Black Métal : Descente aux enfers
Société

Black Métal : Descente aux enfers

Satanisme, meurtre, suicide, cannibalisme: l’univers du Black Métal est sombre, très sombre. Afin de vous préparer à la grand-messe Black qui se déroulera au Spectrum ce jeudi soir, nous vous offrons une petite plongée dans le monde morbide de ces néo-Vikings.

Vêtements noirs cloutés, maquillage sinistre, attitude provocante, imagerie maléfique – le Black Métal, pour ceux qui en jouent et en écoutent, est plus qu’un mode d’expression, c’est une philosophie de vie, une façon de refuser les dogmes imposés par la société. Certains passent même aux actes, mettant en pratique ce qu’ils chantent:

* En 1991, Dead, le chanteur du groupe norvégienMayhem, s’est enlevé la vie. Selon la légende, le batteur du groupe se serait confectionné un collier avec des fragments de son crâne, et le guitariste aurait mangé une partie de son cerveau.

* En 1994, Euronymous, le guitariste de Mayhem, a été assassiné par Count Grishnackh, un membre de Burzum, une formation rivale.

* Faust, ancien bassiste d’Emperor, un autre groupe norvégien, a été reconnu coupable du meurtre d’un homosexuel lors des Jeux olympiques de Lillehammer, en 1996. Lorsque les policiers ont fouillé son appartement, ils ont trouvé 150 kilos de dynamite. Faust, dit-on, s’apprêtait à faire sauter une église (une activitée prisée par certains groupes black).

* Et, plus près de nous, Aner Le Châtier, chanteur du groupe Malvery de Trois-Rivières, s’est suicidé en décembre 1998.

Heureusement, les adeptes du Black n’épousent pas tous les mêmes principes et ne se sentent pas obligés de se suicider ou de faire brûler une église afin d’être reconnus comme des «vrais Black». «La philosophie black métal change d’un groupe à l’autre et d’un musicien à l’autre, lance Vargr, chanteur du quartette montréalais Shade.

«Contrairement au Death Métal, un style musical brutal et antisocial, le Black a plus d’âme, explique Vargr. Il est très imagé, il peut être satanique, païen, ésotérique, magique, ancestral, ou même intergalactique, comme le fait le groupe Covenant.»

Le look, dans l’univers black, est très important. «Pour certains, c’est tout ce qui compte, dit Olokaust, le guitariste de Shade. Ils se foutent complètement de la musique.» Vargr est d’accord: «Trop de gens mettent l’accent sur leur apparence. Ils se promènent dans la rue avec leurs vêtements cloutés et leur expression de tueur en disant qu’ils sont black. Mais leur musique est pourrie. Nous, à Shade, on n’en a rien à foutre d’avoir une réputation de tueurs. Ce qui nous tient à cour, c’est notre musique…»

«Pour moi, ce qui est important, c’est ce que je dégage sur scène et dans mes textes, dit Olokaust. Mes valeurs sont antisociales, et je n’ai rien contre l’idée de faire brûler des églises, mais je ne l’ai jamais fait personnellement.»

Le vent du Nord
D’où vient le Black Métal?

«Les groupes Black Métal des années 90 se sont inspirés des formations black des années 80 comme Venom et Bathory, explique Patrick Loisel, guitariste depuis dix-huit ans et grand amateur de métal sous toutes ses formes. En fait, le style actuel est tiré d’une chanson du groupe britannique Venom, intitulée Black Métal. Pour Venom, cette chanson qui véhiculait une imagerie satanique devait être prise au second degré; c’était une parodie, une farce. Mais tout le monde les a pris au sérieux. Au début, le Black Métal était satanique. Mais quand les fans ont réalisé que le satanisme était un sous-produit de la chrétienté, ils ont abandonné cette philosophie et se sont repliés sur la mythologie viking. Ce qui nous amène au Black Métal actuel, originaire de Norvège, de Suède et de Finlande.»

C’est en 1989 que Mayhem, le premier groupe black métal, est né. Il reprenait la recette de Venom, c’est-à-dire une musique très primitive et une imagerie satanique. Quant aux maquillages élaborés des musiciens, c’est à la fois une influence de Kiss et un rappel de leur héritage scandinave. En effet, lorsqu’ils guerroyaient, les Vikings se maquillaient pour effrayer leurs ennemis.
Avec l’arrivée en masse de groupes black norvégiens (Darkthrone, Burzum, Enslaved et Emperor), le style a évolué. «Ces groupes voulaient faire du métal effrayant et morbide, alors ils se sont inspirés de Morbid Angel (Floride), de Venom (Angleterre), de Bathory (Suède), de Kreator (Allemagne) et de Sodom (Allemagne), dit Loisel. Comme ils trouvaient que cela sonnait encore trop urbain, ils ont ajouté des ambiances folkloriques et celtiques, de même qu’une esthétique classique évoquant Wagner, Prokofiev et Grieg.»

