La publicité et la censure : Cachez ce sein
Société

La publicité et la censure : Cachez ce sein

Le 21 octobre dernier, le Publicité-Club inaugurait sa série de déjeuners-débats sur le thème de la publicité et la censure. Vous l’ignorez peut-être, mais les publicitaires québécois sont soumis à toutes sortes de règlements qui limitent leur fougueuse imagination. Ils n’ont pas le droit de concevoir des pubs qui s’adressent aux enfants, ils ne peuvent jamais montrer quelqu’un buvant une bière (surtout dans une pub de bière), et, contrairement à leurs cousins européens, ils doivent prendre des pincettes pour parler de sexualité.

Question de leur monter le droit chemin, il existe les Normes canadiennes de la publicité, une série de règlements régis par un organisme qui reçoit les plaintes des consommateurs choqués, et qui en avise les principaux intéressés. La directrice du bureau de Montréal, Niquette Delage, est en poste depuis 18 ans, et on la dirait sortie d’un épisode de Papa a raison. Mercredi dernier, elle a gentiment grondé les publicitaires en leur reprochant d’être obsédés par les seins. «Nos créatifs vivent encore leur adolescence», a-t-elle ajouté, provoquant bien malgré elle l’hilarité générale. Disons qu’entre les positions de Niquette Delage et les opinions des publicitaires, il y a un fossé.

Parmi les interventions les plus «punchées» de ce débat, celle de Claude Foisy, directeur général des communications chez Bell Mobilité Québec. Sa position: le climat de rectitude politique crée une psychose chez les annonceurs qui n’ont plus le courage de défendre leur choix, et qui retirent leurs messages publicitaires à la première plainte venue.

Des exemples de pubs censurées: une pub radio où l’on comprend, à la fin du message, que le narrateur retournait ses appels téléphoniques assis sur le bol de toilette. Ou encore, une pub télé montrant une chorale qui fausse à fendre l’âme en l’absence de son directeur qui ne peut être joint, ne possédant pas de téléphone cellulaire. Dans ce cas-ci, croyez-le ou non, Bell Mobilité a reçu une plainte de l’Association des chorales du Québec, du genre: «Les gens qui chantent dans les chorales sont des bénévoles qui travaillent très fort, etc. etc.»

Chez McDonald’s, représenté par sa directrice du marketing pour le Québec, Barbara Ann Thompson, on est également victime du syndrome de rectitude politique: un récent message (pas très réussi au demeurant) avec un gamin se préparant à passer le week-end chez son père a valu à McDo des réactions outrées de consommateurs qui accusaient le fabricant de hamburgers d’encourager le divorce!

Bref, les publicitaires se demandent si le public n’a pas perdu son sens de l’humour et son sens critique. Quant au public amateur de bonne pub, il serait en droit de se demander si les publicitaires n’ont pas perdu leur audace…

The National Post
Depuis mardi dernier, un nouveau quotidien a fait son apparition sur les tablettes des Maisons de la presse. Il s’agit du National Post, le dernier bébé de Conrad Black, ce magnat canadien de la presse, originaire de Montréal, et propriétaire, entre autres, de la Gazette, du Ottawa Citizen, et du Vancouver Sun.

Depuis l’annonce de sa naissance, l’univers médiatique canadien est en émoi. A Toronto, les grands quotidiens ont tous subi une chirurgie esthétique, question de conserver leur «sex appeal» auprès des lecteurs. Les quotidiens torontois ont-ils raison de craindre le National Post? Une chose est sûre: la première édition n’a pas fait l’unanimité. On trouve son look austère, pour ne pas dire carrément straight. De plus, dans sa première chronique, samedi dernier, l’écrivain Mordecai Richler raconte qu’il a reçu plusieurs commentaires de lecteurs outrés du fait que la photo de la une soit celle de l’astronaute américain John Glenn alors que le National Post s’affiche comme un quotidien national.

Ces réactions épidermiques en disent long sur le lectorat potentiel du nouveau journal: des Canadians purs et durs, qui ne seront ni dépaysés ni choqués par les propos souvent hystériques de Richler, Diane Francis et Andrew Coyne, trois chroniqueurs qui ne se distinguent pas par la subtilité de leurs propos envers le Québec.

L’embauche de ces trois columnists fait-elle de Conrad Black le diable que plusieurs analystes ont décrit au cours des derniers mois? Après tout, on retrouve également la signature de l’analyste politique de La Presse, Chantal Hébert, une semaine sur deux en page éditoriale.

Ceci dit, ne soyons pas naïfs. Ni ange ni démon, Conrad Black est un homme riche et puissant, qui contrôle beaucoup de journaux, et qui appuie, entre autres, le mouvement partitionniste au Québec. Une fois qu’on sait cela, on n’a qu’à passer par-dessus les éditoriaux qui nous horripilent pour se concentrer sur les textes fouillés que seul un journal qui a de gros moyens financiers peut se payer.
Le National Post s’adresse avant tout aux gens d’affaires. Les lecteurs ordinaires comme vous et moi seront davantage séduits par la section magazine de l’édition du samedi qui comprend, entre autres, des portraits, des entrevues, des textes d’analyse et, ô bonheur, la populaire chronique de la Britannique Helen Fielding, alias Bridget Jones, qui sera diffusée en exclusivité, chaque samedi. Un journal à surveiller.

Céline, es-tu là?
Un mot sur le Gala de l’ADISQ: gentil, pour ne pas dire mielleux. Les fans de Céline ne l’ont peut-être pas assez vue, mais l’esprit de la chanteuse a flotté toute la soirée, au Centre Molson. Tout le monde était beau, fin, gentil, smatte. «Je suis donc fière d’être là, je suis donc honoré de la connaître, je suis donc content d’être son ami…». Tant de bons mots. A croire que les textes avaient été écrits par les rédacteurs des cartes de souhaits Hallmark.

Mais oublions la mièvrerie ambiante pour un instant. Le Gala de l’ADISQ est avant tout un événement télévisuel. Or, les téléspectateurs n’avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent: pas de prises de vue spectaculaires, pas d’effets surprenants, sauf pendant la prestation des Colocs où l’écran s’est divisé en trois. Une bonne idée. Dommage que tous les caméramans n’aient pas été mis au courant, ça nous aurait évité des vues imprenables de leur dos.

Et que dire du montage amateur qu’on nous a présenté en guise de rétrospective des 20 dernières années, et qui aurait dû être l’un des moments forts de la soirée? Un choix d’autant plus surprenant que l’émission était réalisée par Jocelyn Barnabé, l’excellent réalisateur du Gala des Masques et de la très belle émission La Vie d’artiste. Décevant.

Bref, une soirée de télé qui n’a pas réussi à atténuer le choc du dénouement des élections municipales.