Société

Cinéma : Planète Hollywood

La Seconde Guerre mondiale, l’horreur pour ados, l’au-delà rassurant, et les insectes parlants: l’automne hollywoodien navigue entre la formule et l’audace. Qui en sortira gagnant?

À l’heure où les films sur Wyatt Earp, les volcans et les astéroïdes sortent en double, comme des objets produits en série, Hollywood ressemble plus que jamais à une vaste usine dont l’imaginaire tourne à vide. On n’y compte d’ailleurs plus les remakes, les adaptations de best-sellers et de vieilles séries télévisées, engendrant elles-mêmes une avalanche de suites et d’autres produits dérivés.

Pourtant, certaines tendances se démarquent encore plus que d’autres, et mettent en relief des coïncidences pour le moins amusantes. Qu’il s’agisse de la recrudescence de films de guerre (The Thin Red Line, de Terrence Malick, A Soldier’s Daughter Never Cries, de James Ivory, et The Siege, d’Edward Zwick), de l’abondance de films d’horreur pour ados (I Still Don’t Know What You Did Last Summer, The Faculty, Bride of Chucky) ou de la multiplication des restaurations de classiques (The Wizard of Oz, Touch of Evil et une nouvelle version de The Last Emperor, plus longue d’une heure!).

Ainsi, les prochains mois nous amèneront deux dessins animés à très gros budgets racontant des histoires tournant autour d’insectes. Antz, des studios Dreamworks (Spielberg et Cie), dans lequel une fourmi ouvrière (qui a la voix de Woody Allen) tente de se libérer, et de séduire la fille de la reine (doublée par Sharon Stone), dans un monde peuplé d’insectes ayant les voix d’Anne Bancroft, de Christopher Walken et de Sylvester Stallone! Et A Bug’s Life, de John Lasseter (Toy Story), qui raconte l’histoire d’une petite fourmi (doublée par Dave Foley) qui engage une puce de cirque au chômage (Denis Leary), pour la débarrasser d’une sauterelle teigneuse (Kevin Spacey!).

De même, les majors nous mijotent au moins trois mélodrames tournant autour de thèmes incroyablement similaires. Ainsi, Stepmom, de Chris Columbus, raconte l’histoire d’une divorcée (Susan Sarandon) se rapprochant de la nouvelle femme (Julia Roberts) de son ex-mari (Ed Harris), lorsqu’elle découvre qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre. Dans One True Thing, de Carl Franklin, Renée Zellweger incarne une journaliste cynique (y en a-t-il une autre sorte?) qui se rapproche de ses parents (William Hurt et Meryl Streep) quand elle apprend que sa mère n’a plus que quelques mois à vivre. Finalement The Mighty, de Peter Chelsom, dans lequel Sharon Stone, Gena Rowlands et Gillian Anderson se rapprochent l’une de l’autre, lorsqu’elles sont confrontées à un petit garçon (Kieran Culkin) qui n’a plus que quelques mois à vivre…

Si cette succession de mélodrames «réalistes» ne suffit pas à vous émouvoir, Hollywood vous réserve aussi une parade de mélodrames fantastiques, qui trahissent une fascination irréelle pour l’au-delà: qu’il s’agisse de What Dreams May Come, de Vincent Ward, dans lequel Robin Williams joue un homme mort quittant le paradis avec l’aide d’un ange (Cuba Gooding Jr.) pour aller chercher sa femme (Annabella Sciora), qui s’est suicidée et repose en enfer; de Meet Joe Black, de Martin Brest, dans lequel la Mort décide de prendre le visage de Brad Pitt (évidemment!) pour venir goûter à l’amour sur Terre; ou encore de Jack Frost, de Troy Miller, dans lequel un père de famille, qui meurt dans un accident d’auto (Michael Keaton), décide de se réincarner en bonhomme de neige pour égayer le Noël de son fils!

Tout aussi bizarre, mais beaucoup plus intéressant, est le nombre croissant de films qui explorent la face cachée de l’Amérique: qu’il s’agisse d’American History X, de Tony Kaye, dans lequel Edward Norton incarne un ancien skinhead qui tente de sauver son frère (Edward Furlong) d’une vie de crimes haineux; d’Apt Pupil, de Bryan Singer, dans lequel le réalisateur de The Usual Suspects s’inspire d’un roman de Stephen King pour raconter l’amitié entre un ado impressionnable (Brad Renfro) et un vieux criminel de guerre nazi (Ian McKellen); de Happiness, de Todd Solondz, qui a remporté le Prix de la critique, à Cannes, en explorant les fantasmes sexuels et violents des gens d’une petite ville apparemment sans histoire; ou encore de The Brandon Teena Story, un documentaire relatant l’histoire (incroyable, mais vraie) d’un homme du Nebraska, qui fut violé et assassiné lorsque ses amis apprirent qu’il avait déjà été une femme.

Ajoutez la perspective de voir au cours des prochains mois des productions aussi bizarres que Cube, un film de science-fiction où six étrangers se retrouvent mystérieusement prisonniers d’un gigantesque labyrinthe cubique; Pleasantville, dans lequel deux jeunes d’aujourd’hui sont projetés au c|ur d’une sitcom des années 50; et Orgazmo, de Trey Parker (un des créateurs de la série South Park), sur un mormon qui tourne incognito des films pornos; et vous aurez presque l’impression qu’Hollywood recommence à avoir de l’audace et de l’imagination. Reste à voir si le public choisira d’encourager le recours aux formules ou le goût du risque.