Société

Le serment d’hypocrite

Al Capone, le roi des gangsters, fut finalement arrêté pour une banale histoire fiscale. Pete Rose, le roi des coups sûrs au baseball, a été radié à vie des ligues majeures pour une stupide affaire de paris. Et Bill Clinton, le roi des menteurs, devra peut-être quitter la présidence des États-Unis pour avoir essayé de camoufler sa liaison avec une stagiaire de la Maison Blanche.

J’en vois déjà qui s’insurgent: «Vous mélangez tout! Bill Clinton a menti sous serment, ce n’est pas une broutille! C’est du parjure, du déni de justice! Il a commis un geste indigne d’un président américain.»

Je sais, je sais. Je connais la chanson.

A entendre tout ceux qui réclament aujourd’hui la destitution du président, le mensonge en lui-même ne serait pas si grave. Ce qui serait impardonnable, c’est qu’on l’ait commis devant une cour de justice.

Dérisoire. Mais voyons un peu.

Bill Clinton peut mentir aux Américains sur les raisons qui justifient un embargo impitoyable contre l’Irak. On fait mine de le croire sur parole.

Bill Clinton peut faire bombarder l’Afghanistan et le Soudan pour des raisons nébuleuses. Cela n’émeut personne.

A la rigueur, Bill Clinton pourrait peut-être embrasser le boucher, faire des croque-en-jambe aux mémés sur le coin des rues ou poser nu avec des bottes de cow-boy aux côtés de son pote Boris Eltsine. Tout le monde se souviendrait alors que le métier de président s’apparente à celui d’un comédien. Et vous savez quoi? Je vous parie qu’on lui pardonnerait.

Mais mentir devant un juge, la main sur la Bible, pour une vulgaire histoire de fesses, alors ça jamais.
Laissez-moi rire. Bande d’hypocrites, allez!

Une blague féroce qui circule en ce moment à Washington résume bien cette curieuse morale à plusieurs vitesses. Lorsque Kenneth Starr a demandé à Bill Clinton de jurer de «dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité», ce dernier se serait exclamé: «Mais c’est impossible! Il s’agit de trois choses différentes!»

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La semaine dernière, pendant que la moitié de la planète se passionnait pour les histoires cochonnes de la Maison Blanche, l’autre moitié trouvait refuge dans l’humour, cette porte de sortie qui permet de rire quand il conviendrait de pleurer. J’aime autant cela. La bêtise de Bill Clinton n’a rien de criminel. Elle ne vaut pas un procès ou même la moitié de la salive qu’on gaspille pour elle.

Alors mieux vaut en rire…

1) Quelle est la différence entre Georges Washington, Richard Nixon et Bill Clinton?
Georges Washington était incapable de mentir, Richard Nixon était incapable de dire la vérité et Bill Clinton est incapable de faire la différence entre les deux.

2) Hillary Clinton descend de l’avion présidentiel Air Force One en tenant un petit chien dans ses bras. «Joli chiot», lance un employé de la Maison Blanche venu l’accueillir. «Je l’ai obtenu pour Bill», répond la First Lady. «Alors on peut dire que c’est un bon marché», corrige l’employé.

3) Bill Clinton a visité une classe de troisième année avant-hier. Au milieu de son petit boniment de circonstances, il a posé la question suivante: «Mes petits, pouvez-vous me dire la différence entre une tragédie, un accident et une grande perte? Pour commencer, quelqu’un peut-il me donner un exemple de tragédie?» Un petit garçon lève la main et explique: «Une tragédie, cela se produirait si vous et votre femme preniez place dans un avion et que celui-ci explosait en plein vol.»

«Ah, oui? murmure le président un peu flatté. Mais pourquoi devrait-on considérer cela comme une tragédie?»

«Je n’ai pas d’autres choix que d’appeler cela une tragédie, explique le garçon. Il ne pourrait s’agir d’un accident et personne ne considérerait cela comme une grande perte.»

4) Hillary Clinton a rendu visite à une voyante la semaine dernière. Au beau milieu de la consultation, la tireuse de cartes devient soudain toute pâle et s’exclame, la voix brisée par l’émotion: «Je vais vous apprendre une nouvelle terrible. Votre mari mourra de façon horrible l’hiver prochain. Préparez-vous à devenir veuve, ma pauvre dame…

En entendant cela, Hillary Clinton respire profondément, se râcle la gorge à plusieurs reprises et demande à la voyante, en la regardant bien dans les yeux:
– Est-ce que je serai acquittée?

***

Arrêtons de nous raconter des histoires…

Le Monicagate ressemble autant au Watergate qu’un achigan peut ressembler à un moulin à vapeur. Le Watergate, c’était la mise à jour d’une tentative pour créer une police parallèle et pour violer la constitution des États-Unis. Le Monicagate, ce n’est rien d’autre qu’une tête de linotte présidentielle devenue malgré elle la vedette d’une télésérie vaguement porno.

Avant de songer à destituer un président pour cela, on devrait plutôt de se demander par quel miracle il a pu être élu à deux reprises à la tête des États-Unis.