Société

L’affaire Ohayon: suite… et fin?

Lundi après-midi dernier, Charles Ohayon, directeur des programmes à Radio-Canada depuis 1994, a remis sa démission. Raison invoquée? Le jaunisme de la campagne médiatique visant à détruire sa réputation. Rappelons brièvement les faits: depuis quelques semaines, plusieurs journalistes s’interrogeaient à voix haute sur l’apparence de conflits d’intérêts causée par la relation amoureuse du directeur des programmes de Radio-Canada avec Madame Johanne Forgues, vice-présidente de la maison de production Prisma, et actionnaire d’une autre boîte de production, Sovimage. Les questions des journalistes étaient légitimes. Si Monsieur Ohayon avait été ministre de l’Éducation, et que Madame Forgues avait été fournisseuse de livres scolaires, les journalistes de la colline parlementaire auraient posé des questions. Or, depuis le début de cette affaire, Radio-Canada joue à la vierge offensée, reprochant aux journalistes leur acharnement sur la vie privée d’un pauvre homme. Que ce pauvre homme ait occupé l’un des postes les plus en vue de Radio-Canada, une institution publique, et qu’il ait droit de vie ou de mort sur les productions télévisuelles soumises à la télé d’État ne semble pas avoir frappé les patrons de la boîte. Incroyable.«J’ai 52 ans, écrit Monsieur Ohayon dans un communiqué envoyé par la firme de relations publiques National, et jamais, dans ma carrière, mon intégrité n’a été mise en doute. C’est devant le jaunisme de la campagne médiatique présentement en cours que le soussigné et Radio-Canada ont décidé de mettre fin à une relation contractuelle qui durait depuis quatre ans. Pour moi, il s’est agi de préserver mes valeurs les plus fondamentales, soit le respect de la dignité de ma famille et de mes proches, ainsi que le respect de ma dignité et de ma vie privée. Si le service public a pour conséquence l’étalement mesquin de la vie privée sur la place publique, alors je ne marche plus.» Dans ce communiqué, M. Ohayon s’en prend également au columnist Franco Nuovo du Journal de Montréal, l’acusant d’avoir «initié» une campagne médiatique à son endroit. Bref, M. Ohayon choisit de personnaliser une affaire qui est avant tout d’intérêt public.Radio-Canada aussi a publié un communiqué dans lequel on peut lire ceci: «Il était devenu inacceptable pour Monsieur Ohayon et la Société que les attaques dont il était la cible et dont la violence de certaines frisaient l’acharnement se poursuivent.»Monsieur Ohayon se verrait-il en Bill Clinton, poursuivi par Kenneth Starr?Une chose est certaine, quand on est innocent et qu’on n’a rien à se reprocher, on ne démissionne pas. On fait face à la musique, on répond franchement aux questions des journalistes (un devoir quand on occupe un poste au sein du service public), et on rectifie les faits si nécessaire. Or, tout au long de cette affaire, Monsieur Ohayon et Radio-Canada ont fait preuve d’arrogance en refusant de tenir un point de presse. Aujourd’hui, ils n’ont qu’eux-mêmes à blâmer pour avoir laissé dégénérer la situation. En choisissant de redevenir un simple citoyen, Monsieur Ohayon se libère de son obligation de rendre des comptes aux contribuables. Mais pas Radio-Canada qui, encore aujourd’hui, a des explications à fournir quant à la nature exacte d’une entente concernant une production avec la Chine, entente qui aurait été conclue par son directeur des programmes et qui pourrait avoir des retombées importantes (on parle d’un million de dollars) dans les coffres de la maison de production Prisma. L’affaire est loin d’être terminée.(Nathalie Collard)