Le premier dimanche de novembre amène immanquablement son lot d’élections municipales. Bref regard sur les campagnes en cours à Lévis, Val-Bélair et Sillery.
Val-Bélair
A Val-Bélair, la politique municipale semble être devenue le loisir par excellence: pas moins de quatre partis se font la lutte, autant à la mairie que dans chacun des districts. En place depuis déjà seize ans, le maire sortant sollicite un cinquième mandat consécutif, malgré la multitude de controverses qui ont entaché les derniers mois de son règne. Controverses qui ont provoqué la multiplication des partis d’opposition, ce qui pourrait bien donner une nouvelle fois raison aux théories de Machiavel. Les enjeux de cette élection semblent se limiter à bien peu de choses. Du côté de l’opposition, on souhaite d’abord et avant tout mettre un terme au règne de M. Beaudoin. A peine quelques jours avant le scrutin, les trois partis de l’opposition tentaient un rapprochement et le candidat à la mairie du parti Renouveau Val-Bélair, M. Patrice Robitaille, était même prêt à abandonner la lutte au profit de celui du parti Vision Val-Bélair, M. Jean-Marie Matte. En vain. M. Matte est bien conscient que la situation pourrait se révéler une pure bénédiction pour M. Beaudoin: «C’est sûr que le vote de l’opposition peut être partagé, mais personne ne veut se retirer, que voulez-vous…»
Outre leur aversion pour l’administration en place, les trois partis ont en commun des ambitions somme toute modestes: rationalisation, baisse de taxes, transparence reviennent constamment dans les différents programmes. Pour l’originalité, il faut surtout regarder dans les détails. «Il faut quand même admettre que notre équipe n’est pas reliée de près ou de loin à l’administration actuelle, clame M. Matte. Il n’y a personne dans notre équipe qui a été échevin. Dans leur cas, je crois que ce sont des règlements de compte.»
Pour ce qui est des projets d’avenir, il faudra attendre: «Je suis prudent. Surtout à la veille des élections, je ne veux pas lancer les projets que j’ai en tête et que les gens puissent les interpréter de façon négative. Mais je peux vous dire que j’ai plusieurs projets sur la table qui vont favoriser les citoyens et l’embauche à Val-Bélair.»
Sillery
La petite municipalité ne verra pas de grandes prises de bec dans la lutte à la mairie cette année: M. Paul Shoiry, le maire sortant, est déjà réélu par acclamation, faute d’opposant. Une situation que M. Shoiry, en bon politicien, attribue à la satisfaction des électeurs. S’il est impossible de confirmer ou d’infirmer cette prétention, on peut cependant deviner que l’harmonie n’était pas à son comble au conseil municipal dans les derniers mois. Fort de quatre sièges sur un total de six, le parti Action Sillery de M. Shoiry a vu sa majorité s’envoler lorsque deux de ses conseillers ont abandonné les troupes pour siéger comme indépendants. M. François Lamarre est un de ceux-là et il tente de conserver son poste de conseiller indépendant, la meilleure façon selon lui de défendre les intérêts de son quartier: «M. Shoiry avait décidé d’imposer une ligne de parti à ses conseillers, ce qui entrait en contradiction avec les devoirs d’un conseiller municipal qui doit défendre les intérêts de ses résidents. Ça devenait trop difficile de travailler pour les résidents alors j’ai décidé de me délier les mains pour mieux les représenter.»
Mais le maire ne semble pas tout à fait en accord avec ce principe et, pour lui, l’enjeu du scrutin, c’est l’élection de la totalité de son équipe: «Est-ce qu’on souhaite avoir une équipe qui a une vision commune, qui a un programme qu’on connaît et qui veut travailler en harmonie et dans la bonne entente et consacrer ses énergies à réaliser des projets dans l’intérêt des citoyens? Ou est-ce qu’on désire élire des indépendants qui vont faire en sorte que le conseil municipal risque d’être en conflit régulièrement? On voit ce qui se passe à Sainte-Foy actuellement où un groupe d’indépendants donne du fil à retordre à la mairesse qui est minoritaire.»
Il n’y a rien comme les archives pour nous rappeler combien l’histoire se répète. Ainsi, aux élections de 1990, alors qu’on lui demandait pourquoi il se présentait comme indépendant, un candidat déclarait à l’Appel: «Parce que j’estime que je pourrai faire davantage pour la population que si je devais suivre la ligne d’un parti. Advenant mon élection, je serai prêt à travailler positivement avec l’équipe qui sera portée au pouvoir.» Son nom? Paul Shoiry. C’est fou comme la politique change en quelques années…
Lévis
La Rive Sud est probablement le théâtre de la plus palpitante campagne électorale municipale de la région. Une lutte à deux, qui met en présence le maire sortant, M. Denis Guay, et le député provincial de Lévis, M. Jean Garon. Les deux ont des équipes complètes, sous les bannières respectives de l’Équipe du progrès et du Ralliement populaire de Lévis. Mais le combat prend malgré tout une tournure bien personnelle.
En entrevue, M. Guay ne cesse de tirer la pipe de son opposant dont il massacre constamment le nom: «Gagnon, Caron? Désolé, je ne me rappelle plus.» Au-delà des boutades, on sent l’agacement du maire face au candidat vedette qui débarque de l’arène provinciale pour envahir le terrain municipal.
M. Garon n’est pas plus tendre lorsque vient le temps de faire le bilan du mandat du maire sortant: «La grande raison pour laquelle je suis passé au municipal, c’est que la Ville ne marche pas dans les dossiers que j’aurais voulu faire avancer. Je me suis rendu compte que Lévis manque de leadership depuis le départ de M. Chagnon, il y a huit ans. Je me suis dit que j’étais aussi bien d’aller à la mairie et de faire les projets moi-même plutôt que d’essayer de convaincre un gars bucké.» Et vlan!
Du côte de M. Garon, ce ne sont pas les projets qui manquent: tunnel entre Lévis et Beauport, centre des congrès de 1500 places, salle de spectacle grand format, etc. A l’écouter, on dirait qu’il débarque avec un porte-feuille ministériel. «Ça ne veut pas dire que l’argent vient de la ville elle-même», rétorque M. Garon. Plutôt, l’ancien ministre entend profiter des nombreuses relations qu’il a développées au fil des ans. Ce qui n’empêche pas M. Guay de s’insurger contre les promesses de son adversaire: «On peut bien être utopique: le centre des congrès, je le vois très bien placé au bout du tunnel…Ça fait quatre ans que je travaille à diminuer la dette et je promets de la baisser de dix pour cent. C’est bien sûr qu’il ne peut pas promettre de la réduire: avec ses projets farfelus, il n’a pas le choix.»
Et question de terminer sur le même ton cordial qui prévaut dans cette course à la mairie, M. Guay ironise sur le lourd bagage de son adversaire: «Il ne peut pas être à la hauteur, ce n’est qu’un politicien.» Ouch!