Ross Rebagliati : Le bon gars
Société

Ross Rebagliati : Le bon gars

Cliquez ici écouter des extraits en RealAudio de la compilation de chansons choisies par le planchiste.

Agressif sur la piste, le planchiste ROSS REBAGLIATI se décrit pourtant comme un bon garçon. Entre deux descentes, le médaillé d’or des Jeux de Nagano parle du sport, de la gloire, du Comité international olympique (CIO) et, évidemment, de la drogue.

Assis d’une manière nonchalante dans un hôtel du centre-ville, le médaillé d’or de planche à neige des Jeux de Nagano, Ross Rebagliati, a l’air quelque peu épuisé. Il est seize heures, et il répond aux questions des journalistes depuis l’aurore. Il a beau se retrouver sur des milliers d’affiches un peu partout au pays, le planchiste de vingt-six ans semble réservé, et même timide. Son regard bleu inspecte fréquemment les murs de la chambre, comme pour fuir cette attention médiatique. Fatigué, le champion?

Selon le principal intéressé, pas du tout. Inconnu il y a un an, Ross Rebagliati est devenu du jour au lendemain une superstar. Après la victoire olympique et l’imbroglio tragicomique autour de sa médaille, sa présence provoque des crises d’hystérie. Trois cents jeunes s’étaient d’ailleurs entassés en mars dernier, dans un magasin Roots de la Vieille Capitale, pour une séance d’autographes. Pour le planchiste, la célébrité n’est pas trop dure à supporter. Cool, le gars. Même sous la pression. Pourtant, ses performances de la fin de semaine au Mont-Sainte-Anne sont plutôt décevantes. La tête ailleurs? «Les gens pensent que j’ai énormément de pression pour gagner encore, mais ce n’est pas vrai», lance-t-il, avec conviction.

Au-delà de la compétition, Ross Rebagliati, c’est aussi une question de gros sous. Après les Olympiques, le blondinet a signé une entente avec IMG, l’agence de publicité des grosses vedettes, comme Wayne Gretsky et Tiger Woods. Il fait maintenant les yeux doux sur les affiches de la chaîne de vêtements Roots. Il vient de signer une entente de deux cents mille dollars avec le fabricant de manteaux québécois Orage, une «ligne» de snowboards portera son nom et la compagnie de disques Sony a mis sur le marché une compilation de chansons choisies par le planchiste lui-même. Malgré tout, Rebagliati ne se sent pas traité comme un simple produit de marketing. Il essaie de voir les choses du bon côté. Des commanditaires, ça aide à payer les voyages et les frais inhérents aux compétitions.

Le comble de l’ironie
Quand on parle à Ross Rebagliati, il est difficile de ne pas aborder tout le remue-ménage que vit le Comité internationale olympique (CIO). Que pense-t-il de ces mêmes gens qui ont voulu lui enlever sa médaille? La revanche est douce au cour du Britannico-Colombien. Le ton monte un peu. «Si un athlète échoue un test, il a tout le monde sur le dos. Et on te colle une suspension pour quatre ans. Quand le CIO se trouve dans une situation de pots-de-vin, personne ne leur tombe dessus.» Le pauvre Ross trouve toute cette histoire particulièrement ironique. Qu’aurait-il fait avec ces millions de dollars? «Les athlètes pourraient utiliser cet argent pour s’entraîner.»

Et s’ensuit l’inévitable question sur la drogue. L’air visiblement excédé, Ross répond quand même franchement. Si l’athlète s’est retrouvé dans une zone grise en 1998 – ce qui lui a permis de récupérer sa médaille -, le CIO a tranché l’été dernier et a prohibé la marijuana pour tous les sports. Sans exception. Étonnamment, le jeune homme n’est pas contre ces nouvelles règles. Selon lui, la limite sera claire maintenant. Plus de cachette. En sachant tout cela à l’avance, le champion aurait probablement fait un peu plus attention. Mais il n’aurait pas éloigné ses amis «fumeurs». Il ne le fera pas non plus en 2002.
Malgré tout, cette mascarade olympique a permis à Ross Rebagliati de sortir de l’anonymat, de faire des gros bidous. Le jeune homme en est parfaitement conscient, et ne semble pas s’en plaindre. «C’est sûr que j’ai eu plus d’exposure. Je suis connu pour ma médaille, mais aussi pour cette histoire. Des fois, quand tu gagnes l’or, tu es reconnu pour six mois ou un an. Avec ce battage, je vais être reconnu toute ma vie!»

L’adrénaline à fond
La popularité de Ross Rebagliati, c’est aussi une question de mode. En ce moment, les sports extrêmes sont très populaires auprès des jeunes. Même la publicité «coulée dans le rock» a récupéré, sur fond de musique techno, le snowboard, le skateboard, le saut à skis, le parachute, le vélo de montagne… Si les ados carburaient autrefois au rock’n’roll, ils se livrent maintenant corps et âme dans la pratique de ces sports. Pour pousser l’adrénaline, pour se donner au maximum. Pour le planchiste, c’est bien plus qu’une mode, c’est un véritable style de vie, où la musique, la mode et le sport deviennent une trinité indissociable. «C’est alternatif. Ça va à l’encontre de la volonté de tes parents», souligne-t-il.

Donc, au lieu de faire «bad triper» leurs parents en écoutant du Bon Jovi, les jeunes préfèrent maintenant les sports extrêmes. Mais, Ross, cette image, cette icône, se sent-il rebelle? Le blondinet rejette fermement cette affirmation. Même s’il avoue que la vitesse est une dépendance pour lui, il se voit plutôt comme un enfant de chour. «Je suis un bon gars, explique-t-il, le regard malicieux. Je ne crois pas faire des choses folles. Si quelqu’un a un enfant, il serait heureux que son petit soit comme moi!»