«Le poisson, il n’y a aucune contre-indication pour en manger», assure le secrétaire régional du plan d’action Saint-Laurent, vision 2000, François Duchesneau. Selon lui, les éléments nutritifs qu’il contient compensent largement l’ingestion de produits toxiques. Leur concentration serait d’ailleurs en baisse constante.
Avis partagé par une épidémiologiste du Centre de santé publique de Québec (CSPQ), Claire Laliberté, qui rêve de voir les berges du fleuve envahies par les résidants de la région. Elle certifie que ces derniers peuvent déguster les poissons du Saint-Laurent sans risquer de mettre leur santé en péril. «Pour monsieur et madame Tout le monde qui veut amener sa famille pêcher, il n’y a aucun problème. En plus, c’est bon de sortir!», affirme-t-elle. Une agréable activité pour la saison estivale.
Mme Laliberté met toutefois un bémol à ses dires. En manger quelques fois par mois, ça va. Mais pas tous les jours. «Le danger croît avec l’usage», précise-t-elle. Tout est donc question de fréquence de consommation mais, aussi, du type de poisson que l’on capture.
Plus on remonte dans la chaîne alimentaire, plus les risques de contamination sont importants puisque le mercure, les BPC, DDT et autres substances nocives des mêmes familles sont bio-accumulables dans la chair ou les graisses. Il faut donc choisir ses prises. Truites, morues, flétans, soles seront privilégiés aux dorés, brochets et achigans, quoique l’on puisse en manger à raison de deux fois par mois.
Notons toutefois que les femmes enceintes ne devraient en aucun cas manger de poisson du fleuve. Le fotus humain est sensible et peut facilement être affecté par les substances chimiques. Néanmoins, les concentrations étant de plus en plus minimes, il n’y a pas de danger pour les autres.
Certains ont déjà compris le potentiel récréo-touristique que représente la pêche sportive dans les eaux du fleuve. C’est le cas notamment de la Corporation pour la restauration de la pêche à l’île d’Orléans, un organisme sans but lucratif qui a recensé une trentaine d’espèces de poissons à proximité de Saint-Laurent. Un tournoi annuel y est même organisé. Un peu moins d’une centaine de mordus de l’hameçon s’y donnent rendez-vous les 7 et 8 août. De plus, en tout temps, il est possible d’assister au recensement des prises du navire de pêche de l’organisme et de taquiner le poisson.
Rivages = inaccessibilité
Malheureusement, que ce soit pour la pêche ou pour toute autre activité, les rivages du Saint-Laurent sont loin d’être facilement accessibles à la population, surtout à Québec. Le comité Zone d’intervention prioritaire Québec-Chaudière-Appalaches (ZIP) tente par tous les moyens de renverser la vapeur. «Sur la rive nord, il y a des contraintes majeures car la majorité des berges ont été enrochées», déplore la directrice, Hamida Hassein-Bey.
Les principaux sites vers lesquels lorgne le ZIP sont la plage Jacques-Cartier, les battures de Beauport et l’Anse-aux-Foulons. Et, comme si le sort devait s’acharner sur les citoyens qui voudraient profiter de ces plages naturelles, elles sont parmi les plus polluées. Des tuyaux de rejet des eaux usées, les fameux émissaires, y déversent régulièrement des contaminants, surtout en temps de pluie.
En fait, aucun secteur du fleuve n’est encore propice à des activités balnéaires. On se limite donc, pour l’instant, à la pêche et au bronzage. «Tant qu’il n’y aura pas de correctifs importants relativement aux eaux de débordement, ça va toujours être à risque», souligne un biologiste et agent de recherche du CSPQ, Denis Gauvin.
Bien que quelques irréductibles de la baignade profitent de la belle saison pour se saucer dans le Saint-Laurent, on ne peut garantir que des impacts sur la santé ne se feront pas sentir. Les échantillonnages effectués par M. Gauvin entre Saint-Augustin et Sainte-Anne-de-Beaupré révèlent tous un dépassement des limites permises. Une exception: le bassin Louise qui pourrait être aménagé si la volonté populaire et municipale était de la partie. On croirait entendre le meneur de la Société des gens de baignade de Québec, Léonce Naud, qui réclame depuis longtemps une plage au bassin Louise.
Demain, la baignade
M. Gauvin précise cependant que plusieurs secteurs seront propices à la baignade sous peu puisque les tests ne sont positifs qu’à la suite d’averses. Au nombre des plus prometteurs, Saint-Laurent, sur l’île d’Orléans, là où l’on pêche allègrement. «On n’est pas loin du jour où on pourra retourner au fleuve», lance-t-il, confiant que le rêve deviendra réalité. Québec, ville de plages de sable fin, c’est donc pour bientôt si on en croit les résultats obtenus.
Un seul irritant devra être éliminé, et le tour sera joué. Promis par le gouvernement à la fin des années 60, des bassins de rétention devront être aménagés. C’est tout. Un gros tout néanmoins évalué à 150 millions $. Mais, c’est tout de même moins de 1 % du PIB de la région. Une aberration, selon Mme Hassein-Bey.
À la Communauté urbaine de Québec, on est tout aussi découragé de l’attitude gouvernementale dans le dossier. «Actuellement, ils [le gouvernement] ont d’autres chats à fouetter [entendre les infirmières]. Mais, il va falloir qu’ils retombent sur leurs pattes», dénonce le président, Denis Giguère.
«Ça nous choque un peu car ce n’est pas achevé», amplifie le conseiller municipal responsable du dossier à Québec, Claude Cantin. Il est d’autant plus désolé que la CUQ est prête à verser sa part. Membre de la Société de développement économique du Saint-Laurent, il reconnaît également que des aménagements seraient possibles et que les Nordiques que nous sommes pourraient s’en donner à cour joie. Par ailleurs, cela permettrait de développer encore plus le potentiel touristique de la région. Un apport non négligeable.
Il n’a pas été possible de joindre le ministre de l’Environnement et responsable de la région de Québec, Paul Bégin, pour obtenir des précisions.