Société

Droit de cité : La démocratie du mortier

La «manière Bourque» de développer la ville est un véritable Vitagrow pour l’action politique communautaire, les mouvements «racines de gazon» (grass roots movements) si prolifiques chez nos voisins du Sud. En fait, on pourrait dire que ça pousse comme des champignons.

En effet, chaque semaine, les annonces de nouveaux projets immobiliers se multiplient, comme les pissenlits en mai.

La raison en est fort simple: l’économie va bien.

(Ailleurs, ça va encore mieux. À Toronto, par exemple, ça roule à un train d’enfer. Ici, ça ressemble plutôt au Petit Train du Nord. La construction résidentielle, comme la commerciale et l’industrielle, bat des records dans la Ville-Reine. Nous ne vous expliquerons pas pourquoi, parce que ce serait long, fastidieux et très ennuyeux. Pour comprendre le phénomène, allez plutôt lire la chronique de Claude Picher. Il va vous expliquer ça, lui. C’est pas une chronique économique, ici!)

Donc, ça va bien à Montréal.

L’impact le plus direct de cette croissance – et de la stratégie économique de l’équipe Bourque/Fortier – est d’abord et avant tout social.

Soudain, des citoyens se sont découvert des voisins. Soudain, ils ont le goût de jouer leur rôle de citoyens. C’est un plus pour la démocratie! Car la participation populaire est l’ingrédient numéro un de toute action démocratique.

À Montréal, ce n’est pas compliqué: à chaque projet, son groupe d’opposants. Un projet de condos et hop! ça sort des chaumières.

Pourquoi? Parce que tous les promoteurs immobiliers à Montréal sont des ratoureux? Pas nécessairement. C’est juste que les citoyens de Montréal ne font pas confiance à la démocratie de mortier de l’administration municipale. Une démocratie qui s’exprime à coups de briques et de truelles.

«Cette ville a trop souffert de sous-développement», répète sans cesse Pierre Bourque. (Ça, c’est vrai.) «Et ce n’est pas une bande de mécontents, qui sont jamais contents de toute façon, qui va nous empêcher de développer cette ville.»

C’est là que ça touche là où ça fait mal. Pas le temps d’attendre, ni de le regarder: le train du développement passe à 7 h, et à 7 h 01, il sera trop tard, nous dit Bourque.

C’est ça, la démocratie de mortier: vos gueules, les mouettes, on construit! Et c’est avec la démocratie de mortier que sont apparus l’ancien édifice de l’École de technologie supérieure, l’Institut d’hôtellerie, le Palais des congrès, le palais de justice, les tours d’habitations autour du parc La Fontaine…

De deux choses l’une: soit que la Ville est paranoïaque, ou bien complètement vendue à la cause des développeurs. Parce qu’au fond, tout ce que les citoyens veulent, c’est être rassurés. Pas arrêter le développement. Avoir la preuve que le projet, dans sa version finale, n’est pas une aberration. Après, la vie continuerait.

Le cas du projet Atwater
Parmi les dizaines de cas de contestation par les citoyens, il y a celui situé près du marché Atwater.

Des citoyens, mais surtout l’opposition, tentent par tous les moyens d’arrêter la machine qui permettrait la construction d’un complexe commercial et résidentiel. À tout le moins, le temps d’en fouiller les tenants et les aboutissants. Voir, par exemple, si le marché Atwater est menacé, ou, au contraire, si le projet est viable compte tenu du voisinage avec le marché Atwater.

Dans ce cas-ci, l’opposition a tenté de mêler les cartes: elle attaque la crédibilité du projet Atwater, en l’associant au présumé conflit d’intérêts de Gerry Weiner, le conseiller de Pierre Bourque contre lequel pèse toujours une enquête de la SQ.

Qu’il y ait conflit d’intérêts ou non, cela ne change rien à la valeur du projet. Que Vision Montréal soit amicalement intéressé au projet ne le rend pas plus, ni moins, intéressant.

Il faut le juger d’abord au mérite, et oublier les intrigues de palais. Quant au conflit d’intérêts présumé, comme dirait l’ami Fidel au bien nommé sauteur cubain Sotomayer (celui qui a confondu coke et poudre antigratouille Gold Pound aux Jeux Panam): «Il y a sûrement une explication, p’tit.»

Mais en attendant l’explication, voyons d’abord le mérite. Il y en a sûrement, du mérite, sinon comment expliquer l’empressement de la Ville à accepter cet autre ensemble condos/commerces? Ah oui! le conflit d’intérêts… On s’en fout pour le moment, je vous dis. Présentement, il y a des gens bien plus compétents que nous qui scrutent la chose – comme la SQ.

Mais le projet, lui, est-il bien? Mystère et boule de gomme.

Paraît-il qu’on le saura à l’usure, puisque la Ville – enfin, la commission de développement, qui est monopolisée par les conseillers de Vision Montréal – l’a accepté sans plus de discussions.

On l’attend avec une brique pis un fanal.