Le néo-swing : Daddy nostalgie
Société

Le néo-swing : Daddy nostalgie

Après le ska, c’est au tour du swing de revenir à l’avant-scène de la musique pop. Dans cette nouvelle vague de swingers, il y a les puristes, les révisionnistes et ceux qui sont là pour l’éclate. Petit portrait d’un mouvement qui a du rythme.

C’était dans l’air, il fallait bien que ça explose un jour ou l’autre. Dès le début de la décennie, de braves zazous se sont mis à distiller leur propre élixir, destiné à combattre la morosité ambiante. Ceux-ci allaient reproduire le style de vie et l’esthétique musicale des rois de l’âge du swing, ce frangin coquin du jazz. Considéré par certains comme un des genres ayant contribué à l’avènement du rock, de par son exubérance et sa flamboyance, le swing est de retour à l’avant-scène de la musique pop. Le phénomène s’est appliqué avec la même verve chez les nouveaux disciples du punk, du ska, du folk. Chaque genre a sa bible, avec ses héros, et les fidèles peuvent suivre l’enseignement à la lettre ou le soumettre à une certaine forme de révisionnisme.

Ainsi, le Canadien Big Rude Jake qualifie son style de swing-punk, tandis que le groupe Squirrel Nut Zippers s’applique à rendre à tout le moins en esprit les ambiances de Duke Ellington et de Louis Armstrong époque Hot Five.

Il existe un nombre impressionnant de formations néo-swing. Au pays, les pionniers se nomment Big Rude Jake et un certain Colin James qui avait obtenu un succès sans précédent en 1993 avec son disque swing Colin James and The Little Big Band. Tellement, en fait, que le guitariste a remis ça récemment avec un second volume de titres swing interprétés avec panache. Chez nos voisins du sud, il y a Big Bad Voodoo Daddy, découvert sur la bande-son du film Swingers (Célibataires en cavale), le groupe Cherry Poppin’ Daddies qui cartonne actuellement avec la pièce Zuit Suit Riot, The Amazing Royal Crowns, rebaptisé The Royal Crown Revue, qui donne à son swing des relents de rockabilly, ainsi que Squirrel Nut Zippers mentionné précédemment. C’est sans compter les nombreux artistes encore méconnus, mais, vu le succès du genre, certains ne devraient pas tarder à sortir de l’ombre. Présentement, trois groupes vedettes figurent dans le top cinquante du magazine Billboard, ce qui pourrait inciter d’autres étiquettes à sauter dans le train. Parlant de palmarès, c’est l’album de Brian Setzer, ex-Stray Cats, et de son orchestre qui fait la plus belle figure (dix-huitième position). The Brian Setzer Orchestra en est déjà à son troisième disque, mais c’est The Dirty Boogie, chanson-titre du petit dernier, qui a donné à Setzer son plus grand succès depuis Rock This Town. Vous aurez deviné que le brillant guitariste, toujours fasciné par le clinquant du début des années 50, fait aussi un swing plus proche du rock’n’roll classique et qu’il est généralement imprégné du style jump blues tel qu’interprété par Count Basie et Joe Williams à la fin des années 40. Idem pour Colin James. Les deux guitaristes partagent aussi quelques pièces du répertoire swing du délirant Louis Prima, qui fit avec son orchestre les beaux jours du lounge façon Las Vegas.

C’est d’ailleurs jusqu’à cette source qu’il faut remonter pour expliquer l’engouement actuel de cette musique dansante, porteuse d’attitude, et d’urgence. La musique lounge dont le swing fut l’un des fleurons, permet de vivre rétroactivement ces années d’insouciance, où le chic côtoyait le mauvais goût, et où la frivolité se vivait avec un soupçon de classe tout imprégnée de la grâce débonnaire d’un Dean Martin, le martini à la main, une clope au bec. S’éclater avec style quoi!