Il est important de mentionner que les groupes black originaires de Scandinavie sont antichrétiens et qu’ils encouragent la destruction des églises pour des raisons ancestrales. En effet, au début du siècle, la religion chrétienne a été imposée à la Scandinavie. «C’est peut-être difficile à comprendre, mais les Scandinaves sont les fiers descendants des Vikings, et leur mentalité est très guerrière, lance Patrick Loisel. Ce sont des conquérants. S’ils se révoltent encore aujourd’hui, c’est que ce passé est encore tout récent pour eux.»

Philosophie et message
«Aujourdhui, les groupes black rejettent encore la religion chrétienne, mais sans l’attaquer directement, explique Patrick Loisel. Ils cherchent plutôt à explorer le côté sombre de l’être humain. Leur objectif est d’aller dans les replis les plus insondables de l’esprit humain. Tous les groupes ne sont pas maléfiques, mais ils aiment véhiculer une image guerrière et obscure, avec des ambiances féeriques, hallucinantes. C’est plus facile d’avoir un impact sur les foules de cette manière.» Cela explique aussi pourquoi les membres des groupes black utilisent des pseudonymes. «Ça leur permet de maintenir une aura de mystère…»

Quant à leur message, il diffère d’une formation à l’autre. «Toutefois, on peut dire qu’en général, les groupes black sont contre les religions monothéistes car ils considèrent qu’elles sont restrictives et dogmatiques, lance Loisel. Ils prônent un rejet de la société et un retour à la nature. C’est pour ça qu’ils sont polythéistes: un dieu pour chaque élément. Pour eux, c’est la seule façon de retrouver l’harmonie. Renouer avec notre côté primitif…»

Final Exit
Pour le groupe Malvery, le Black Métal est plus qu’un style musical, c’est un mode de vie. «Cette plongée dans le côté sombre de l’être humain est une façon de s’élever, dit Infurya le batteur. C’est l’inévitable destination de notre existence. Nous, à Malvery, nous sommes agressifs, violents, pas très aimables. C’est pour cette raison que notre principal message, c’est le suicide. Cela dit, on ne dit pas aux gens de se suicider!»

Infurya affirme que s’il n’encourage pas les gens à suivre son exemple, il est toutefois en faveur du suicide. «Aucune mort n’est meilleure qu’une autre. Le suicide est un choix personnel. Dans le groupe, on a tous fini par accepter nos émotions suicidaires. C’est pourquoi on exprime notre mal de vivre dans notre musique. D’ailleurs, c’est la musique qui nous garde vivant», assure-t-il.

Et la décision d’Aner Le Châtier de mettre fin à ses jours, est-ce que ça les a surpris? «Oui. Il en parlait souvent, mais on ne pensait pas qu’il le ferait si tôt. Nous aussi, on pense tous à se tuer, mais on veut mener le groupe le plus loin possible, faire vivre notre ancien chanteur à travers ses textes. Cela dit, je crois qu’il y a un côté positif à parler du suicide dans nos chansons. Je pense qu’en brisant les tabous, on peut contribuer à aider une personne qui a le mal de vivre. Peut-être qu’elle se raccrochera à la vie en découvrant sa propre forme d’expression.»

Quant aux membres de Shade, Vargr, Olokaust, Panzer (basse) et Erik (percussions), ils ne sont pas en faveur du suicide. «Je trouve que c’est la sortie facile des faibles d’esprit, lance Vargr. Je suis pour la force de l’esprit: quand on a touché le fond, on n’a pas le choix de remonter.»

Les membres de Shade font du black pour différentes raisons. «J’aime ce style à cause de ses éléments classiques; quand j’étais jeune, je jouais du violon», explique Olokaust.«Moi, ce qui m’attire, c’est l’aspect théâtral du black, précise Vargr. Ses concepts ésotériques et mystiques viennent me chercher. Pour ce qui est d’expliquer ma philosophie, la seule chose que je peux dire, c’est que je suis païen. Pour le reste, les gens peuvent lire mes textes. S’ils ne les comprennent pas, c’est que ce n’est pas pour eux!»

Le 15 juillet, au Spectrum, vous pourrez assister au concert black The Kings of Terror Tour mettant en vedette Emperor, Withchery, Peccatum, Divine Empire et Neuraxis. Il y aura aussi le Festival Black le 31 juillet à l’X (182, Sainte-Catherine Est), avec Shade, Ontos On, Veneficium et Septentrion.

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