L'affaire Denise Bombardier : Au delà des apparences
Société

L’affaire Denise Bombardier : Au delà des apparences

Il y a deux semaines, MARIE-LOUISE ARSENAULT, journaliste à Flash, a brassé la cage de Denise Bombardier, et l’a mise face à ses contradictions. Madame B. n’a pas apprécié. L’affaire a fait boule de neige, et a déclenché un élan de haine envers l’animatrice de Radio-Canada. Mais, dans la tourmente, on a oublié l’essentiel des propos de Marie-Louise Arsenault. Mademoiselle A. met les points sur les i.

Dans toute la frénésie qu’a suscitée mon «affrontement» avec Denise Bombardier, on a un peu perdu de vue l’essentiel de mon propos. L’objectif de ma réplique à madame Bombardier était de protéger ma réputation professionnelle ainsi que celle de l’émission qui m’emploie depuis 1995. Pas de déclencher un élan collectif de haine à l’endroit de madame B. ni, comme certains l’ont prétendu, de faire mousser les cotes d’écoute de Flash. Cela dit, pour ceux que ça intéresse, notre auditoire est en pleine santé, merci.

La récupération médiatique est un phénomène fascinant dont Flash n’est d’ailleurs pas exempt. Tous les médias doivent remplir leur espace ou leur temps d’antenne avec des sujets et des traitements appropriés à leur mandat, au risque, pour certains, de carrément frôler la désinformation ou même le détournement de sens. Or, lorsqu’on est soi-même le sujet brûlant du jour, les choses prennent une tout autre perspective.

Peut-être parce que le 9 novembre dernier, André Arthur a récupéré mon geste pour en faire un show voué à la destruction systématique de madame Bombardier, peut-être aussi parce que le rédacteur en chef du journal que vous lisez en ce moment est un vendeur redoutable, j’ai pris la décision de vous exposer une partie de la réflexion qu’a engendrée chez moi cette désormais «célèbre» affaire.

Erreur de jugement
Ironiquement, à mon avis, le mépris qu’affichait ouvertement l’animatrice d’Au delà des apparences à mon égard lors de l’entrevue qu’elle m’a accordée – dans son entrée de garage, dois-je vous le rappeler – est le résultat d’une simple erreur de jugement. D’un jugement probablement exercé en surface. Se fiant d’abord à mon jeune âge (encore que tout soit relatif, j’aurai tout de même trente ans dans deux semaines!) et à la nature du média que je représente, madame Bombardier ne s’attendait probablement pas à être questionnée sur le fond de certains des propos qu’elle tient dans son recueil d’entretiens Tête froide cour tendre. Propos qui sont, à mon avis, pour le moins ambigus sinon contradictoires.

L’erreur qu’a commise madame Bombardier en ce jour du 4 novembre dernier a donc été de juger mes intentions et mes capacités à partir de la réputation qu’a, dans certains milieux, l’émission que je représente.

C’est une erreur que nous commettons tous jour après jour. Pourtant, nos médias sont remplis d’exemples prouvant hors de tout doute qu’on ne peut plus se permettre de juger de la qualité d’une émission, d’un reportage ou d’un article d’après son emballage. En effet, le réseau TVA s’est bâti depuis quelques années une solide réputation en information; la chaîne TQS présente un bulletin de nouvelles locales exhaustif; et Le Journal de Montréal compte dans ses rangs certains des meilleurs journalistes du Québec. Ainsi, la volonté de transmettre une information avec intelligence, qu’elle soit économique, sociale ou culturelle, n’est plus depuis bien longtemps le seul apanage des médias de prestige. Pas plus que celui des journalistes expérimentés, d’ailleurs.

Qui a le monopole de l’excellence?
En ce sens, je considère très navrant que dans le paysage médiatique actuel, il y ait deux types de discours: celui que certaines personnalités réservent aux grands médias d’information et aux intervieweurs d’âge mûr; et celui que l’on sert aux jeunes écervelés et à leurs émissions de niaiseries. Réflexions longuement mûries pour les premiers, et humeurs plus légères pour les autres.

Ainsi, lorsqu’on a besoin de transmettre une image sérieuse et crédible, on s’adresse aux figures bien établies de l’information. Lorsqu’on veut simplement se bâtir du capital de sympathie, rajeunir une image défaillante, faire la promotion d’une idée, d’un livre, d’un spectacle, d’un film ou d’un disque, on va voir les jeunots et leurs émissions tellement «rafraîchissantes». Après tout, c’est fou ce que deux ou trois petites blagues bien lancées peuvent faire à une réputation d’éteignoir.

A mon avis, ceux qui magasinent leur tribune pour mieux contrôler l’image qu’ils veulent transmettre privent non seulement toute une partie de la population d’une réflexion en profondeur, d’une mise en perspective intéressante et de propos bien sentis; ils font aussi preuve d’un profond mépris envers l’intelligence de leurs téléspectateurs, de leurs lecteurs et de leurs auditeurs.

Or, en cette ère de multiplication des chaînes et de confusion des genres, plus personne n’est à l’abri de la médiocrité, n’est garant du monopole de l’excellence ou n’est détenteur exclusif du pouvoir de faire rire et pleurer. Il faut donc juger un journaliste par la qualité de son travail; une émission par l’honnêteté de son contenu; et lire un journal en analysant ses articles au cas par cas.

Il n’y a aucune gêne à être en désaccord avec un média de prestige et à l’exprimer; comme il n’y a rien de mal à apprécier la qualité dans un média «populaire». Il y a parfois d’excellents papiers dans Le Journal de Montréal et de mauvais articles dans Le Devoir. Une journaliste qui travaille pour l’émission Flash peut être capable de mettre une animatrice devant ses propres contradictions.

Dans un monde où l’image et la notoriété fournissent toutes les références, excusent toutes les fautes et font office de contenu, il faut tous savoir aller… au delà des apparences.