Le Centre communautaire des gais et lesbiennes de Montréal dévoilera sous peu la construction d’un édifice abritant des dizaines d’organismes à but non lucratif. Un projet d’investissement évalué à cinq millions de dollars qui contribuera à redorer la mine du Village et du Centre-Sud.
«Nous sommes sur le point de lancer la plus grande levée de fonds jamais réalisée au sein de la communauté gaie au Québec», annonce fièrement Gaétan Longpré, président du Centre communautaire. 25 000$ ont même déjà été investis par la Corporation de développement économique et communautaire locale pour les études de faisabilité et la préparation de la campagne de financement. «C’est quatre fois plus difficile pour un organisme gai d’aller chercher des dons, justifie M. Longpré. Ce ne sont pas tous les gens d’affaires qui aiment avoir des reçus d’impôt où le mot "gai" est inscrit en grosses lettres…»
D’ici quelques semaines, toutefois, on sera prêt à faire face à ces difficultés. Car le projet du Centre communautaire ne représente pas seulement cinq millions de dollars de béton. Le premier objectif de l’édifice est de mettre fin aux incessants déménagements que subissent les organismes, toujours relocalisés quand leur propriétaire trouve un locataire plus payant. Jeunesse Lambda, par exemple, a vécu cette situation quatre fois en cinq ans!
Mais il y a plus. «On veut donner encore plus de vitalité à la communauté, dit M. Longpré. Les organismes fonctionnent, mais avec peu de moyens. Le regroupement permettra d’offrir des services d’organisateurs communautaires, de renforcer les liens entre les groupes et de développer de nouveaux services.»
À ce chapitre, il y a déjà des propositions, entre autres celle de Jeunesse Lambda de créer une Maison de jeunes. Depuis quelques années, cet organisme reçoit de plus en plus d’adolescents qui veulent briser leur solitude, mais aucun service permanent n’existe pour eux, encore moins un lieu de rassemblement. «C’est une des idées les plus prometteuses pour notre projet, raconte M. Longpré. Avec celle de créer un espace culturel et de création pour les artistes gais.»
Avant de ficeler le tout, il faut toutefois réussir à amasser les fonds nécessaires à la construction. Mais le président du Centre est clair: «Nous espérons vivre de nos propres revenus et ne pas dépendre des subventions. C’est pour ça que notre projet comporte quatre étages de locaux. Le premier pour des commerces, le deuxième pour des bureaux, ce qui permettra de financer, à terme, les deux autres étages loués à prix modique aux organismes.»
On ne s’attend évidemment pas à ce que les cinq millions nécessaires pour la construction proviennent exclusivement de la communauté. Monsieur Longpré souhaite que le gouvernement provincial, qui a déjà mis plusieurs millions dans d’autres centres communautaires à Montréal, appuira le projet.
Pour l’instant, les efforts sont toutefois mis du côté de la Ville de Montréal. On espère en effet que le gouvernement fédéral annoncera un programme tripartite à l’automne. «Ce programme est géré par les municipalités, explique le président du Centre; il suffit donc que la Ville annonce qu’elle y met un million, par exemple, pour que le provincial et le fédéral versent la même somme. Ce qui nous permettrait de sauver du temps…» En attendant, les gens du Centre se préparent pour leur rencontre de la mi-août avec le maire Bourque, qui s’est dit enthousiasmé par le projet…
«Jusqu’à maintenant, tous nos échéanciers ont été respectés. Ce ne serait donc pas illusoire de penser que la première pelletée de terre se fera le printemps prochain et que l’édifice sera prêt pour l’automne 2000», estime M. Longpré. Pour l’instant, on parle en effet de construire à neuf.
Actuellement, on ne peut confirmer où le Centre sera situé exactement. Mais la Société de développement SIDEV est sur le point d’acheter les trois terrains non développés rue Sainte-Catherine, entre Wolfe et Amherst. La direction du Centre n’a rien voulu confirmer, se bornant à dire que cette option n’était pas la seule et qu’il y avait d’autres gens d’affaires intéressés…
La renaissance du Ouimetoscope?
Outre ce projet, Voir a eu la confirmation de trois autres investissements dans le Village. En effet, tous les importants sites vacants ont été vendus au cours des dernières semaines. Deux groupes se font la lutte dans le secteur. D’une part, la Société de développement SIDEV, avec son intention de s’associer au Centre communautaire et l’achat récent de l’édifice de la Banque Nationale, rue Wolfe, situé à deux pas du terrain convoité par l’organisme gai. Sam Bénatar, de SIDEV, a reconnu avoir déjà signé un bail avec la librairie Renaud-Bray, pour le premier étage de la Banque, et avec l’Opéra de Montréal, pour les bureaux du haut.
D’autre part, le Groupe MK a conclu l’achat du Ouimetoscope et de la Station C (l’ancien bar KOX). Pour cet imposant édifice, rien n’est encore décidé, mais nous avons appris que le partenaire du Groupe pour cet achat était le fabricant de vêtements Point Zéro. Quant au Ouimetoscope, première grande salle de cinéma construite en Amérique du Nord, son avenir semble plus clair. Des travaux seront entrepris d’ici l’hiver pour reconstruire entièrement la façade et rénover l’intérieur. Il y aurait même des discussions avec une grande firme multimédia, selon le Groupe MK.
Ces douze derniers mois, plusieurs nouveaux commerces se sont installés dans le Village, ce qui a amené la rénovation de locaux vacants. L’édicule de la station de métro Beaudry et son parc ont aussi été revampés. Les projets du Centre communautaire, de SIDEV et du Groupe MK viennent confirmer que la revitalisation de la rue Sainte-Catherine Est continue à s’opérer. Mais il manque encore un joueur important pour faire changer en profondeur l’image de ce secteur: la Ville. Le mobilier urbain, comme les bancs et les poubelles, est en mauvais état, et il ne reste pratiquement plus d’arbres dans la rue.
Ces dernières années, Montréal est devenue l’une des destinations gaies les plus courues de la planète. La Ville aurait donc intérêt à appuyer le projet du Centre communautaire.