C’est reparti! Après Montréal en campagne, voici Le Québec en campagne. La première élection était un match de boulingrin, huitième de finale de la Ligue inter-foyer de Westmount, division senior. La seconde, c’est le Superbowl.
Coup de sonde
Les satanés sondages. On aura beau dire, il faut admettre que Léger & Léger joue un rôle déterminant dans le choix des politiques des partis. Autrement dit, si Jean Charest promet un État plus svelte et des impôts plus faibles en graisses saturées, c’est que les sondages indiquent une demande des Québécois pour un régime minceur.
Qu’est-ce que l’électeur répond lorsque le sondeur lui demande à quoi il aspire dans ses rêves les plus fous? «Le beurre et l’argent du beurre.» C’est ce que Jean Charest lui promet: le beurre et l’argent du beurre (la remarque vaut aussi pour le Parti québécois). Il joue avec les cordes sensibles de l’électeur. Bref, du gros marketing à la McDonald’s. Le consommateur veut des aliments santé, McDonald’s lui fait croire qu’il vend des aliments santé.
Seule une minorité avale leur engrais à goélands, et personne ne force la majorité à suivre. Sauf qu’en politique…
En politique, l’effet est pitoyable: aujourd’hui, le politicien ne défend plus rien. Il lance des ballons, en évalue la popularité, et l’adapte selon l’humeur publique telle que décrite dans les sondages. Non pas parce que l’idée est la meilleure solution pour le Québec, mais parce qu’elle plaît à une minorité: les indécis.
Au Québec, l’opinion publique se divise invariablement ainsi depuis 1976: 40 % en faveur du PQ, 40 % pour les Libéraux, puis le reste. Ce sont ceux qui font partie du «reste» qui choisissent les gouvernements, et les partis élaborent leurs programmes en fonction de leurs goûts. La majorité reste sur sa faim, vote quand même – par défaut – et n’a aucune influence sur les partis, qui prennent leur vote pour acquis.
Mentir au sondage
Un sondage, c’est mille personnes. Environ vingt autobus jaunes pleins de Québécois en route pour la cabane à sucre. Afin d’avoir un minimum d’influence sur les programmes des partis, la majorité devrait détourner le convoi. Comment? En mentant honteusement aux sondages. La drôle de tête que feraient les candidats si le parti marxiste-léniniste récoltait 25 % des intentions de vote!
On doute de l’efficacité de l’astuce? Par exemple, les sondages BBM, ceux qui évaluent les cotes d’écoute à la télé, m’ont déjà sollicité. Au départ, ils nous demandent combien de téléviseurs on possède à la maison. J’ai dit quatre; par conséquent, ils ont envoyé quatre formulaires. En plus d’amasser la rondelette somme de huit dollars (deux dollars par formulaire), je me retrouvais avec le fabuleux pouvoir de représenter plus de trente mille téléspectateurs!
Je dis ça comme ça, sans prétention, mais j’ai pu éviter la fermeture de Télé-Québec (à l’époque, le premier ministre Parizeau jonglait avec l’idée de fermer la boîte: «Coudonc, pourquoi on tire pas la plogue?» aurait-il demandé à Louise Beaudoin) tout en continuant de regarder mon hockey.
«Regarde Jacques, les cotes d’écoute sont à la hausse!
– Sapristi, Louise! T’as bien raison, et ce n’est pas du flagossage!»
Quand un sondeur vous sollicite, souvenez-vous de ceci: vous représentez au moins sept mille électeurs. Rappelez aux partis que si votre vote leur est acquis, ce n’est pas une raison pour qu’ils vous abandonnent sur la droite.
Faits de campagne
Les trois chefs sont des fils du terroir, issus du Québec profond, celui des régions. Lucien Bouchard vient de l’industrieux Saguenay; Mario Dumont, du pastoral Cacouna-du-Bas-du-Fleuve; et Jean Charest, des périphériques Cantons-de-l’Est.
Les trois chefs sont issus des formations politiques autres que celles qu’ils dirigent actuellement. Deux des trois ont quitté leur premier parti avec fracas, sur un désaccord majeur avec les orientations constitutionnelles.
Les trois chefs ont été accouchés politiquement par le psychodrame du lac Meech. Jean Charest avait subi l’échec en tentant de sauver le malheureux accord, en mai et juin 90; Lucien Bouchard avait mis fin à sa relation d’amitié avec Brian Mulroney pour les mêmes raisons; et c’est avec la mort de cet accord, qui a abouti au démentiel rapport Allaire, que l’Action démocratique est née.
Les deux principaux candidats sont en rupture avec les longues traditions de leur parti: Lucien Bouchard, avec la tradition sociale démocrate des péquistes; Jean Charest, avec l’héritage libéral de Jean Lesage.
Les trois chefs n’ont pas été élus à la tête de leur parti: ils ont été proclamés, sans adversaires.
Les trois chefs y sont arrivés à titre de sauveur: l’un, de la cause souverainiste; l’autre, de la cause fédéraliste; puis le dernier, de la cause de la troisième voie.