La rentrée au Québec : L'automne sera chaud!
Société

La rentrée au Québec : L’automne sera chaud!

Cet automne, des militants de tous les horizons se préparent à faire la lutte au néolibéralisme, à la mondialisation et au gouvernement provincial. L’heure des sacrifices est passée, on veut le meilleur des mondes pour célébrer l’arrivée du nouveau millénaire. Sept brasseurs de cages nous font leurs prédictions…

Monique Richard
Présidente de la CEQ
«Effectivement, l’automne sera chaud! Nous faisons un bilan très négatif des premières négociations avec le gouvernement. On ne sent pas qu’il règne un climat de discussion; en fait, il n’y a pas d’écoute de la part de Québec…

Nous avons commencé à mobiliser nos forces dans les collèges et dans les commissions scolaires; et nous envisageons de recourir à la grève, si nécessaire.

Actuellement, nous boycottons plusieurs comités de travail gouvernementaux. Une chose est sûre, nos actions iront en s’intensifiant! Cette semaine, nous rencontrons d’ailleurs les autres centrales afin de préparer un éventuel front commun.

Cet automne, plusieurs autres dossiers d’importance seront discutés en commissions parlementaires: la réforme du travail, les clauses discriminatoires pour les jeunes, le rapport Proulx sur la laïcité des écoles, la baisse des impôts…

Pour ce qui est des impôts, c’est un enjeu majeur sur lequel nous interviendrons. Les services sont dans un état pitoyable, on l’a vu cet été avec les Centres Jeunesse, entre autres. Il faut réinvestir dans nos services!»

Léo-Paul Lauzon
Titulaire de la Chaire socioéconomique de l’UQAM
«Un automne plus chaud? Les gens sont réfrigérés! Je dirais plutôt qu’on doit se dégeler. Il est temps qu’on sorte de notre torpeur. Ça fait quinze ans qu’on laisse nos gouvernements démanteler nos services sociaux. On les a laissés faire sans même bouger le petit doigt. Il faut arrêter l’hémorragie dans nos services!

On a vu ce que ça donnait, la concertation et le partenariat! Si le moindrement tu n’es pas d’accord avec le patronat, on dit que tu cherches la confrontation! Même les éditorialistes ont condamné la grève des infirmières, c’est incroyable!

J’espère qu’il y aura de la confrontation cet automne, quoique j’aie des doutes… S’il le faut, je vais faire brûler tout un rack de lampions, et des gros à part de ça, pour que les grandes centrales bougent un peu. Si elles ne le font pas maintenant, dans quinze ans, elles n’existeront plus. Tout le monde sera devenu temporaire ou pigiste!

Brasser la cage dans une société démocratique, c’est sain. S’il y a de la confrontation cet automne, c’est qu’on aura enfin un automne normal.»

Daniel Baril
Président de la Fédération étudiante universitaire du Québec
«Ce qu’on veut, c’est que le gouvernement réinvestisse dans l’éducation, surtout pour embaucher de nouveaux professeurs et pour remettre les services en état. Le ministre Legault en est à sa première rentrée scolaire; l’automne sera crucial pour lui, il faudra qu’il livre la marchandise. Ses premiers réinvestissements, il les a faits en informatique… Nous espérons fortement qu’il ne deviendra pas le ministre de l’Éducation et du Commerce!

Puis, il y a la préparation du Sommet de la Jeunesse qui sera un rendez-vous très important. Nous venons de lancer une coalition de vingt-cinq organismes, Concertation Jeunesse, pour s’assurer que personne ne détourne ce sommet en faveur de ses propres intérêts.

Et naturellement, il y a le dossier des négociations dans le secteur public. Les étudiants et les syndiqués ont les même priorités en éducation, on est donc prêts à les appuyer…
En tout cas, ça va bouillir cet automne! Beaucoup de gros enjeux d’envergure nationale seront débattus. Si le gouvernement ne fait pas ce qu’il faut, il pourrait faire face à de véritables tornades!»

