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Transport en commun : La solution Cocktail
Carle Bernier-Genest
Imaginez que la CUM mette en vente une carte à puce donnant accès à des autobus, des taxis, des automobiles louées et même à un hydroglisseur, pour traverser le fleuve! Fou? C’est le rêve de MICHEL «VÉLO» LABRECQUE. Pour le militant cycliste, ce cocktail est la seule façon de solutionner le problème du transport à Montréal…
Le transport est devenu une source de problèmes majeurs dans la grande région métropolitaine. Malheureusement, jusqu’à maintenant, les pouvoirs municipaux et provinciaux n’ont jamais proposé de véritables politiques du transport en commun. On se contente d’ajouter quelques autobus ici, ou de construire une piste cyclable là… Aucune stratégie globale ou concertée.
«Il y a trop de gens qui pensent que le transport en commun est une cause perdue», affirme d’entrée de jeu Michel Labrecque. Selon le militant cycliste, également président du Groupe Vélo, un organisme qui chapeaute le Tour de l’île et Vélo Québec, même des dirigeants de nos sociétés de transport pécheraient par pessimisme! Pourtant, des solutions, il y en a. Il suffit de penser un peu plus globalement et «d’arrêter de gérer des autobus pour commencer à gérer des déplacements».
Vous habitez à Laval mais vous travaillez au centre-ville de Montréal? Vous pouvez choisir d’affronter les bouchons de circulation avec votre voiture, ou de les éviter en prenant le transport en commun. Mais ce qui vous attend, alors, c’est un trajet composé de deux autobus et d’un métro, plutôt qu’un lien direct vers le centre-ville… Le Cocktail Transport, un projet élaboré par Michel Labrecque (et disponible sur Internet, voir l’adresse ci-bas) se veut une réponse à cette gestion archaïque du transport en commun.
Michel Labrecque prône le regroupement des services publics dans la région métropolitaine. «Big is better», dit-il. Son document de réflexion propose d’intégrer, en une seule offre de services concertée, tous les moyens de transport existants: auto, taxi, autobus… Se basant sur les données du CAA-Québec, le document rappelle que le coût annuel d’utilisation d’une voiture compacte est de plus de 8000 dollars. Parallèlement, on nous montre qu’un «cocktail de transports» coûterait beaucoup moins. Une carte d’autobus-métro, plusieurs courses de taxi par semaine et même plus de trente jours de location d’auto ne coûteraient, en effet, que 6500 $ par anné!
Comment fonctionnerait le Cocktail Transport? Simple: on mettrait en vente une carte à puce (qui ferait office de droit de passage et de carte de débit) donnant accès aux services de transport publics et aux taxis, et permettant d’avoir des rabais dans les centres de location de voitures. «Si on compétitionne l’auto seulement avec de gros autobus, on est baisé, croit Michel Labrecque. Il faut intégrer tous les modes de transport…» L’auteur va jusqu’à imaginer le jour où l’on remplacera un circuit d’autobus peu utilisé par un service de taxis collectifs, et où l’on s’ouvrira à des solutions novatrices comme un hydroglisseur pour traverser la Rivière-des-Prairies!
«J’ai proposé le Cocktail Transport, maintenant c’est aux personnes concernées d’y réfléchir et de voir si elles veulent l’appliquer», dit l’auteur, ajoutant que les dirigeants de l’Agence Métropolitaine de Transport ont lu son document. Il aimerait que le gouvernement québécois fasse de même. «Au niveau industriel, c’est une très mauvaise idée de favoriser l’auto… Nous n’en fabriquons presque pas, et on raffine de moins en moins d’essence. Avec l’auto, on se retrouve avec un énorme déficit économique qu’on n’aurait pas si le Québec favorisait réellement le transport en commun. Au moins, dans ce domaine, les compagnies sont québécoises!»
Autobus à vélo
Le Cocktail Transport, c’est aussi l’intégration de la bicyclette aux services de transport en commun. Michel Labrecque l’avoue sans hésiter: sa réflexion vient en grande partie de la difficulté de faire la promotion du vélo comme moyen de transport. Actuellement, dans la région métropolitaine, le nombre de personnes qui utilisent leur vélo comme principal moyen de transport reste stable, autour de 150 000. En intégrant le vélo aux autres services, ce serait beaucoup plus facile de faire progresser le nombre d’adeptes… C’est dans ce but que son organisme, le Groupe Vélo, a lancé, avec l’aide du ministère de la Métropole, le Réseau Vélo Métropolitain. Une des premières actions du Réseau a été de réaliser une étude sur la possibilité de complémentariser le transport à vélo avec les autres moyens de transport.
L’étude, rendue publique cette semaine, propose d’augmenter le nombre de stationnements sécuritaires pour vélos, de relier les réseaux cyclables aux grandes lignes de transport en commun, et d’installer sur les autobus des supports à vélos… Rien de bien nouveau, somme toute, puisqu’une dizaine de villes canadiennes offrent déjà ce genre de complémentarité! Tout le monde y gagnerait: le cycliste, en ayant un plus grand rayon de déplacement; et le service de transport, en élargissant sa clientèle. L’exemple du Caltrain, qui relie San Francisco à Silicon Valley, est révélateur. La moitié de sa récente augmentation de 7 % de clientèle provient du fait que ses wagons possèdent maintenant des supports à vélos…
Un chapitre de l’étude est aussi réservé à la situation du taxi. «Au Danemark, tous les taxis ont des supports à vélos», raconte Michel Labrecque. C’est même une exigence de la loi sur le taxi. À Montréal, pendant ce temps-là, il n’y a que les fourgonnettes qui peuvent accueillir les vélos, et pour la personne qui ne réserve pas, l’attente d’un tel taxi peut durer une heure! Le Groupe Vélo aimerait bien réussir à convaincre une compagnie de taxi de n’avoir que des voitures munies de support, mais pour l’instant, l’industrie du taxi ne semble pas très intéressée par cette clientèle.
Cette étude permettra sûrement de mettre en place une partie de la complémentarité des moyens de transport dont parle le Cocktail Transport. Tout en continuant son travail de ce côté, le Groupe Vélo se prépare à la prochaine bataille. «Actuellement, le réseau cyclable montréalais a atteint un point de saturation», lance Michel Labrecque. Les pistes cyclables sont nombreuses, mais, pour le militant, il faudra bientôt ouvrir un nouveau débat, celui du partage de la rue entre le vélo et l’auto… David contre Goliath!
Un débat qui risque de faire beaucoup de bruit…
Pour lire le document Le Cocktail Transport:
www.velo.qc.ca/nrv/index.html