Jean Charest au Poing J : Le cauchemar
Un mot sur le passage de Jean Charest au Poing J, lundi soir dernier. Désastreux. Pas pour l’animatrice, pour le politicien. Si le chef du Parti libéral pensait se faire des amis en s’affublant d’une cravate en forme de J, il a frappé un mur. Le nom du mur: Julie Snyder,
dangereusement en forme ce soir-là, et qui, visiblement, avait fait ses devoirs. Le cauchemar de Charest a commencé avec la prestation de Pierre Verville, passé maître dans l’art de reproduire les travers du p’tit gars de Sherbrooke.
La torture s’est poursuivie quand Verville et Snyder ont prié Charest d’imiter Jean Chrétien, ce qu’il fait, paraît-il, très bien. Il fallait voir le regard sombre de Charest, qui a sèchement refusé. If looks could kill… Ensuite, Snyder est passée à l’attaque en demandant à Charest pourquoi on devrait croire un homme qui a déjà déclaré qu’il ne se présenterait jamais à la place de Brian Mulroney et Daniel Johnson. Le chef du PLQ commençait à s’ennuyer de Gilles Proulx.
Le coup de grâce a été assené quand Snyder a candidement demandé à Charest s’il était plus proche de Jean Chrétien, maintenant qu’il était passé du côté des libéraux. Il fallait voir avec quelle maladresse Charest patinait, lui qui ne veut surtout pas être associé à l’homme le plus détesté au Québec. C’était jouissif. Bref, on a découvert un Jean Charest bête comme ses pieds, froid et crispé. Un homme qui n’apprécie pas la confrontation et qui, visiblement, a le sens de l’humour d’une roche. On reproche souvent à Julie Snyder son cabotinage, mais lundi soir, elle était tout simplement impeccable. Jean Charest a eu the ride of his life, au plus grand plaisir des téléspectateurs.
Vrai ou faux?
Il y a quelques mois, la presse écrite américaine était en émoi en apprenant qu’une étoile montante de la profession, Stephen Glass, 25 ans, avait forgé de toutes pièces certaines histoires qu’il avait réussi à publier dans les pages de publications aussi prestigieuses que New Republic, The New York Times et Rolling Stone. Cet incident était pourtant symptomatique d’une industrie qui fait de plus en plus appel aux pigistes, et qui est sans cesse à la recherche d’histoires croustillantes, question de battre la compétition. Or, cette même industrie alloue de moins en moins de ressources à l’encadrement et à la vérification du travail des journalistes. Ce qui compte, c’est le scoop.
Ce problème n’est pas typique de la presse écrite. Dimanche dernier, dans le cadre de l’excellente émission Undercurrents (tous les dimanches à 22 h 30, à CBC), on soulevait l’épineuse question de la vérification des sources dans le cadre de documentaires. On citait en exemple la très sérieuse émission The Passionate Eye, qui s’est fait prendre les culottes baissées, il y a quelque temps, en diffusant un reportage britannique qui comportait des informations inventées de toutes pièces. Et ce, malgré les vérifications faites par l’équipe de production de l’émission, qui s’était entretenue avec l’auteur du document.
Nos réseaux de télévision ont-ils les moyens de se protéger de ce type d’arnaque? De quelles ressources disposent-ils pour s’assurer de la véracité d’un document? «Pour les documents politiques, on consulte Le Monde, Le Monde diplomatique et Internet, explique Alain Ergas, directeur des acquisitions à Télé-Québec. Il m’est déjà arrivé de refuser un document parce que l’information ne me paraissait pas solide. Dès que certaines affirmations nous semblent superficielles, on vérifie.» Bien entendu, les réseaux se fient aussi au sérieux de la maison de production à l’origine du document. «Si on achète un document de la BBC, il y a déjà un cadre éditorial en amont, on sait que c’est du solide.»
Alain Ergas reconnaît toutefois que ce genre de problème risque de se présenter plus fréquemment au cours des prochaines années. «Avec la prolifération d’émissions de type info-spectacle, les gens sont de plus en plus à la recherche de scoops. Résultat: ils risquent davantage.»
Même son de cloche à Radio-Canada. «Avec la multiplication des canaux spécialisés, les producteurs ont découvert que les documentaires étaient très en demande, et ils ressentent la pression d’arriver avec quelque chose de nouveau», explique Marc Gilbert, directeur du service des grands reportages et des documentaires à l’information télévisée. «C’est certain qu’il faut être très vigilant, poursuit-il. Ceci dit, il existe des moyens faciles de vérifier en communiquant avec les gens concernés, surtout dans le cas de documents qu’on juge explosifs.»
Mais tout le monde n’adopte pas la même approche, comme en fait preuve cette anecdote. «Un jour, raconte Marc Gilbert, j’ai rencontré les dirigeants d’une télé latino-américaine qui se vantaient d’avoir diffusé un documentaire qu’aucune autre télé en Amérique n’avait voulu diffuser. Le lendemain de la diffusion de ce reportage, qu’ils savaient bourré de faussetés, ils ont diffusé une enquête réalisée par leur propre réseau dévoilant toutes les erreurs contenues dans le document. En termes de cotes d’écoute, ils ont connu deux excellentes soirées. Disons que j’ai trouvé leur approche intéressante…»
Documentaires: la suite
Parlant de documentaires, en voici deux qui valent le détour. A commencer par Vivre en ville: Beyrouth, les odeurs perdues, de Raymonde Provencher et Robert Cornellier, deux anciens de l’émission Nord-Sud, qui ont fondé leur propre boîte de production, Macumba International. Plutôt que de nous parler de la reconstruction de la ville, ils nous font connaître des individus qui doivent réapprendre à vivre dans une ville déchirée par une guerre qui aura duré 15 ans. Car, comme le dit le directeur d’un centre pour jeunes: «On reconstruit les ponts et les routes, mais qui pense à reconstruire les humains?»
Pendant 50 minutes, on fera la connaissance d’une famille de la classe moyenne qui a tout perdu, d’un couple mixte (chrétien/musulman) qui ouvre dans le domaine artistique, et qui souhaite encore changer des choses, ainsi que d’une femme qui a consacré sa vie à la communication entre les différents groupes religieux. On visitera aussi un centre qui travaille auprès des jeunes afin de leur inculquer un but dans la vie. Bref, un panorama vivant et touchant de ceux et celles qui vivent la reconstruction, mais qui n’en profiteront probablement jamais. Jeudi 22 octobre, à 20 h, à Télé-Québec.
Le lendemain, dans le cadre des Grands Reportages, RDI présente Un paradis amer, d’Élaine Brière, une artiste-activiste de Vancouver, qui a vécu quelque temps en Indonésie afin de connaître le sort qu’on réserve au peuple du Timor-Oriental. La présentation de ce document tombe à point puisque nous nageons en plein scandale du Peppergate. Brière rappelle, entre autres, que, pendant que l’armée indonésienne emprisonne et assassine les résistants timorais, le Canada de Jean Chrétien fait des affaires avec le régime dictatorial de l’Indonésie. A ne pas manquer. Vendredi 23 octobre, à 20 h, à RDI.