Société

Droit de cité : Des BPC dans notre cour

Tout de même curieux: dans un mois, les autorités municipales pourront dépêcher les huissiers chez vous, parce que vos enfants auront jeté, à votre insu, trois malheureuses canettes de V-8 dans le sac à ordures, plutôt que de les ranger soigneusement dans le bac vert après les avoir rincées à La Parisienne et les avoir immunisées contre toute infection microbiologique.
On pourra saisir votre vélo (moyen de transport écologique par excellence) tout simplement parce qu’un soir de picole, vous aurez lancé par mégarde des bouteilles de vin dans la poubelle.

Comme dirait la belle Annie dans son maillot: à Montréal, la vie est un sport dangereux.

C’est d’autant plus curieux que, dans certains quartiers de Montréal, gisent peut-être des BPC abandonnés. Et ce, EN TOUTE IMPUNITÉ.

Enfin, pas tout à fait, mais c’est tout comme.

Les autorités qui sont prêtes à vous harceler pour deux, trois bouteilles sont les mêmes qui se disent impuissantes face à ces propriétaires de BPC, parce qu’ils sont soit en faillite, soit fauchés comme des clous, soit disparus dans la nature.

Résultat: des BPC sont laissés à leur propre sort à un jet de pierre de votre cour arrière.

L’effroyable Chose
C’est l’inquiétante découverte que nous avons faite la fin de semaine dernière, avec cet incendie qui a détruit une vieille manufacture sous le pont Jacques-Cartier. Les murs effondrés et, boooh!, l’effroyable Chose était là, cachée dans une voûte qui, une fois minée et à la vue de tous, était tout aussi à l’abri du feu qu’une bûche dans un poêle à combustion lente.

Nous avons percé la réalité des BPC en ville, mais justement, dans cette foutue réalité, nous n’avons rien découvert, parce que nous ne savons pas s’il y a d’autres endroits en ville où d’autres BPC reposent dangereusement. Le ministère fédéral de l’Environnement affirme qu’il existe quinze sites de BPC à Montréal; celui du provincial, trois ou quatre.

La liste des quinze endroits où seraient entreposés des BPC sans surveillance sur le territoire de la Ville de Montréal, telle qu’établie par le ministère fédéral de l’Environnement et le Service de prévention des incendies de Montréal (SPIM), n’est pas d’intérêt public. En effet, tant Environnement Canada que le SPIM refusent de la rendre publique. Raison: si cette liste était connue, des vandales pourraient mettre le feu aux sites.

Devant cette forme de prévention, doit-on laisser tomber nos polices d’assurance?

Si les ministères de l’Environnement étaient responsables de la sécurité aérienne, il y a longtemps qu’on aurait creusé un tunnel sous l’Atlantique. «Les avions tombent comme des mouches? Ne vous en faites pas, nous avons d’excellents récupérateurs de débris!»

Un peu plus préventif, et vous vous retrouvez à la tête de la sécurité du transport ferroviaire en Inde.

Savez-vous ce que ça fait, des BPC qui brûlent à Montréal? Ça fait Saint-Basile-le-Grand multiplié par cent. Ça produit des dioxines et des furannes; des produits cancérigènes qui peuvent potentiellement contaminer 1,5 million de personnes à la ronde.

Pas seulement les citoyens qui habitent le territoire de la ville de Montréal. Mais aussi ceux qui demeurent à Verdun, Westmount, Longueuil, Laval…
C’est ce qui est bien avec les dioxines et les furannes émanant de BPC en fusion: ils contaminent sans discrimination, riches comme pauvres, sans égard non plus à la quote-part des municipalités dans le budget du Biodôme ou du métro… Quoique, par divers concours de circonstances qu’on appelle communément «les travers de l’Histoire», il y ait plus de risques qu’ils tuent sous le seuil de pauvreté qu’au-dessus, tout simplement parce que les usines abandonnées ont tendance à se situer à proximité des pauvres: Pointe-Saint-Charles, Hochelaga-Maisonneuve, Petite-Patrie, Saint-Henri…
De toute façon, peu importe, car ce n’est pas l’autoroute Ville-Marie qui va stopper un panache de fumée en provenance de Saint-Henri vers les hauteurs de Westmount, tout juste à côté. (À une autre époque, les Westmountais avaient voulu garder les domestiques à proximité. Ils en paient aujourd’hui le prix. Ça doit être ça, la justice de la Main Invisible.)

Les fleurs de la canicule
Deux – non, trois morceaux de robot au fonctionnaire qui a réussi à convaincre ses supérieurs de garder les piscines ouvertes jusqu’à minuit lors de la canicule de la semaine dernière.

S’cusez-moi, mais je n’étais pas là pour souffrir avec vous. Mais si j’ai bien compris, dans cette ville où l’on crie à la canicule chaque fois que le mercure marque vingt degrés, la mesure a été bien appréciée. Rafraîchissant!