Plus terrible que la guerre froide, plus cruelle que la guerre des sexes, la guerre des colas divise la planète en deux camps depuis plus d’un siècle: d’un côté, les buveurs de Pepsi, de l’autre, les buveurs de Coke.
Remonter la chronologie de ce conflit, c’est pratiquement refaire l’histoire de l’Amérique, une société qui s’est toujours définie par sa puissance, et où l’on a élevé la consommation au rang de religion.
Dans The Cola Conquest, la cinéaste Irene Angelico et le producteur Abbey Neidik se sont penchés sur ce phénomène qui surpasse largement la saine compétition entre deux boissons gazeuses.
Coke et Pepsi, ce sont deux idéologies différentes, et il faut voir avec quelle énergie les deux entreprises ont combattu pour imposer leur nom partout à travers le monde. Et quand on dit partout… Du fin fond de l’Asie aux profondeurs du Chiapas, en passant par Moscou et même dans des tribus africaines; Coke et Pepsi ne lésinent pas sur les moyens. Après tout, le président de Coke n’a-t-il pas déjà déclaré qu’il voulait que sa boisson soit plus consommée que n’importe quel liquide, l’eau y comprise?
«J’ai été intéressée par Coke car, à mes yeux, cette compagnie est une métaphore parfaite de la société américaine, explique Irene Angelico. Le nom de Coke est partout, c’est le deuxième mot le plus utilisé dans le monde après O.K.. D’ailleurs, Coke a déjà essayé de lancer une boisson gazeuse du nom de OK, destinée à la jeunesse dite "alternative", mais ça n’a pas marché.»
Angelico avoue avoir été surprise par la puissance et les contacts de la compagnie Coca-Cola. «Quand on sait que les dirigeants de Coke étaient très près de plusieurs présidents américains, et qu’ils ont quasiment fabriqué le candidat Eisenhower, se demandant s’ils en feraient un candidat républicain ou démocrate, il y a de quoi être étonnée, non?»
Angelico, Neidik et leur équipe ont travaillé comme des fous pendant quatre ans pour produire The Cola Conquest. Le tournage n’a pas toujours été de tout repos. «Sans chercher leur autorisation ou leur approbation, nous aurions aimé travailler en collaboration avec Coke, explique Irene Angelico. Cela nous aurait facilité la tâche dans notre recherche d’images d’archives, par exemple. Mais les patrons de Coke sont très jaloux de l’image de la compagnie, et ils ont refusé de nous aider. Pourtant, notre but n’a jamais été de faire un film du genre Roger and Me, comme l’a fait Michael Moore. Notre
film n’est pas là pour dénoncer mais bien pour montrer les choses.»
Non seulement les dirigeants de Coke ont-ils refusé de faciliter la tâche à l’équipe de production, mais ils ont déployé un système de surveillance digne d’un roman de Tom Clancy. Résultat: des situations complètement ridicules comme à Atlanta, lors des Jeux olympiques d’été. «Une des productrices s’est inscrite au village Coca-Cola, comme des milliers d’autres journalistes. Elle a été immédiatement repérée par les gens de Coke qui lui ont servi un avertissement du genre: "Nous savons que vous êtes là, et même si nous n’avons pas l’intention de réagir, sachez que votre présence ne nous plaît pas du tout."»
Situation semblable en Russie où l’équipe a été accueillie par des représentants de Coke qui avaient été avertis de sa venue par le siège social d’Atlanta. Vous avez dit Big Brother?
Cela dit, la mauvaise foi des dirigeants de Coke n’a eu aucune influence sur le résultat de ces quatre ans de labeur. Il s’agit d’un documentaire tout à fait captivant: le choix des intervenants, la quantité et la qualité des images d’archives et, surtout, l’analyse fine et brillante de la société américaine vue à travers cette quête sans limites d’une simple boisson gazeuse font de The Cola Conquest un documentaire exceptionnel qui sera présenté (après un passage au Festival des Films du Monde), les 7, 8 et 9 septembre, à 21 h, à CBC.
Par ailleurs, l’émission Planète Pub traitera elle aussi de la guerre des colas, de façon beaucoup plus modeste, il va sans dire, dans un reportage amusant présenté lors de la première émission de la saison. Samedi, 16 h 30, TQS.
RDI et Lady Di: navrant
Lundi dernier, RDI diffusait une émission dans laquelle on s’interrogeait sur le rôle des médias dans la fin tragique de Lady Di (Les paparazzi sont-ils responsables de l’accident, et autres questions existentielles). Si RDI avait voulu pousser l’exercice un peu plus loin, il aurait pu se pencher sur le cas des médias qui, comme des vautours, se nourrissent d’un cadavre vieux d’un an pour pallier le manque de créativité et d’originalité de ses dirigeants. En effet, pourquoi se creuser les méninges quand on peut occuper cinq soirées avec des réflexions bidon sur ce qui demeurera un malheureux mais banal accident de la route?
Mais voilà, RDI ne peut se permettre de poser cette question puisqu’il incarne l’exemple parfait de ce type de médias.
Si ma mémoire est bonne, quand RDI s’est présenté devant le CRTC, il a parlé du rôle ESSENTIEL qu’il jouerait en information. Qu’y a-t-il d’essentiel dans le «death fest» qu’on nous sert depuis une semaine? Je me le demande. L’état de la monarchie, les complots de la famille royale, un portrait intimiste (le 550e!) de Lady Di: who cares? Si ça, c’est de l’information, qu’est-ce qu’on attend pour remplacer Pierre Maisonneuve par Edward Rémy?
La palme de la bêtise toutes catégories revient haut la main à Robert-Guy Scully, la grande mémère des riches et célèbres (dont la maison de production s’appelle, tenez-vous bien, L’Information essentielle), qui s’est entretenu avec une voyante, grââânde amie intime de Lady Di, qui avait, je vous le donne en mille, prédit l’accident à son amie. Pincez-moi, je rêve! A qui faut-il lancer une claque de caoutchouc? A Scully, pour avoir eu l’incroyable idée de réaliser l’entrevue, ou aux patrons de RDI qui ont accepté de la diffuser? Entre les deux, mon cour balance.