la formation formelle, celle prescrite à l’école. Malheureusement, nombre de professeurs du primaire se sentent mal à l’aise face à l’enseignement des sciences, au point où quarante-sept pour cent des élèves du primaire ne reçoivent pas toutes les leçons de sciences auxquelles ils sont en droit de s’attendre, et près de dix pour cent des classes n’en reçoivent pas du tout! L’enseignement non formel, pour sa part, regroupe toute une armée d’organismes, de scientifiques, de bénévoles et d’entreprises offrant aux élèves, et à la population en général, une panoplie de services éducatifs; un créneau qui est sous-utilisé au Québec.
Pour la Société de la promotion de la science et de la technologie, l’enseignement des sciences n’est pas que l’affaire de l’école. «Il faut cesser de toujours accuser le système scolaire et les professeurs. L’enseignement de la science n’incombe pas qu’à eux, mais aussi aux scientifiques, aux entreprises, et organismes bénévoles comme le nôtre», dit Beaudin. Il faudrait donc penser à des initiatives locales et venant d’entreprises privées. Las d’attendre, des enseignants, des parents et des compagnies du West-Island ont justement pris les choses en main. «A la commission scolaire Baldwin-Cartier (Ouest de Montréal), les professeurs, les directions des écoles et certaines entreprises locales se sont réunis, poursuit Patrick Beaudin, et ont mis sur pied un programme de visites scientifiques. Les entreprises prêtent du matériel; on organise des soirées "meurtre et mystère" chez Merck-Frosst, où les gens s’improvisent enquêteurs scientifiques, etc. La mise à jour des connaissances n’a pas à être aussi formelle que les syndicats le prétendent.»
Alphas contre bêtas
Si la mission «promotion» de la Société connaît un succès certain auprès du public, dans les officines du MEQ, l’histoire est tout autre! «Nous avons déposé des mémoires en commission parlementaire (qui devait mener à la réforme Marois du curriculum, présentée le printemps dernier) pour parler de l’importance des sciences à l’école. Le problème, dans ces événements, c’est que chacun prêche pour sa paroisse, et veut plus d’heures d’enseignement consacrées à sa matière.» Ainsi, le nouveau curriculum au primaire et au secondaire semble envoyer les sciences en pénitence, à genoux dans le coin de la classe.
Dans sa réforme, la ministre de l’Éducation, Pauline Marois, a annoncé des cours obligatoires de sciences et technologies pour les quatre premières années du secondaire, cours qui regrouperont les matières suivantes: biologie, écologie et sciences physiques. Au niveau primaire, des cours de sciences de la nature sont prévus en première et deuxième années, mais aucun temps n’est prescrit. Ce qui veut dire que l’enseignant choisira parmi plusieurs matières et dispensera ou non un enseignement digne de ce nom.
Quel est le résultat de cette équation? Les élèves québécois seront ceux qui recevront le moins d’enseignement en sciences de tout le pays. Après la réforme Marois, le temps qui leur est consacré sera amputé de onze pour cent. «Ce n’est pas catastrophique, tempère Beaudin. Pour pallier le manque d’heures de classes scientifiques, la ministre avance le concept des sciences intégrées, où l’enseignement est non centré sur une seule discipline et une seule matière, mais sur plusieurs. Une bonne idée, mais on a de la difficulté à expliquer le concept. Pour le moment, tout ça demeure vague et il faudra surveiller où ira le ministère.»
Tout compte fait, la lenteur du gouvernement à faire de la science une matière scolaire pleine et entière, si déplorable soit-elle, a du bon, selon Patrick Beaudin. Plus d’heures de classe en sciences, telles qu’elles sont enseignées présentement, ne constitueraient pas tout à fait un atout: «On a encore une approche trop magistrale des cours de sciences: le prof fait du bourrage de crâne devant la classe, et ce n’est pas de cette façon qu’on donne le goût d’une matière – surtout lorsqu’elle est loin d’être évidente pour les tout-petits.» La formule miracle demeure toujours un mystère…
ENCADRÉ
SPST: Les grands débrouillards
La Société pour la promotion de la science et de la technologie organise diverses activités scientifiques en milieu scolaire et crée, en collaboration avec plus de cinq cents partenaires, du matériel pédagogique destiné aux enseignants et aux élèves. Toute l’action de la Société tourne autour d’une «sainte Trinité»: information/formation/animation. Entre autres, il y a le programme le cadre duquel les «Innovateurs à l’école», des centaines de scientifiques parcourent les écoles québécoises pour partager, avec les élèves, leur passion de la science. La Société est aussi l’organisatrice de la Quinzaine des sciences, un festival annuel de la science qui se déroule dans tout le Québec, et auquel trois cent mille personnes assistent et participent. Elle distribue également diverses publications, comme L’ADN du vélo, et Jeux de vélo, deux périodiques qui rejoignent la mission principale de la Société: montrer les applications toutes simples et quotidiennes de la science.
Du 19 au 21 octobre prochain, la SPST sera l’hôte du colloque international «Classe Laboratoire Industrie Cyberespace (CLIC)», une vitrine sur les meilleures expériences de diffusion et d’apprentissage de la science. Des entreprises publiques et privées, des universités, des ministères fédéraux et provinciaux y participeront, sauf un. Qui? «Le ministère de l’Éducation, bien entendu», soupire Patrick Beaudin.