Société

Colloque Sex on the Edge : Le sexe extrême

Scatophiles, fétichistes et sadomasos, réjouissez-vous! Désormais, la marginalité sexuelle n’est plus l’apanage de rares initiés, elle gagne de nouvelles strates de la société. Elle est même étudiée dans les universités. Après le sport extrême, place au cul extrême.

Nous vivons à l’ère des extrêmes. Sauter en parachute ne suffit plus, il faut maintenant surfer sur le dos des nuages, un skyboard vissé aux chevilles. Au lit, c’est la même chose: s’envoyer en l’air ne satisfait plus son homme. On recherche des sensations de plus en plus fortes, qui nécessitent des accessoires sophistiqués, et une souplesse digne du Cirque du Soleil.

En fait, il semble que les pratiques sexuelles marginales tendent à se démocratiser; peu à peu, les fondements des tabous qui les ont occultées s’ébranlent, et leur diversité se dévoile au grand jour. Mieux: leurs gènes ensemencent les sphères universitaires, qui les intègrent à de nouvelles disciplines. C’est ainsi qu’à l’Université de New York, par exemple, on étudie la sodomie avec le même sérieux que la sociologie. Exit la position du missionnaire, bienvenue le fist fucking…

Tout récemment, à l’Université Sheraton à Los Angeles, le premier Congrès mondial de pornographie réunissait une brochette de bonzes de la porno et d’académiciens du sexe. Pendant quatre jours, des docteurs ès sexe ont discouru sur des problématiques aussi épineuses que la double pénétration ou la popularité montante de la gonzo porn (des films XXX tournés par et avec des amateurs).

Outre la tenue de plusieurs conférences (du genre Cum Shots: History, Theory and Research), ce congrès tout ce qu’il y a de plus sérieux a dévoilé que certains programmes universitaires américains (les gender studies, entre autres) donnent des crédits aux étudiants qui participent à des films pornos!

C’est ainsi qu’en 1995, une étudiante à l’Université de Santa Cruz en gender studies et en beaux-arts a baisé avec deux femmes (et deux vibrateurs) pour obtenir un crédit. Plus tard, elle brisa un record du monde en baisant avec 251 partenaires en même temps.

A côté de ça, les séances de spéléologie intime d’Annie Sprinkle, c’est de la gnognote.

Seinposium montréalais
Il n’y a pas que la délurée Californie qui cultive le sexe dans les champs universitaires. En fin de semaine dernière, l’Université Concordia organisait Sex on the Edge, un symposium interdisciplinaire sur la sexualité et la marginalité. Trois jours durant, d’éminents professeurs européens, australiens et nord-américains se sont penchés sur la métaphysique du sexe au tournant du millénaire. Véritable partouze d’idées, tout y est passé: des fonctions élargies des orifices au pouvoir des odeurs, en passant par la douce moiteur de vivre différemment sa sexualité.
Au premier coup d’oil, la liste des sujets abordés laissait pantois. A la séance Holes I, on pouvait écouter l’allocutionOutta my endzone: Sport and the Territorial Anus. Dans Holes II, c’étaient The Vagina Monologues et The Performative Power of Clit qui retenaient l’attention. Sans compter cette conférence intitulée French Identity and Male Sexual Deviancy in the Algerian War; ou cette autre, titrée Interpolating the Decorative Impulse Between Sodomy and Textiles. Mais à y regarder de plus près, on n’a pu que constater le sérieux de la démarche…
Organisé par Thomas Waugh et Chantal Nadeau, deux profs de Concordia, ce symposium couronnait le projet de recherche Sexualités, représentations et marginalités: Enjeux culturels, sociaux et politiques, entamé il y a quatre ans. Subventionné par des fonds de recherche du provincial et du fédéral (y aurait-il des ronds-de-queer compréhensifs, au gouvernement?), le symposium constituait une première dans les annales universitaires canadiennes.

Prises de positions
Quoique les centaines de participants fussent majoritairement gais et lesbiennes, la rencontre s’adressait à tout le monde, toutes allégeances confondues. Et en marge des multiples présentations portant sur les aspects les plus croustillants de l’homosexualité, on a exploré des sujets aussi actuels que la cyberpornographie, le sida, les rites sexuels du globe et les travailleurs du sexe – gigolos et téléphonistes de lignes érotiques y compris.

C’est à travers le prisme de disciplines variées, de l’histoire de l’art aux sciences sociales, qu’on a disserté sur ces thématiques. Car l’étude des sexualités ne demeure plus la chasse gardée des écoles de sexologie; dorénavant, on est susceptible de plancher sur l’éthique des plaisirs de la chair dans toutes les chaires universitaires. La nouvelle mineure en études interdisciplinaires en sexualité, offerte depuis cet automne à Concordia, s’inscrit dans cette lignée.

D’après Thomas Waugh, cette mineure se veut une approche multidisciplinaire de l’étude des sexualités, contrairement au baccalauréat en sexologie de l’UQAM, qui est plus clinique. Entre autres choses, un cours intitulé Introduction to the Queer Theory y traite de la marginalité sexuelle sous toutes ses coutures; de même que de son influence sur l’évolution des sexualités, autre sujet abordé lors du symposium.

Poing final
Plus que jamais, le sexe transpire de partout, au cinéma, à la télé, dans la pub ou sur la Grande Toile. En Chambre, on débat sur les droits des couples homosexuels; et dans la chambre, on avalise le dernier godemiché à quinze vitesses, ou l’on compare la teneur en acides aminés des huiles à massage. Mais pendant qu’à l’émission Black-out, on se demande si les hommes sont victimes de la pornographie, on oublie de relire l’histoire toute nue.

Car, de tout temps, la marginalité sexuelle a existé; et seule sa diffusion a pu varier suivant le contexte social, politique ou religieux propre à chaque époque. Au cours de la conférence Flogging Flogging (Fouetter Fouetter), on a avancé que l’abolition de l’esclavage (et des châtiments qui l’accompagnaient) avait entraîné un regain de popularité de l’usage du fouet dans les pratiques sexuelles du XIXe siècle. «En fait, précise Thomas Waugh, il n’y aurait que le fisting qui serait plus récent comme pratique. Mais la grande nouveauté du vingtième siècle, c’est la commercialisation à outrance du sexe.»

En définitive, c’est peut-être le sport extrême qui s’inspire du sexe extrême, et non l’inverse…

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De l’art d’enculer des mouches

Quelques titres d’interventions présentées lors du colloque Sex on the Edge, à l’Université Concordia

The Function of the Penis at the Present Time
Love and Disgust, Open and Close, In and Out
Sport and the Territorial Anus
Andrew Cunanan, in the Houseboat, with the Bloody Versace Scarf
Inhaling Passions: Art, Sex and Scent
L’Hermaphrodite de la voix: Ambiguity, Desire and the Low Female Voice
Pet Your Dog, Not Your Date: Chastity, Media and Christian Youth Identity
Outlaw Desires: Prison Sexual Culture and the Problem of Situational Homosexuality
Representations of Un/Safe Sex with the Lesbian Community of Lesvos, Greece
The Work of the Imagination Amongst Readers of Lesbian Pulp Fiction
Addiction on the Edge: Sexuality and Narcotic Desire
Do Lesbians Have More Fun?