Société

Pas de la tarte

L’entartage de personnages publics devrait-il être banni des ondes? Le milieu journalistique est-il complice lorsqu’il rediffuse ad nauseam les images d’un visage connu, couvert de crème fouettée?Voilà des questions qui inquiètent le journaliste Louis Lemieux. Dans un reportage diffusé à Radio-Canada le 25 janvier -± qui a beaucoup fait jaser-, le journaliste soulève la question.Le point de départ de ce topo: l’entartage raté de Jean Monty, grand patron de BCE, lors d’une conférence de presse sur les Bourses de l’an 2000. Louis Lemieux y explique, entre autres, que si l’opération crème fouettée a échoué, c’est parce que la sécurité a été avisée de la présence sur les lieux de certaines personnes suspectes.Dans ce cas, se demande-t-on, pourquoi faire un reportage?«Il s’agissait d’une petite capsule sur la vie d’une équipe de reportage de Radio-Canada et non pas d’une enquête, dit-il. Le but n’était pas de dénoncer ou de dévoiler quoi que ce soit, mais bien d’expliquer qu’un attentat à la crème fouettée se préparait.»Eve Lamond n’a pas apprécié le reportage de Lemieux. Opératrice de caméra, elle est indentifiée dans le reportage comme l’une des personnes «suspectes». Ex-employée de Radio-Canada, elle travaille aujourd’hui à la pige pour certaines émissions d’affaires publiques diffusées par la société d’État. Elle a aussi vendu à Radio-Canada les images de l’entartage du ministre Pettigrew. Mme Lamond a l’intention de porter plainte contre le reportage de Louis Lemieux. «C’est vrai que je suis sympathique à la cause des entarteurs, mais ça ne fait pas de moi une terroriste, dit-elle. Ça me fait rire que Radio-Canada joue au gardien de la moralité alors qu’ils sont les premiers à acheter nos images. Oui, les entarteurs avisent certains journalistes avant une opération, mais voulez-vous me dire quelle est la différence entre ça, et le fait que la police avertisse les journalistes de faits divers avant une descente?»La question de l’entartage risque-t-elle de se retrouver à l’ordre du jour du prochain congrès de la Fédération des journalistes du Québec?Louis Lemieux affirme que chaque entartage soulève des débats animés dans la salle des nouvelles de Radio-Canada. A la fin de son fameux reportage (dans lequel aucun journaliste n’était interviewé, soulignons-le), Lemieux affirmait même que le Conseil de presse s’interrogeait sur le phénomène. Or, vérification faite, le Conseil de presse nous a signifié qu’il ne tiendrait pas d’enquête royale là-dessus. «On a répondu qu’on s’interrogeait là-dessus comme tout le monde, de façon informelle, explique Robert Maltais, secrétaire général du CPQ. Mais on a d’autres chats à fouetter, et ça ne fait pas partie de nos priorités.» Bonjour le «débat animé»…Ce reportage a laissé plusieurs spectateurs perplexes. Certains se sont même demandé s’il n’avait pas été commandé par les gros bonzes de la SRC, à la demande express des politiciens qui commencent à trouver qu’on a assez rigolé à leurs dépens.