Le Téléjournal avec Stéphan Bureau : Médium saignant
Société

Le Téléjournal avec Stéphan Bureau : Médium saignant

C’est immanquable. A chaque réunion d’amis, à chaque souper de famille, il y a toujours quelqu’un pour poser la question: «Pis, aimes-tu ça, Le Téléjournal avec Stéphan Bureau?» La conversation est lancée et les avis, partagés.

Certains critiquent ses choix de sujets (trop économiques, trop américains); d’autres n’en peuvent plus de ses jeux de mots. D’autre part, on louange ses qualités d’intervieweur et ses nombreuses références culturelles. A bout d’arguments, on s’attarde même à la couleur de ses cravates, et au fait qu’il porte des jeans en studio. Bref, depuis qu’il a pris les commandes du bulletin de fin de soirée, la performance de Stéphan Bureau est scrutée à la loupe.

Après six mois, on peut se permettre de dresser un mini-bilan. Première constatation, Le Téléjournal a effectivement changé de style: moins figé, plus branché sur la vie moderne, plus nord-américain. Stéphan Bureau se sent-il enfin à l’aise dans son fauteuil? Lui seul le sait. Vu de l’extérieur, il semble en tout cas plus décontracté. Oui, il a un humour particulier et un style un peu baveux. Tant mieux. Ça nous change de la fausse chaleur et du côté phony de certains lecteurs de nouvelles. On ne veut pas que Stéphan Bureau soit notre ami, on veut qu’il nous livre les nouvelles de façon intelligente. Ce qu’il fait.

Cela dit, on peut lui reprocher certaines choses. Comme son obsession pour l’économie. Devant un homme d’affaires important ou un ministre des Finances, le voilà transformé. Le journaliste cède la place au groupie, et ses questions perdent parfois de leur mordant.

Autre déception: le traitement réservé à la culture, qui relève plus de la plogue que du véritable journalisme culturel. Il est temps qu’on donne au Téléjournal les moyens de ses ambitions. Laissons faire les interminables infopubs pour Le Cirque du Soleil et Notre-Dame de Paris. Il y a de l’enquête à faire en culture, des reportages, des entrevues de fond, des portraits. A l’époque de Contacts, Stéphan Bureau a prouvé qu’il était l’un des meilleurs intervieweurs culturels au Québec. On devrait lui permettre de préparer des portraits de cette envergure-là au moins une fois par mois, dans le cadre du Point.

Parlant du Point. C’est surtout là que le bât blesse. Quel est le mandat de cette émission? Difficile à dire. De l’entrevue sensationnaliste avec Serge Fiori à la démonstration de hip-hop, en passant par une visite inopinée de Sol et Gobelet, le téléspectateur perd le fil.

Lundi dernier, l’émission semblait avoir renoué avec sa vraie nature en présentant un excellent reportage de Pierre Tourangeau sur la fraude du Marché central. Un document fouillé puisque le journaliste pioche le dossier depuis plus de deux ans. On souhaiterait voir ce type de reportages plus souvent.

L’idée des vendredis culturels est excellente, mais en semaine, on s’attend à un contenu plus costaud. Un exemple: le reportage sur le tourisme de luxe à New York, présenté mercredi dernier, aurait eu davantage sa place dans le cadre du Point du vendredi soir.

Enfin, Le Téléjournal est aussi et surtout une affaire d’équipe. Or, Stéphan Bureau est entouré d’excellents journalistes. Mes préférés: Bernard Drainville à Ottawa (la politique fédérale n’a jamais été aussi intéressante), Philippe Schnobb à Montréal (juste assez baveux), Sophie Langlois, et l’infatigable Michel Morin.

Une question en terminant. Pourquoi accorder autant d’importance à la météo? Comment se fait-il qu’un service de nouvelles comme celui de Radio-Canada soit prêt à payer quelqu’un pour nous expliquer en détail le temps qu’il fera demain, alors qu’on prend rarement plus de deux minutes pour nous expliquer une situation aussi complexe que celle du Kosovo?

Canada by Night
Formule-choc qui a fait des petits, «la nuit des longs couteaux» occupe une place de choix dans l’imaginaire historico-politique québécois. En fait, il n’existe pas de symboles plus forts pour évoquer le sentiment de trahison ressenti par la majorité du peuple québécois au lendemain du rapatriement de la Constitution.

Que s’est-il réellement passé cette fameuse nuit? Carl Leblanc et Luc Cyr sont allés interviewer les principaux acteurs de cette joute politique qui s’est terminée par l’isolement du Québec. Le résultat: un making of assez fascinant, rempli de suspense, et ce, même si on connaît le dénouement de l’histoire. Certains interlocuteurs font preuve de candeur (Claude Charron) et de franchise (Roy Romanov), tandis que d’autres témoignages nous laissent sur notre faim (Peter Lougheed). Quant à Jean Chrétien, il est égal à lui-même. Impossible de lui faire confiance. Un documentaire intéressant qui devrait occuper une place de choix dans les cours d’histoire du Québec. Jeudi 25 février, à 20 h. Télé-Québec.

Foolish Heart
Le moins que l’on puisse dire. c’est que le Canadien Ken Finkleman a de l’audace. Le scénariste-réalisateur-producteur de Newsroom, More Tears et Married Life n’a pas peur d’expérimenter; et ses satires sur l’univers de la télévision l’ont fait connaître davantage que tous les films (très ordinaires) qu’il a déjà écrits pour Hollywood.

Obsédé par le chaos amoureux et ses conséquences – la jalousie, l’infidélité, l’angoisse, etc.- , Finkleman nous propose, cette fois, une série dramatique composée de six vignettes, qui joueront sur le thème de la confusion qui existe souvent entre la fiction et la réalité, entre nos aspirations les plus profondes et les affres de la vie quotidienne.

Inspiré par Tchekhov, Kundera, Fellini et le mouvement néoréaliste italien, Finkleman, un véritable Canadian, originaire de Winnipeg, confiait récemment en entrevue au Globe and Mail que les téléspectateurs n’aimeraient probablement pas sa nouvelle série parce qu’elle ne correspond pas aux tendances actuelles en télévision: des personnages attachants, des intrigues faciles à suivre, etc. Si, malgré cette mise en garde, vous avez tout de même envie de découvrir les derniers tourments de Ken Finkleman, prenez note que sa nouvelle série débute le mercredi 3 mars, à 21 h. CBC.

Lewinsky-Walters
Le méchant procureur Kenneth Starr a finalement accordé la permission à Monica Lewinsky de se confier à l’increvable Barbara Walters. On aura sans doute droit à d’interminables gros plans de la jeune fille pendant que Walters, avec sa voix des grands jours, lui demandera si elle aime encore Bill. Au secours! Pour ceux et celles que ça intéresse, l’entrevue sera diffusée dans le cadre de l’émission 20/20, le mercredi 3 mars, à ABC.