Rétractation. Jean-Paul Marchand, député de Québec, a commis de grosses erreurs dans son récent bulletin parlementaire concernant le train de vie des sénateurs. Anecdote: dans sa lettre, il a aussi commis l’erreur de m’appeler madame…
Mis en demeure, purement et simplement, de se rétracter par les sénateurs Serge Joyal et Pierre DeBané, le député énumère dans cette lettre une liste considérable de fausses affirmations contenues dans son document. En effet, d’une part, messieurs Joyal et DeBané ne touchent pas de pension fédérale et, d’autre part, le salaire de base du sénateur canadien n’est pas de 90 000 $ par année, mais bien de 66 900 $, outre une allocation non imposable de 10 500 $ reliée à la fonction. Il estime désormais que son affirmation, selon laquelle les sénateurs canadiens mènent une vie de millionnaire payée par nos impôts, peut «porter à confusion». M. Marchand s’excuse des embarras qu’il aurait pu causer aux personnes impliquées.
Jusqu’à maintenant, M. Joyal ne se satisfait pas de ces excuses. Il m’inflige aussi, par voie de sommation, le même traitement. D’une nature sensible, je n’y résiste même pas et lui présente les excuses qu’il demande.
_ Je tiens donc à préciser à mon tour qu’à ma connaissance, même si cette remarque ne le visait pas, M. Joyal n’est pas demeuré en affaires en participant ou en présidant de grandes entreprises.
_ Qu’un sénateur comme M. Joyal ne touche pas 580 000 $ par année.
_ Que M. Joyal ne fait pas de lobbying.
_ Et, finalement, que Serge Joyal n’est ni «beau» (dans le sens péjoratif du terme, bien sûr), ni un «snob, collectionneur d’art» et qu’il n’entre pas dans la catégorie des «vieux croûtons», comme je l’ai si malicieusement avancé.
Je remercie M. Joyal de l’attention portée à mes propos et le salue bien cordialement.
Ensuite, rien ne nous empêchera de rester solidaires de ceux (et ils sont nombreux) qui demandent l’abolition du Sénat canadien.
La fin de semaine, la route fait des victimes. Après le défilé des motards, celui des poids lourds. Samedi dernier, quelques camionneurs artisans contestaient à leur tour les lois coercitives qui réglementent leur profession. En ville, forts de leur nombre, les premiers contrôlent la circulation, les autres font du bruit, histoire de déranger un peu.
Personnellement, je leur suggère de remettre en question ce moyen de pression ou, du moins, sa pertinence durant la fin de semaine.
En effet, du vendredi au dimanche, bon nombre de journalistes, sinon quelques surnuméraires, reposent pépères comme tout le monde en pantoufles à la maison.
Tandis que, sourds aux bruits d’une contestation qui ne les atteint pas, nos ministres, eux, sont partout, sauf en ville, souvent au chalet en bermudas, occupés à lutter contre les vapeurs toxiques du barbecue.
Tenir ce genre de rassemblement le samedi, c’est donc, peut-être un peu, passer dans le beurre.
Tant qu’à prendre _ comme l’OTAN _ le monde ordinaire pour cible, suggérons à ceux qui roulent de défiler le vendredi à quinze heures avant que les représentants de l’État ne se soient poussés à toute berzingue vers la fin de semaine. Ça ferait son petit effet. En ville, côté bruit et pollution, les autobus déversant leurs hordes de touristes enthousiastes nous suffiront encore amplement pour quelques années. C’est simple, moi qui habite on ne peut plus en ville, j’écris cela et je ne m’entends déjà plus penser. Ceci dit, cette effervescence m’a toujours semblé plus charmante que regarder le voisin tondre sa pelouse. D’autant plus que j’appréhende une manifestation des propriétaires de Lawn-Boy, insatisfaits du coût de l’essence, dans les jours qui vont suivre…
Alerte à droite. Les Libéraux du Québec se cherchent. Réunis en congrès, ils proposent de réévaluer l’économie, la santé et la fiscalité. Pas besoin de participer au congrès de dimanche dernier pour mesurer ce que, dans certains cas, cela pourrait signifier. Désengagement de l’État, élimination (subtile) de l’universalité des soins de santé, etc. Le reste, à l’avenant, dépendra de ces sondages que Jean Charest s’empresse de décrier.
