Société

Censure à La Presse? : Éthique toc

Le samedi 13 mars dernier, l’éditeur adjoint de La Presse, Claude Masson, signait un papier pour le moins étonnant dans lequel il accusait les Orphelins de Duplessis d’avoir tenté de manipuler la rédaction du quotidien de la rue Saint-Jacques. Comment? En attirant l’attention du journaliste André Noël sur des extraits de l’autobiographie du premier ministre Lucien Bouchard. Dans ces passages, Bouchard parle de l’époque où il a représenté, en tant qu’avocat, certains ordres religieux dont Les Petites Franciscaines, une des congrégations aujourd’hui pointées du doigt dans la saga des orphelins de Duplessis.

André Noël écrit un article qui ne sera pas publié parce que, explique Masson, il est bourré d’insinuations. Les orphelins de Duplessis reprennent donc leur dossier et le donnent à Laurent Soumis, du Journal de Montréal, qui publie un texte le vendredi 12 mars. À la suite de la publication de ce texte, les orphelins de Duplessis émettent un communiqué dans lequel ils disent avoir été étonnés d’apprendre cette relation de Bouchard avec des ordres religieux. On aura compris qu’ils ne s’étonnent pas du contenu du texte paru dans Le Journal de Montréal (après tout, ce sont eux qui ont fourni l’information), mais que leur étonnement date du moment où ils ont «découvert» ce lien entre Bouchard et les congrégations.

Où est la manipulation qui fait tant frémir Claude Masson? Difficile à dire. Dans un reportage présenté dans le cadre de l’émission Médias (en reprise le samedi 27 mars à 19 h 30 à RDI), l’éditeur adjoint fournit des explications pas très convaincantes. De plus, le journaliste André Noël, auteur de l’article qui n’a jamais été publié, n’est pas interviewé. Résultat: on reste avec l’impression que Claude Masson a bel et bien censuré son journaliste, geste ignoble dont il s’est vanté dans les pages de son propre journal.

Peut-on lier l’attitude de Masson au sentiment d’hostilité exprimé par bon nombre de chroniqueurs dans les pages de La Presse? À moins que l’éditeur adjoint ne se soit attribué le rôle d’ombudsman. Dans ce cas, on s’attend désormais à ce que M. Masson dénonce toutes les tentatives de manipulation de la presse, qu’elles viennent aussi bien de petits groupes de pression que des grandes entreprises comme Hydro-Québec ou Molson… Un beau contrat.

La publicité à Radio-Canada
Vous avez sans doute remarqué ces publicités, dans les journaux et à la télé, qui vous rappellent ce que vous avez manqué si vous n’avez pas regardé Le Téléjournal de Stéphan Bureau. Cette approche par la négative est-elle efficace? Toujours est-il que certains soirs, les cotes d’écoute de Stéphan Bureau talonnent, et parfois même dépassent, celles de Simon Durivage à TVA. La réorientation du Téléjournal, qui s’est vraiment recentré sur l’information internationale et économique au cours des derniers mois, semble porter fruit.

Il faudrait maintenant qu’on effectue ce même virage dans les autres émissions d’information, celles qui ont perdu du poil de la bête depuis quelques années.

Passons sous silence Montréal ce soir qui a eu le culot, vendredi dernier, de présenter un reportage sur les coulisses de La Fureur, une émission présentée sur les ondes de Radio-Canada deux heures plus tard. Ce n’est plus de la plogue, c’est du mépris pour les téléspectateurs.

Parlons plutôt d’Enjeux. Il y a deux semaines, le magazine consacrait son émission aux naissances multiples. On nous présentait deux familles, l’une québécoise, l’autre américaine, ayant respectivement donné naissance à des quintuplés et des septuplés. Le troisième reportage nous montrait un père de 13 enfants atteint d’un cancer fulgurant. Dramatique.

Il y a quelques années, Enjeux (qui portait bien son nom à l’époque) aurait complété ses reportages par des entrevues approfondies avec des spécialistes et des observateurs qui auraient situé le phénomène des naissances multiples dans son contexte. On aurait parlé d’éthique, entre autres.

Mais voilà, Enjeux est devenue une émission sensationnaliste, semblable aux magazines américains comme Dateline, des émissions sur lesquelles les journalistes québécois levaient le nez il n’y a pas si longtemps.

Résultat: on a braqué une caméra sous le nez d’une pauvre mère de cinq enfants visiblement épuisée en lui demandant si elle répéterait l’expérience. Comme si elle allait répondre à cette question.

Puis on a demandé à la mère de 13 enfants, démolie, ce qu’elle ferait une fois son conjoint décédé. Bref, un reportage complaisant qui n’a pas fait avancer la réflexion d’un iota. Mais qui a sans doute fait beaucoup pleurer dans les chaumières. C’était l’effet recherché, non?

Erreur boréale
Vous en avez beaucoup entendu parler mais vous ne l’avez pas encore vu? L’excellent documentaire de Richard Desjardins et Robert Monderie sur l’état de santé de la forêt boréale vous fera dresser les cheveux sur la tête. Le chanteur nous montre de quelle façon nos forêts sont massacrées et ce, grâce à la belle entente qui semble régner entre le gouvernement et les puissantes papeteries. À voir absolument, le dimanche 28 mars, à 21 h 30. Télé-Québec.