Luc Larivée était-il en service commandé?
Lundi dernier, le président du conseil municipal (d’allégeance Vision Montréal) a refusé aux conseillers de l’opposition le droit de lever le voile sur l’état réel des finances de la Ville.
Il faut dire qu’on craignait le pire. Vingt, trente, quarante millions de dollars – les supputations quant à l’ampleur du manque à gagner vont bon train. Mais on ne connaîtra pas la profondeur du trou, du moins, pas pour le moment. Ainsi en a décidé Luc Larivée, au grand plaisir du maire Bourque et de ses sous-fifres du comité exécutif. Avec un constat comptable aussi désastreux à trois semaines du déclenchement des élections, le maire et son parti auraient commencé la campagne avec deux prises contre eux.
Mais le débat sur l’état des finances n’a pas eu lieu à cause d’une prétendue «irrecevabilité»: Marvin Rotrand, qui secondait ce point inscrit à l’ordre du jour, était absent, pour cause du décès de sa mère. Selon le service du contentieux de la Ville, l’assemblée aurait pu légalement se tenir malgré le décès de madame Rotrand. Mais le président Larivée, docteur de profession, a choisi de substituer ses connaissances du droit à celles des avocats de la Ville. «Ils se sont déjà trompés», a-t-il jugé.
L’agent Glad des Services secrets de sa Minorité Géranium Premier n’en rate pas une. C’était la seconde fois en quelques jours qu’il interprétait les règles du conseil afin d’empêcher un tel débat.
Rappelons qu’un président de conseil municipal est censé diriger la circulation des commentaires, des questions et des réponses lors d’une assemblée municipale. Et ce, au-delà de la partisanerie. Mais quand Luc Larivée a décidé d’annuler l’assemblée, il a pris fait et acte pour son parti.
Après l’assemblée, l’opposition criait à la dictature. «Partisanerie!» dénonçait Pierre Goyer. «La démocratie n’existe pas!» estimait pour sa part l’ineffable Jack Chadirdjian, lèche-cul de Pierre Bourque il y a quelques mois, aujourd’hui l’un de ses principaux détracteurs au nom de Jacques Duchesneau.
L’opposition peut bien morver dans sa soupe; d’une certaine manière, elle est responsable de son propre malheur. En effet, ce n’était pas la première fois que l’opposition reprochait au président Larivée de pencher comme la tour du Stade, c’est-à-dire toujours du même bord. Elle a eu un an pour envoyer Larivée aux douches, et nommer l’un des siens à la présidence, grâce à sa majorité au conseil, acquise au fil des départs dans l’équipe du maire Bourque. Mais elle ne l’a pas fait.
Allez savoir.
L’élasticité de Gumbo
Dans la présente campagne, les stratèges de Vision Montréal misent beaucoup sur l’image de Pierre Bourque: Pierre par-ci, Pierre par-là… Cet été, on a vu le maire comme jamais.
Ce n’est pas tant que l’image de Pierre Bourque soit un actif inestimable pour le parti: au contraire, chez les trois quarts de la population montréalaise, Bourque est le pire maire dont Montréal a hérité. Après lui, ne manqueraient plus que les sauterelles.
Si les membres de Vision Montréal misent tant sur leur chef, c’est que les sauterelles, c’est le reste du parti. L’édifice qui supporte le maire Bourque est fait de bâtons de Popsicle. Il a été affaibli par le départ des collaborateurs de la première heure. L’équipe est manipulable, pas très compétente. Un rien la ferait s’effrondrer.
Si Bill Clinton est le Houdini de la politique, Pierre Bourque en est le Gumbo. Un as des contorsions, qui réussit à demeurer en poste, malgré un règne chaotique qui aurait éjecté n’importe quel autre politicien.
The Amazing Peter
Ceux qui déplorent l’état lamentable des finances montréalaises ont raison de s’inquiéter. Mais si Pierre Bourque avait tenu ses promesses de la campagne de 1994, Montréal aurait aujourd’hui des allures de ville russe.
Parmi ces promesses, il y avait la transformation du dépotoir Miron en un parc de verdure avec usines de traitement des déchets et de recyclage. Le «revamping» de la Bibliothèque centrale par un tunnel sous la rue Sherbrooke pour la relier au pavillon La Fontaine. Et la mise en marche d’un train de banlieue entre Repentigny et le centre-ville. Coût total de ces promesses: huit cents millions de dollars. Tout cela, répétait le futur maire, sans hausser les taxes, sans gonfler la dette ni couper les services à la population, et en gérant des compressions de cent millions de dollars!!!
On ne peut pas reprocher à Pierre Bourque d’avoir manqué à ses promesses d’antan. Car, plus pensée magique que le programme de Bourque en 94, on fait tous de la télékinésie. Que lévitent les revenus!
On ne peut rien reprocher à Pierre Bourque. Au contraire, on doit remercier le ciel et sacrifier un mouton sur la place publique en offrande au PQ pour avoir permis à Pierre Bourque de renier sa parole, et éviter ainsi aux Montréalais quelque chose comme… une invasion de sauterelles. Ou une crise du verglas éternelle.