La marge de manouvre est mince pour ce parti qui a quelque peu perdu le pouls d’une bonne part de l’électorat francophone.
Coincé à gauche par un Mike Harris dont la réélection devrait fournir quelques vieilles munitions idéologiques, pris à la droite d’un pouvoir étriqué entre le cour et la raison, le politicien libéral contemporain affiche des penchants de circonstance. Il agite l’épouvantail de la santé, mise sur l’insatisfaction du payeur de taxes, grignote patiemment sa part du gâteau à même les erreurs de ses adversaires, mais n’a que le Canada comme conviction qui ne soit pas passagère. Peu à peu, comme dans un roman de Cohen, il prend des allures de perdant magnifique.
Dans deux de nos grands syndicats, la rélève de la garde se fait sans changement d’uniforme, dans la douceur des formes familières. Cocasse de découvrir la barbe de Marc Laviolette, maigre barbu, et la petite silhouette sobre, les cheveux blonds et les lèvres minces de Monique Richard. Mimétisme? Clonage idéologique? L’habit fait le moine.
En tout cas, la science pure, elle, n’attend pas. Après Dolly, à Sainte-Croix-de-Lotbinière, dans le paradis du châssis double et de la fenêtre thermos, quelques éleveurs ont l’ambition fort sérieuse de bientôt cloner des autruches. Des autruches? Ici? Il faudrait trouver un scientifique pour nous expliquer pourquoi le chat errant de la 10e Rue, le siffleux des Plaines, le golden retriever du beauf, le bouc de la Citadelle, le pit-bull des Rock Machines, l’orignal égaré en banlieue ou le harfang des neiges de la 40, enfin, je veux dire, quelques espèces indigènes, ne semblent pas éligibles à ce genre de recherches. Un peu de fierté nationale ne ferait pas de tort.
C’est un crime! Le McDonald de mon quartier a déboulonné la chaise sur laquelle j’attendais patiemment mon take-out. Ce forfait a été perpétré impunément afin d’exposer en vitrine des produits dérivés très standards. Stylos, épinglettes, balles de golf, casquettes et (d’horribles) cravates arborent le logo de la compagnie. Ce sont des souvenirs, annonce une affiche explicative. Avouez qu’il faut être fichtrement mal pris, sinon arriver de Mars ou d’Afghanistan, pour rentrer chez soi, défaire ses valises et s’exclamer: «Eh! Chéri, je t’ai rapporté un souvenir de chez McDonald!»
Encarté dans plusieurs de nos journaux de fin de semaine, un cahier de huit pages intitulé L’Arbre et les Forêts au cour de nos vies. On sent bien qu’il s’agit là d’une autre des initiatives, un brin paranoïaques, de notre ministère des Ressources naturelles pour combattre le documentaire de Richard Desjardins.
Huit pages de bon papier fait avec de beaux arbres du Québec. On n’est pas plus avancé. Les épinettes payent le prix de la polémique..
Revu à Découverte, le magnifique documentaire britannique Les Mystères de la vie. Au nombre des statistiques rediffusées dans cet épisode, on nous apprend qu’une jeune fille «normale» cillera 4 000 000 de fois, respirera deux millions de litres d’air, dépensera 18 000 dollars pour ses noces et fera l’amour 2500 fois durant sa vie entière. Deux mille cinq cents fois? On voit bien que le documentaire a été tourné par des Anglais d’Angleterre. Ben non, je rigole..
Ah, un dernier mot. Il faudra un jour que quelqu’un songe à faire rayer des ouvrages littéraires le passage de la fable de La Fontaine dans laquelle le poète écrivait: «Ils s’en allaient à un train de sénateur.» Ce genre de chose peut porter atteinte sérieuse à leur réputation, puisque bon nombre de ces non-élus marchent toujours d’un pas alerte. Je tiens aussi à le faire remarquer.