Le circuit des concours de bikini : Sunny & chair
Société

Le circuit des concours de bikini : Sunny & chair

Chaque année, des Québécoises bronzées partent vers le Sud afin de participer à des concours de bikinis et de wet t-shirts. Il faut dire que c’est un boulot plutôt lucratif: elles peuvent gagner jusqu’à 70 000 dollars par saison. Notre (pauvre) journaliste les a suivies jusqu’au Mexique.

Jeudi, 23 heures. Chez Christine’s, une boîte de nuit de Puerto Vallarta, Sarah fait un premier pas sur la passerelle. Au micro, le maître de cérémonie s’enthousiasme en un charabia où s’entremêlent l’anglais et l’espagnol: «Messieurs, une bonne main d’applaudissements pour Sarah, de Paris! Voulez-vous voir ce qui se cache sous le t-shirt de la jolie demoiselle?

– Yeaaaaah!» s’exclame la foule. Un auditoire composé presque uniquement de jeunes hommes. Des gars en bermudas, casquette et Nikies, remplis de bière jusqu’aux oreilles. On se croirait aux initiations de Polytechnique.
Du haut de ses talons aiguilles, Sarah se dirige fièrement vers l’avant-scène. Elle ne dispose que de quelques minutes pour épater la galerie composée de trois cents jeunes hommes qui en redemandent. Doucement, au son de la musique de fiesta mexicaine que crachent les haut-parleurs, elle commence à soulever le long t-shirt jaune qui recouvre son corps. La voix du meneur de foule entrecoupe à nouveau la nouba pour encourager les spectateurs à hurler en chour:

«Desnudas!

– Desnudas!

– Desnudas!»

Desnudas, ça veut dire «tout nu» en espagnol. C’est aussi le mot-clé de la soirée. Depuis près d’une heure, une douzaine de filles ont paradé. Des brunes et des blondes, au teint basané par leurs gènes ou par le soleil. Elles sont grandes et élancées, et viennent du Mexique ou d’ailleurs. «Plusieurs sont de Silicon Valley», me fait remarquer un observateur.

Sur la scène, les règles du jeu sont simples: les filles doivent se déhancher et danser; elles peuvent aussi se toucher et ramper si elles le désirent. L’important est d’en montrer le plus possible. Dans son bikini blanc, Sarah applique les règles du mieux qu’elle peut.

«Un joli cadeau des dieux!» commente l’animateur.

Sarah sourit, mais sait que la partie n’est pas gagnée. Ce soir, ce n’est pas le maître de cérémonie qu’il faut séduire, mais les spectateurs. «Dans les bars, c’est généralement le public qui proclame la gagnante», explique Sarah. En somme, plus les gars hurlent et applaudissent, meilleur est le score.

Le véritable nom de Sarah est Marie-Pierre Desrosiers, et elle n’est pas de Paris mais de Sainte-Foy, en banlieue de Québec. A vrai dire, elle est de n’importe où, ça dépend des autres candidates inscrites au concours. Elle est souvent de Montréal ou de La Nouvelle-Orléans… Marie-Pierre passe ses hivers à voyager de ville en ville, un sac rempli de bikinis sous le bras, dans l’espoir de se faire un magot. Elle est une fille du circuit, une pro des concours de bikini. «J’ai fait près de 70 000 dollars la saison dernière, confie la jeune fille de vingt-neuf ans, bien plus que je n’aurais fait si j’avais terminé mon baccalauréat!»

Il y a de cela trois ans, Marie-Pierre ne connaissait de l’industrie des concours de bikini que deux choses: la finale annuelle d’Hawaiian Tropic, et Venus, l’affriolante compétition en maillot deux-pièces diffusée au réseau CBS. Elle croyait que ces deux concours représentaient l’étendue du circuit auquel s’expose la bikini girl.

Erreur. A la fin de 1995, lors d’un voyage à Acapulco, l’une de ses amies convainc Marie-Pierre de s’inscrire à un concours de maillots deux pièces. «J’ai dû emprunter un bikini à ma cousine, je n’en avais même pas un! J’étais tellement gênée que je ne croyais même pas pouvoir me rendre au bout du podium. Or, j’ai gagné le premier prix de 500 dollars. A la fin de mon séjour de deux semaines, j’avais fait la tournée de tous les bars, et amassé plus d’argent que le coût de tout mon voyage. Je me suis juré de ne plus jamais passer un autre hiver dans la slush à me geler le derrière.»  

