La folie DragonBall : Dans le ventre du dragon
Société

La folie DragonBall : Dans le ventre du dragon

«Chaque génération a son histoire», clame la bande-annonce du nouveau Star Wars. Que Georges Lucas soit averti: ses nouveaux héros auront fort à faire s’ils veulent détrôner les idoles de la «génération DragonBall».

«J’en ai acheté un hier parce que je n’étais plus capable d’attendre», lance Bart, 22 ans. «J’en ai lu un premier et, pendant les jours qui ont suivi, je n’étais pas sociable pour deux sous; je voulais lire tous ceux qui existaient», se rappelle Martin, 19 ans. Il y a quelques semaines, ni Martin ni Bart ne connaissaient la bande dessinée DragonBall et son héros Sangoku. Aujourd’hui, ils sont complètement «accros». Initié par son ami Bart, Martin a lu les trente-cinq tomes parus en français en moins d’un mois. «C’est une vraie drogue», avoue le jeune homme.

Depuis 1993, année de son lancement en français, le manga _ bande dessinée, en japonais _ DragonBall connaît un succès inégalé auprès des garçons de dix à vingt-cinq ans. «C’est un phénomène monstrueux», renchérit Denis Dechesne, de la boutique L’Imaginaire. «Le jour où paraît un nouvel épisode de DragonBall, c’est la cohue dans le magasin», poursuit-il. Comme plusieurs librairies, L’Imaginaire possède sa propre liste «d’abonnés» à DragonBall. À chaque nouvelle parution, le même cycle recommence: le matin, les commis téléphonent à plus de cent cinquante fanatiques; quelques heures plus tard, la boutique est littéralement prise d’assaut par les lecteurs affamés; dès le jour suivant, les fans appellent pour savoir quand le prochain DragonBall arrivera… «Ils savent très bien que le prochain DragonBall ne paraîtra pas avant au moins deux mois, mais ils ont déjà besoin d’une nouvelle dose…»

L’énorme popularité de DragonBall a aussi une incidence dans les bibliothèques publiques de Québec. Ne cherchez pas les aventures de Sangoku dans les rayons parmi les autres mangas, vous ne les trouverez pas; les exemplaires disponibles sont toujours conservés aux comptoirs de prêt. Selon Jean-Pierre Germain, directeur de collection et des bibliothèques de quartier, ce contrôle serré de la collection s’avère nécessaire. «Sinon, explique-t-il, certains jeunes cachent les DragonBall dans différents rayons de la bibliothèque et on ne les retrouve plus.»

Selon les chiffres officiels de la bibliothèque Gabrielle-Roy, les prêts de DragonBall ne sont pas plus nombreux que ceux d’autres volumes populaires. Mais ces statistiques peuvent être trompeuses, prévient M. Germain. «On sait que les jeunes se passent les livres, ce qui est très bien. Ce que l’on déplore, c’est que certains d’entre eux le font contre rétribution. On sait qu’il y a un trafic qui se fait», révèle-t-il, avant de préciser qu’il n’en connaît pas l’ampleur.

Un succès controversé
Les lecteurs de DragonBall sont unanimes: ce qui fait la force de la série, c’est un judicieux mélange d’action et d’humour. «Et l’expressivité des dessins», ajoute Isabelle, 19 ans. «Il ne faut pas se le cacher, dit Bart, cette bande dessinée n’est pas basée sur un scénario très fort: c’est toujours l’histoire du gros méchant qui se fait battre.» «Mais, ajoute Martin, les personnages ont tous un côté marrant, même les méchants.»

Tous ne sont pas de cet avis. «La bibliothèque ne fait que répondre à une très forte demande. Le niveau de violence et de stéréotypes que DragonBall véhicule n’en fait pas une série que l’on sélectionne pour sa qualité», explique M. Germain.

Violents, les DragonBall? «C’est sûr que c’est violent parce qu’il y a les arts martiaux et qu’il y a du monde qui meurt, pense Laurent-Olivier,11 ans. Mais ça pourrait être pire…» Pire comment? «On pourrait voir du monde qui se fait égorger tout nu», précise-t-il. Bart est d’accord. DragonBall est une bande dessinée construite autour de la notion de combat, mais «ce n’est jamais de la violence graphique», explique-t-il. «Il n’y a pas de sang et de tripes qui sortent, pas de personnages qui baignent dans leur sang. C’est violent, mais pas choquant», insiste-t-il.

Quant au peu d’espace accordé aux filles, aucun lecteur ne s’en offense. Même les lectrices. «Les filles y sont faibles physiquement, mais elles sont importantes. Bulma est un véritable génie. Dans la B.D., seule la force physique est importante. Dans la société, il faut se servir de sa tête; en ce sens, croit Isabelle, Bulma [une géniale ingénieure] est un modèle.»