Henri Massé
Président de la FTQ
«Des votes de grève ont été pris un peu partout, c’est déjà pas mal turbulent! Ça fait une dizaine d’années qu’on n’avait pas vu ça… Les gens sont très réveillés, surtout dans le secteur public, où rien ne semble vouloir avancer depuis un an. On va certainement vivre des journées de grève!

Dans le privé aussi, il y a de l’effervescence. Je n’ai jamais vu autant de votes de grève. Normal: les entreprises font des bénéfices, il était temps que les travailleurs en profitent.

Une lutte se prépare dans l’industrie du vêtement où le gouvernement veut faire sauter certains décrets. S’il réussit, on ne pourra même plus faire respecter les normes minimales du travail dans ce secteur!»

Philippe Duhamel
Membre du noyau dur de l’Opération Salami
«Effectivement, ça va chauffer, surtout dans le monde syndical. C’est la raison pour laquelle on a décidé d’offrir à tous ceux qui sont intéressés des formations de désobéissance civile. C’est un outil important que nous devons tous maîtriser! En quinze ans, le monde autour de nous a changé, il faut donc faire évoluer nos moyens de pression.

On lance aussi une tournée pan-québécoise sur le thème de la mondialisation. Cet automne, on discutera du libre-échange à Toronto, et de l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (l’AMI) à Seattle, lors d’une réunion de l’Organisation Mondiale du Commerce. Pour cet événement, on prévoit mettre en branle une caravane de protestation, destinée à créer des alliances en vue de bâtir un mouvement international de citoyens pour résister aux abus de la mondialisation.

Si les syndicats réussissent à mettre de côté leurs intérêts corporatistes pour fonder des alliances avec les autres mouvements sociaux, l’automne sera très chaud. Il faut récupérer pouce par pouce ce qui nous a été volé durant les quinze dernières années! Pour ça, il faut serrer les rangs, sinon on assistera à une série de «grèvettes» sans lendemain…»

Marc Laviolette
Président de la CSN
«Les deux tiers de nos membres sont en négociation cette année. Les gens veulent leur part des richesses, car il y en a, de la richesse! La CSN a fait des gains cet été pour les ambulanciers, pour les travailleurs de l’hôtellerie et pour les employés de La Ronde, ce qui constitue une belle victoire pour les jeunes…

De la façon dont c’est parti, oui, l’automne sera chaud. Premièrement, il y a les négociations dans le secteur public à compléter. Puis toute la question des emplois précaires – ce qui représente la moitié des emplois dans ce secteur! Ça fait sept ans que nous sommes en période de croissance économique, les gouvernements font des surplus, c’est donc normal qu’on demande des augmentations de salaire. Nos membres sont prêts à faire ce qu’il faut pour que ça bouge! Ça risque de brasser…

Il y a aussi la question des surplus budgétaires, autant à Québec qu’à Ottawa, où les dits surplus sont financés par la caisse de l’assurance-chômage… Puis il y la réforme des lois du travail. On espère que le gouvernement fera preuve de courage. Il faut interdire les clauses orphelin et empêcher que la sous-traitance ne serve qu’à faire baisser les salaires.»

Françoise David
Fédération des femmes du Québec
«Cet automne sera plus chaud que celui de l’an dernier, ça c’est sûr! Nous suivrons plusieurs dossiers de près, comme celui de la possible réduction des impôts. Dans ce dossier, le lavage de cerveau est bien commencé, surtout dans les médias! Les gens qui sont pauvres n’en profiteraient pas du tout, il y a donc tout un débat à faire sur l’équité… J’espère que ce débat occupera l’espace qu’il mérite.

Il y a aussi le dossier sur l’école laïque. Lors de notre dernière assemblée générale, nous avons unanimement décidé d’appuyer ce concept.

Mon inquiétude, c’est que les négos du secteur public prennent toute la place, et que des débats importants soient totalement occultés. Ces dossiers ne sont pas aussi spectaculaires que le «psychodrame» d’une possible grève, mais ils sont tout de même majeurs… Le souhait que j’aurais à faire, c’est que, dans tout ça, on n’oublie pas ceux qui sont les plus mal pris dans notre société. Que la solidarité se construise entre les syndiqués et les autres travailleurs. Là, on aurait un automne intéressant!»