On connaît le reste de la chanson. Avec le temps, Marie-Pierre est devenue une exhibitionniste habile et chevronnée. «On y prend goût, avoue-t-elle. C’est très flatteur de cumuler les titres de Miss Bikini.» Flatteur? «Oui, oui, très flatteur. Il faut monter sur le stage pour comprendre. C’est très gratifiant d’avoir autant d’hommes à ses pieds. Quand on gagne, c’est encore mieux: on me donne de l’argent pour séduire des auditoires!» 

L’or et l’argent
«It’s a bikini world out there!» Et l’affaire est beaucoup plus lucrative que ce que les gens peuvent imaginer, explique l’Américain Howie Sonnenschein, ex-réalisateur de l’émission The Bikini Open. «Il y a plus de dix mille concours de bikini qui se tiennent annuellement en Amérique. Les bikinis ne font pas que tourner les têtes: ils font déplacer les gens. Où il y a des bikinis, il y a des gens. Et où il y a des gens, il y a de l’argent. Voilà pourquoi les concours de bikini sont partout.»

Et elles sont plusieurs, à tenter de gagner leur vie en se montrant en bikini. Pas étonnant: les candidates peuvent remporter 250 dollars (en argent et en prix) les journées ombragées; et jusqu’à 5 000 dollars lorsque le soleil est du côté de la cagnotte. Aux traditionnelles joutes de bikinis se rajoutent aussi quelques variantes: les concours de wet t-shirts; et ceux des plus belles jambes, des plus belles poitrines et des plus beaux postérieurs. «Tout est acceptable, pourvu que les concours paient les déplacements et que la somme d’argent à gagner soit considérable», explique Marie-Pierre.

Comme le disait l’actrice Jayne Mansfield en 1952: «Dans la vie, une femme a besoin d’un ventre ferme, d’une poitrine solide et d’un joli derrière. Si elle a ça, elle est en business.»

Et que doit porter «la femme qui est en business»? Un bikini! C’est du moins ce que soutenait Diana Vreeland, la rédactrice en chef du prestigieux magazine américain Harper Bazar. «Le bikini nous rappelle que les meilleures choses de la vie sont gratuites», lança-t-elle.

Mais en 1999, on est loin du bikini d’Anette Funicello ou de Barbie. Les deux-pièces de certaines participantes comptaient tellement de cordons, de ganses et de lacets en zigzags qu’ils semblaient avoir été construits par des ingénieurs. «J’essaie toujours de porter quelque chose d’ultra-sleazy et d’agir sur scène de la façon la plus innocente possible», explique Windy, la dernière gagnante du prestigieux concours Miss Hawaiian Tropic Colorado Springs. «Je conseille à toutes les aspirantes de porter un bikini minimal, avec un mince cordon à l’arrière du fessier.»  

Ce soir-là, Marie-Pierre n’a pas brillé sous les feux de la rampe – en fait, pas autant qu’elle l’aurait voulu. Elle a dû se contenter d’une deuxième place et d’un prix en argent de cent dollars. C’est Lizzy, une blonde de New York, qui aura remporté les grands honneurs… et le grand prix de 250 dollars.

Quelques minutes après sa demi-défaite, Marie-Pierre s’excuse: «Je terminais mes menstruations aujourd’hui. Et puis, je sens que je n’ai plus la forme d’autrefois.» Elle ne sourit plus. Elle va même jusqu’à parler d’accrocher définitivement son bikini.

Mais quelques minutes plus tard, surprise: elle annonce qu’elle s’en va immédiatement se coucher. «Demain matin, je dois me lever tôt si je veux aller au gym et m’inscrire au concours de wet t-shirts du Capala Club.»
Comme dit le vieux dicton: tu peux sortir la fille du bikini, mais tu ne sortiras jamais le bikini de la fille.

Les conseils de Windy

Sur son site Internet (www.thebikini.com/win.html), la championne de bikini Windy offre ses conseils aux futures participantes. En voici quelques-uns:

– Souriez. Et assurez-vous que votre sourire soit sincère. Rien n’est plus désagréable qu’un sourire plastique.

– Vos ongles devraient être impeccables. Utilisez un vernis de même couleur que votre bikini.

– Essayez de savoir à l’avance si ce sont des professionnels ou des spectateurs qui choisiront la gagnante. Les juges professionnels ont tendance à préférer les bikinis conservateurs, alors que pour les spectateurs, plus le bikini est petit, mieux c’est.

– Un bon bronzage vous donne un air en santé. Mais n’y allez pas trop fort! Après tout, ce n’est pas «the darker, the better». Si vous avez peur d’avoir le cancer, vous pouvez utiliser une lotion autobronzante.

– Votre personnalité compte. Lancez des regards coquins aux juges, montrez que vous êtes une personne plaisante, heureuse.

– Travaillez votre démarche.