Projet d'Agriculture Soutenue par la Communauté : Terre promise
Société

Projet d’Agriculture Soutenue par la Communauté : Terre promise

Le panier le moins cher en alimentation biologique s’implante à Québec pour de bon. Après une première récolte de partenaires l’an dernier, l’Agriculture Soutenue par la Communauté est de retour.

Avez-vous déjà rêvé de recevoir chaque semaine de l’été un panier de légumes fraîchement cueillis? En 1998, une cinquantaine de personnes ont décidé de réaliser leur rêve et de s’associer avec la ferme Campanipol de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, dans le cadre d’un projet d’Agriculture Soutenue par la Communauté (ASC). Le principe de ces projets est simple: vous devenez le partenaire d’une ferme en achetant à l’avance une partie de sa récolte et la ferme livre chaque semaine votre panier de provisions à un point de chute près de chez vous.

S’impliquer dans un de ces projets, c’est toutefois plus qu’un simple partenariat d’affaires. L’Agriculture Soutenue par la Communauté veut créer un lien de solidarité entre la ville et la campagne, par exemple par l’organisation de journées de récolte et de fête à la ferme. Elle veut aussi mettre de l’avant l’importance d’acheter localement pour soutenir et favoriser notre propre agriculture. Enfin, par l’élimination des intermédiaires, elle veut permettre d’acheter biologique à un prix raisonnable.

«Quand on a découvert le réseau de l’ASC, se rappelle Danielle Lefebvre de la ferme Campanipol, on s’y est tout de suite retrouvé. C’était exactement ce que nous avions commencé avec notre ferme, mais à une plus vaste échelle.»

Mme Lefebvre et son mari possèdent l’une des plus vieilles fermes du réseau d’ASC et la seule pour l’instant qui a des partenaires à Québec. «Mon mari a travaillé plusieurs années comme agronome en Afrique avant de décider d’avoir sa ferme biologique. Il est un peu comme un curé, dans le sens où il avait la foi et il a fallu qu’il la suive… Il y a huit ans, on a donc acheté un terrain qui n’avait pas été cultivé depuis vingt ans!»

Aujourd’hui, la petite ferme fait pousser quarante variétés de fruits et de légumes sur vingt acres de terre. «Mais attention, avertit Mme Lefebvre, quand je dis quarante, ça ne compte pas nos six sortes de laitues, la dizaine de sortes de patates, de tomates et les fines herbes!» Le partenaire peut donc se retrouver avec des patates bleues(!), jaunes, rouges ou blanches et toutes sortes de légumes impossibles à trouver en supermarché. «On leur donne un bulletin d’informations pour qu’ils sachent quoi faire avec les légumes peu connus», affirme même la fermière…

À Campanipol, l’abondance ne se limite pas à ça. Si on y offre par le biais du projet d’ASC des légumes, on offre aussi à ceux qui le désirent de la viande, des oufs et du fromage. «Ces denrées ne sont pas incluses dans le panier, les gens doivent les acheter à part, mais ça leur permet de tout avoir, raconte Mme Lefebvre. Tout ce qui nous manque, c’est le pain!»

La ferme espère livrer une centaine de paniers par semaine cette année, ce qui lui permettrait d’arriver enfin au seuil de la rentabilité. Plusieurs partenaires de l’an dernier se préparent à reprendre l’expérience et une première rencontre avec des gens intéressés a déjà eu lieu. «Nous sommes encore à la recherche de partenaires», ajoute tout de même Mme Lefebvre…

Unique au monde
L’an dernier, il y avait une autre ferme biologique qui offrait sa production aux gens de Québec, mais de façon indépendante. Barbara Vogt, coordonnatrice du réseau des ASC, explique que toutes les fermes travaillaient seules avant 1996. «Le réseau a permis de mettre les énergies et les ressources de tout le monde en commun pour développer l’agriculture biologique. Nous, on travaille à mettre en contact les gens de la ville avec les fermiers. La première année, nous avions sept fermes dans le réseau, maintenant, elles sont 39! On estime que cette année les projets d’ASC toucheront plus de 3000 personnes.»

Après deux ans d’opération, les gens de la ferme Campanipol estiment qu’il y a déjà de la place pour d’autres fermes sur le marché de la Capitale.

L’engouement pour cette relation directe entre le citadin et le fermier n’est pas unique à la Belle Province. «Les projets d’ASC existent partout au Canada, aux États-Unis et même au Japon, explique Mme Vogt, mais au Québec, nos projets progressent beaucoup plus rapidement grâce au réseau. Nous avons un modèle unique de regroupement qui commence à intéresser les Ontariens et les Américains parce qu’il facilite beaucoup la tâche aux fermiers.»

Si le réseau est nettement favorable pour les agriculteurs, il ne l’est pas moins pour les consommateurs. «Nous avons fait une comparaison entre la valeur des paniers de nos partenaires et celle d’un panier identique en magasin, raconte Mme Vogt. On a découvert que nos paniers coûtaient de 10 à 50 % moins cher. Ce qui fait que les gens qui font partie d’un projet d’ASC payent leurs légumes biologiques sensiblement le même prix que s’ils avaient acheté des légumes non biologiques!»

La vache folle
Le principal obstacle à la mise en marché des produits biologiques, c’est leur prix. Les projets d’ASC permettent d’éliminer ce problème, mais ils restent relativement marginaux par rapport au marché des magasins d’aliments naturels. À l’Union des Producteurs Agricoles, on estime à environ 30 millions de dollars les ventes de produits biologiques québécois.

Michelle Gauvin, agente de projet à la Fédération d’Agriculture Biologique du Québec, affirme que le seul secteur de l’agriculture qui est en croissance est celui du biologique. «On parle d’une croissance de 20 % par année, alors que les autres secteurs sont soit stables, soit en baisse.»

Si la région de Québec n’est pas très avancée en ce qui concerne les projets d’ASC, elle compte tout de même le plus grand nombre de fermes certifiées biologiques de la province, soit 78. Et pour avoir une image précise de la situation, on doit ajouter à ce nombre plus de 300 fermes actuellement en transition vers l’agriculture biologique!

Malgré tout, la demande des Québécois pour des produits biologiques est beaucoup plus forte que l’offre. Selon Mme Gauvin, 70 % des produits biologiques ayant subi une première transformation vendus dans la province ont été importés. «Il nous manque des usines de transformation!»

Plusieurs pays ont compris que le biologique était une voie d’avenir, mais seule l’Allemagne a réussi à devenir un exportateur net. Le Québec, malgré les projets d’ASC et les nombreuses fermes en transition, devra peut-être accélérer la cadence s’il ne veut pas être un jour écrasé par les exportations américaines… Y a-t-il un investisseur dans la salle?