Société

Opéra dans le métro : Rigoletto

La STCUM utilise des airs d’opéra pour faire fuir les punks et les squeegees qui hantent la station de métro Berri-UQAM. L’Opéra de Montréal, qui tente de séduire la jeune clientèle, ne la trouve pas drôle…

Depuis le 26 octobre, l’entrée Maisonneuve Saint-Denis du métro Berri-UQAM baigne dans une délicieuse symphonie de musique classique et d’opéra. La STCUM dit avoir recours à cette méthode pour faire cesser le flânage. Mais concrètement, c’est pour faire fuir les squegees et les punks qui hantent l’entrée de la station, de son ouverture à sa fermeture.

Cette idée d’utiliser la musique classique pour faire fuir les indésirables a vu le jour en mars 98, à la station de métro Kennedy, à Toronto. Financièrement, le projet est intéressant: il en coûte beaucoup moins cher d’acheter un équipement sonore et quelques disques compacts que de payer des gardiens de sécurité! Mais il ne règle en rien la question du flânage et de la sollicitation. La seule différence, c’est qu’au lieu de quémander au chaud dans la station, les jeunes quêtent maintenant dans la rue, à quelques mètres de la bouche de métro.

Perce-oreilles
La semaine dernière, nous sommes allés visiter la station Berri-UQAM aux petites heures du matin. Des squegees qui étaient venus s’y réchauffer affrontaient Luciano Pavarotti les dents serrées.

«C’est affreux, c’te musique-là, a lancé une jeune punk d’une vingtaine d’années qui préfère garder l’anonymat. Ils ont mis ça pour nous faire partir!» «Moi, c’est comme si j’entendais plus, a rajouté son amie. C’est beaucoup trop fort! J’ai mal à la tête… On n’achale personne, nous autres, on veut juste se réchauffer un petit peu. Et là, on ne peut plus venir à cause de c’t’ostie d’musique!»

En France, le service des transports publics ouvre ses portes aux sans-abri en hiver pour leur fournir un toît. Ici, on leur casse les oreilles pour qu’ils aillent jouer dehors. Méchante différence…

Et que dire de l’image que donne ce projet de l’opéra? Utiliser de la musique classique pour éloigner les quêteux et les punks, ce n’est pas très flatteur… «Non, non, ce n’est absolument pas insultant, affirme Odile Paradis, relationniste à la STCUM. Il y a des gens qui aiment ce genre de musique…»

Peut-être, mais ça n’empêche pas l’Opéra de Montréal d’être en beau fusil. Selon l’organisme, les intentions de la STCUM dans ce projet «reflètent un véritable mépris de cette forme d’art», et l’OdM s’y «oppose formellement». Un tel projet (qui fait de l’opéra un élément répulsif) pourrait contrecarrer les efforts investis par la compagnie pour rejoindre le jeune public.

«Les membres de la STCUM auraient intérêt à prendre connaissance des récentes statistiques, affirme l’Opéra via un communiqué de presse. Les jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans s’intéressent de plus en plus à l’opéra, c’est une tendance générale. Le succès que remporte l’Opéra de Montréal auprès de ce public en est la preuve…»