Si je vous dis: «socialisme», à quoi pensez-vous? Et si j’ajoute: «Paul Rose»? Malgré son nom, le Parti de la démocratie socialiste n’est pas un dinosaure sorti des années 70. Du moins, pas tout à fait…
Le Parti de la démocratie socialiste. Seulement ce nom, ça évoque déjà plus la Roumanie que l’Eldorado. Si on y accole celui de Paul Rose, c’est tout comme si on nous annonçait que Pierre Lalonde effectue une retour retentissant à guichets fermés au Centre Molson.
Ça, c’est pour les impressions – les miennes, et probablement celles d’une très large partie de la population. Que voulez-vous: les temps changent, comme le répètent les chantres du Marché, de même que monsieur et madame Tout-le-monde.
C’est pour cela que le Parti de la démocratie socialiste (PDS) ne prendra pas plus le pouvoir le 30 novembre, qu’il ne l’a pas pris le 30 septembre 1994, et qu’il ne le prendra le 2 avril 2003.
Dans les sondages et les résultats de vote des journaux et des bulletins télévisés, le PDS est connu sous le nom de «Autres», soit 2 ou 3 % du vote, que se partagent le PDS, l’Equality Party, les indécrottables marxistes-léninistes, le Bloc Pot (en faveur de la décriminalisation de la marijuana), et le très curieux Parti innovateur du Québec (voir encadré).
Dans ce contexte, difficile d’accuser les candidats du PDS d’opportunisme politique. Militer dans un tiers parti, c’est faire un acte de foi envers ses idéaux. «Bien qu’on présente quatre-vingt-dix-sept candidats, dont plusieurs anglophones et des autochtones, de même que la plus forte concentration de jeunes candidats, il nous est difficile d’attirer l’attention des grands médias», admet Paul Rose.
Ainsi, même le parti de Mario Dumont réussit à aller chercher dix fois plus de contributions financières que le PDS. Le massacre à la tronçonneuse de l’État remplit visiblement beaucoup mieux les salles que le socialisme pur et dur. «Est-ce que le mot socialisme dans le nom de notre parti effraie les gens? Je ne crois pas, lance Rose, mais il peut certainement y avoir une incompréhension. Il faut expliquer aux gens que nous ne sommes pas un parti idéologique. C’est pour ça que dans nos tournées de porte-à-porte, nous devons prendre au moins dix, quinze minutes par maison pour expliquer qui nous sommes, et ce que nous présentons.»
Paul Rose a beau prétendre que son parti n’est pas idéologique, mais à côté des circonvolutions des péquistes et des libéraux, le PDS a presque l’air dogmatique: démantèlement des monopoles médiatiques pour transformer les journaux et les stations de télé en coopératives; système scolaire public gratuit jusqu’à l’université; retrait du Québec des accords de libre-échange; gel de la dette; indépendance du Québec sans conditions gagnantes…
On y retrouve aussi les bons vieux clichés: pas de système de santé à deux vitesses, faire payer les riches… «Ce n’est pas parce qu’il n’y a qu’un pour cent de riches au Québec qui faut leur permettre de s’évader du fisc par toutes sortes d’abris fiscaux qu’eux seuls peuvent se payer», exhorte Éric Fontaine, candidat dans Sauvé. «Les sociétés pharmaceutiques font des profits après impôt qui n’ont aucune commune mesure, il faut qu’elles paient davantage», dit Robbie Mahood, candidat dans Mont-Royal.
Visiblement, Léo-Paul Lauzon a un fort ascendant sur le discours économique du PDS.
Y a ben des limites
Le PDS ne prendra pas le pouvoir le 30 novembre. Ce qui ne veut pas dire que ses membres ne sont pas de vrais politiciens, comme péquistes et libéraux: car, eux aussi, ont leurs propres contradictions…
En conférence de presse, lundi dernier, où seul Voir et un journaliste de la radio d’État étaient présents («On se fait-tu une conférence juste pour nous?» a même plaisanté la candidate Ginette Gauthier), le PDS s’est opposé à la prise de contrôle de Provigo par la canadian Loblaw.
Cela, même si Loblaw offre 30 % de plus que la valeur réelle du gros épicier québécois, et même si cette surenchère devrait profiter au bas de laine collectif des Québécois, la Caisse de dépôt et placement.
Une propriété québécoise de Provigo garantit un marché à l’industrie agro-alimentaire locale, assure le PDS. Vraiment? En 1995, Provigo a laissé tomber Sucres Lantic, de Montréal, comme fournisseur officiel, au profit de Redpath, de Toronto. Il s’en est fallu de peu pour que le seul raffineur de sucre au Québec ferme ses portes.
De plus, si Loblaw ne peut acheter un épicier québécois, Quebecor a l’absolution du PDS pour mettre la main sur le plus important imprimeur scandinave; Bombardier, pour avaler Learjet, du Kansas; et Téléglobe, pour digérer Excel Telecom, de Virginie. «Tant que les entreprises québécoises n’investissent pas à l’étranger pour profiter des salaires minables du tiers-monde, nous n’avons rien contre», explique Martine Lauzon, candidate dans Crémazie, étudiante en travail social, et fille de Léo-Paul Lauzon.
Une question de proportion
Dans un système électoral à majorité simple, le pouvoir, ça se mérite. Pas facile pour un nouveau parti de briser le mur du silence. Seuls les partis qui ont des représentants à l’Assemblée nationale attirent l’attention avant, pendant et après les campagnes électorales. Et si personne ne parle de vous, personne ne votera pour vous. Et si personne ne vote pour vous…
Un système à la proportionnelle, où 3 % des votes donnent droit à 3 % des sièges, c’est le hochet des tiers partis. «Le système doit être instauré au Québec, plaide Paul Rose. C’est plus démocratique.»
Même le Parti québécois a longtemps réclamé la proportionnelle, quand, justement, le PQ était un tiers parti. Maintenant que la création de René Lévesque est au pouvoir, le discours n’est plus tout à fait le même… Mais la montée du PQ est la preuve que notre système dit uninominal n’empêche pas un parti de faire son chemin jusqu’au pouvoir. «C’est vrai que le PQ n’est même pas allé chercher sept cents votes en Abitibi, aux élections de 70, reconnaît Paul Rose. Mais c’est un processus à très long terme.»
Le rôle du PDS n’est donc pas de déstabiliser le pouvoir, mais de nourrir le débat politique d’autres solutions à tous nos maux que le démantèlement de l’État. «Pour nous, une campagne électorale, ce n’est pas une joute avec des gagnants et des perdants. De toute façon, pour les petits partis comme le nôtre, notre rôle est d’être toujours en campagne électorale, de faire avancer sans arrêt nos idées, pas seulement pendant trente jours, pour tout oublier après.»