Dans l’édition du 29 août du quotidien La Presse, la chroniqueuse télé Louise Cousineau révélait à ses lecteurs que le directeur des programmes de Radio-Canada, Charles Ohayon, avait quitté sa femme pour vivre avec une dame du nom de Johanne Forgues, bien connue dans l’industrie de la production télé puisqu’elle est actionnaire des compagnies Prisma (Urgence, Paparazzi, Le Masque) et Sovimage (Les Grands Procès). Le mardi 1er septembre, dans les pages du Journal de Montréal, le columnist Franco Nuovo revenait à la charge avec des faits encore plus précis. Cette information, que certains associeront peut-être à du potinage, est pourtant hyper importante. Pourquoi? Parce que Charles Ohayon est un de ceux qui, à Radio-Canada, décident de ce qui se retrouvera ou pas à l’écran. Or, cette année, parmi les nouveautés de la rentrée, Radio-Canada présente Caserne 24, un téléroman écrit par Fernand Dansereau (Le Parc des Braves) et produit par Sovimage, la compagnie dont madame Forgues est actionnaire. Ce n’est pas tout. Ce projet a bénéficié, comme la majorité des productions télé québécoises, d’un financement de Téléfilm Canada.A Téléfilm Canada, c’est une dame du nom de Joëlle Lévie qui est directrice des opérations pour le Québec. C’est elle qui décide quelles productions télé auront droit aux subsides de l’État fédéral. Or, madame Lévie est l’épouse de Jacques Payette qui, appelez ça un hasard si vous voulez, est producteur du téléroman Caserne 24. Vous me suivez toujours?Qu’est-il arrivé à la notion d’apparence de conflit d’intérêts dans ce pays? Comment se fait-il que Sheila Copps et Perrin Beatty, respectivement ministres responsables de Téléfilm Canada et de Radio-Canada, aient toléré une telle situation?Invitée à La Fin du monde est à sept heures, l’an dernier, l’auteure Fabienne Larouche a déjà raconté qu’elle avait confronté Joëlle Lévie, lui demandant comment un auteur ou un producteur québécois pouvaient être assurés de l’impartialité de Téléfilm puisque la directrice était l’épouse d’un producteur privé. La dame avait, paraît-il, pété les plombs, insultée qu’on OSE lui poser la question.Or, cette question a droit de cité. Mieux encore, on devrait y répondre en conférence de presse. Imaginez qu’une situation semblable se produise dans les milieux politiques? Les journalistes de la colline parlementaire monteraient aux barricades. Ici, nous sommes dans l’univers de la télé et du divertissement. Est-ce pour cette raison que les institutions sont plus laxistes? Pourtant, il s’agit d’institutions publiques qui gèrent des fonds publics. En passant, à Toronto, la présentatrice de l’émission d’affaires publiques The Fifth Estate vient de démissionner parce qu’elle se trouvait en situation de conflit d’intérêts. La dame travaillait à un reportage qui impliquait un avocat avec lequel elle entretenait une relation intime. Nos compatriotes anglo-saxons auraient-ils la fibre éthique plus sensible que la nôtre?