Y habiteriez-vous?
La Cour à Papineau. Un terrain vague; un proprio pressé de liquider; un promoteur prompt au gigantisme; et des politiciens qui promettent, sur ce lot de Caïn, rien de moins que le Royaume du Danemark.
C’est l’unanimité chez les candidats quant à l’avenir de l’ancienne cour de triage Papineau, à la limite nord du Plateau. Tous s’accordent contre la présence d’un commerce à grande surface. Toutefois, la solution qu’ils apposent en chour à cette calamité commerciale tient aussi du désastre appréhendé.
Y ériger des habitations? Juste à l’idée de vivre à l’ombre des cheminées du vieil incinérateur des Carrières, où le paysage ne paie pas de mine, c’est déjà une bonne raison de fuir vers la banlieue.
L’endroit n’est pas seulement sinistre, il est invivable. Le terrain est situé le long d’un couloir ferroviaire large de trois voies ferrées. Les convois ne font pas seulement que passer: ils y stoppent et font du surplace, moteurs en marche, pendant des heures, le temps de laisser passer d’autres convois. Jour et nuit.
De l’autre côté de la «track», il y a les garages de la voirie municipale. Un va-et-vient de machineries lourdes, puantes de diesel, qui soulèvent des tempêtes de sable sahariennes. L’hiver, les gros camions au diesel de la Ville restent en marche à peu près vingt-quatre heures sur vingt-quatre. A côté, près de l’ancien incinérateur, l’éco-centre du coin reçoit les gros déchets solides, tels des résidus de matériaux de construction. Ils volent facilement au vent, surtout la poussière de gypse. Et un éco-centre, ça reste un dépotoir. Jolie vue en perspective…
Dans quelques années, les futurs résidants exigeront de la Ville la relocalisation de la voirie, de l’éco-centre, des voies ferroviaires… A-t-on idée, demanderont-ils, de permettre des installations industrielles à quelques mètres de résidences? La réponse sera salée.
La construction à tout prix?
Et si, au préalable, les politiciens se demandaient: a-t-on idée de construire des résidences à quelques mètres d’installations industrielles? Et si on la laissait telle quelle, la cour? Un terrain vague, ce n’est pas de l’antimatière. Ce qui est vague est imprécis, donc convient à un peu plus de monde en même temps; une zone tampon entre le Plateau et la Petite-Patrie pour les uns, un mémorandum pour la démolition des cheminées des Carrières pour les autres.
Pour les proprios de toutous des environs, le terrain a aujourd’hui une vocation canine. Kyra, Gaspard et Belle y tirent matière à satisfaction, et satisfaction à y évacuer leur matière. Quotidiennement, parfois plus d’une fois par jour, ils y courent dans une liberté absolue, farfouillent les bosquets et trouvent plein de bâtons à rapporter.
L’endroit y est suffisamment vaste pour y accommoder tous les caractères: l’enjoué, le dominateur, le misanthrope, le sprinter et même le swingneux. Le tout, sans caninophobes réclamant la muselière pour tous. En ville, un trésor semblable vaut son pesant de Kenel Ration.
Manipulation mathématique
Question: Pourquoi la Ville doit-elle tout faire pour permettre la construction d’un nouveau stade pour les Expos?
Réponse: Parce que ça rapporterait plusieurs millions de dollars en taxes foncières.
Question: Que peut faire la Ville pour permettre la construction d’un nouveau stade pour les Expos?
Réponse: Accorder un remboursement de plusieurs millions de dollars en taxes foncières.
Tirons-nous avec le cash
Les Expos auraient besoin de 150 millions de dollars de fonds publics pour construire leur stade de 250 millions de dollars. Dans un monde idéal, les Expos investiraient leur propre argent, et offriraient leurs propres garanties à de futurs créanciers. Parce que l’investissement en vaudrait la peine, et que la nécessité du projet permettrait de prendre ce risque financier. Si le risque est trop gros pour eux, pourquoi le serait-il moins pour les contribuables?
La cause est entendue: c’est aux actionnaires à réaliser seuls leur rêve, avec leur argent ou leur solvabilité, s’ils le désirent réellement. Sauf que le plus important actionnaire des Expos… c’est la Ville de Montréal, avec 15 % des parts! On ne s’en sort pas.
Cela dit, que la Ville de Montréal ait investi dans l’achat des Expos en 1991 est critiquable. En effet, que fait une municipalité dans l’industrie du sport professionnel? Sauf que, de tous les investissements de la Ville réalisés sous le régime Doré, celui-ci demeure le plus rentable. Et rentable est un euphémisme: le gain de capital de la Ville dans son club de base-ball atteint des résultats qui feraient pâlir les «shylocks»: des 100 millions de dollars payés en 1991 lors de l’achat, les Expos trouveraient preneur aujourd’hui à 300 millions. Un intérêt de 300 % en sept ans!