Société

Droit de cité : La vérité sur les chats et les chiens

Bon. Je sais que certains d’entre vous s’attendent à ce que nous écorchions miette par miette cette idée de la Ville de Montréal de policer le pipi de chien.
Mais, face à une administration si soucieuse de démontrer qu’elle a à cour la qualité de vie de ses commettants, rien ne sert de japper. On respire par le museau, et on se dit qu’à ce niveau d’encadrement, nous ne sommes plus très loin de la garderie.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, l’intendance Bourque ne rêvait que d’une chose: ne rien gérer. L’intendant avait même établi une liste de quarante-sept services municipaux loisibles et «licenciables» qu’il espérait offrir à l’entreprise privée. Comme ça, simplement par horreur de la gérance quotidienne, tâche qui manque trop d’envergure pour des hommes au destin
auguste.

Or, quelques cabrioles plus tard, c’est l’inverse.

C’est la faute du Bourque Nouveau
Un peu comme la reproduction chez les lapins sauvages, l’intérêt de la Ville pour ce qui ne concerne que la société civile survient par cycles: pendant un temps, ça tape de la patte gauche, ça saute en tous sens dans le buisson, puis ça pullule. Jusqu’à ce qu’un jour, les bêtes étant trop nombreuses dans le même buisson, la maladie s’installe et les fasse disparaître. Puis, quelques mois plus tard, ça se remet à taper de la patte.

Nous sommes donc dans un cycle d’abondance. Après le régime omnipotent et omniprésent de Jean Doré, nous avons opté pour l’ère de Bourque I, et son administration effacée à souhait.

Mais, depuis l’arrivée du Bourque Nouveau, nous revoilà repartis pour l’abondance.

Chaque mois, l’administration municipale nous annonce son intention de légiférer l’incontrôlable. Et la création d’un nouveau Service de l’Incontrôlable.
On a donc voulu réglementer les ventes de garage. Puis la pratique du squeegee. Après, ç’a été la taille, la couleur et la marque de commerce des sacs à ordures. Maintenant, c’est au tour du soulagement des chiens et de la circulation des chats.

Demain, le choix des couleurs dans les décorations de Noël et le racisme chez les nains de jardin? L’odeur des barbecues? La cigarette dans les cours arrière?

Le vide
Ainsi, un comité dirigé par le conseiller Sylvain Lachance proposait que la Ville exerce un plus grand contrôle sur la libre circulation des chats et sur l’urine des chiens!

D’abord, les chats. Pourquoi les chats? Parce qu’ils franchissent les frontières allègrement. Puis l’urine des chiens, parce que, parce que… «Parce que ça coule!», relève le conseiller de Villeray, et que ça peut endommager les arbustes et la végétation. Ah! Il a un point, là…

La Ville veut circonscrire le territoire des chats à la propriété de leurs maîtres. Va pour une escapade outre-frontière occasionnelle, mais «s’ils récidivent chaque jour, explique Lachance, la Ville devrait avoir le pouvoir de chercher à qui ils appartiennent». En cas d’échec, la Ville pourrait les capturer et les envoyer à la fourrière.

Pourquoi? Parce que les chats ont envahi la ville? Non: «Parce qu’il y a un vide juridique», poursuit le valeureux conseiller.

Un vide juridique. Le chat est sorti du sac.

Le vide juridique est au gouvernement ce qu’une tribu ghanéenne était pour les Pères Blancs au début du siècle: de nouvelles âmes à contrôler, des dîmes de plus à collecter!

Les élus n’aiment pas qu’une parcelle de pouvoir leur échappe. Ils n’aiment pas voir quelqu’un d’autre qu’eux exercer ce pouvoir – vous et moi, ce qu’on appelle la société civile.

Le vide juridique, ce n’est pas de l’antimatière dans laquelle s’enfonce le bon ordre. Le vide juridique est une imprécision que l’on adapte au gré de notre seuil de tolérance. La chatte de la voisine se tape régulièrement une sieste sur mon balcon? Ça ne me dérange pas; mais si c’était un autre chat, peut-être que si. Alors, on le fait savoir à qui de droit. Qui agira en conséquence. On appelle ça la vie en société.

A-t-on besoin de la loi pour rappeler aux gens qu’il n’est pas très respectueux de faire pisser son chien sur la pelouse du voisin?

On voit bien, avec tout ce temps perdu, qui porte les culottes à l’Hôtel de Ville: c’est le fonctionnaire. Car ces nouveaux règlements n’ont qu’un seul objectif: étendre le pouvoir des fonctionnaires. Et en augmenter l’effectif.

La Ville doublera le nombre d’agents de l’escouade canine, mettra sur pied une police de la vidange, et il ne faudrait pas se surprendre de voir un jour apparaître des gardes-minous.

Une bonne administration publique, c’est l’atteinte d’un équilibre entre l’immuabilité du fonctionnaire et le temporaire du politicien. L’un contrebalance le manque de vision de l’autre; et l’autre compense l’encroûtement de l’un.

Mais à l’Hôtel de Ville de Montréal, l’équilibre est rompu. Les élus de Bourque sont des agneaux qui se font bouffer tout rond par des loups.