Identité sexuelle : Où y a du gène, y a pas de plaisir
Société

Identité sexuelle : Où y a du gène, y a pas de plaisir

Pour certains scientifiques, l’identité sexuelle est acquise. Pour d’autres, elle est innée. Deux théories, une même tentative de désamorcer le désir. Et si la vérité se situait ailleurs, entre les deux ou au-delà?

À lire les nouveautés des rayons de librairies ou les articles de magazines populaires, on comprend tout de suite qu’on n’évacuera pas de sitôt le dualisme corps-esprit. Inné par-ci, acquis par-là, le vieux fond métaphysique qui persiste en chacun de nous ne cesse de se manifester – grâce, entre autres, aux nouvelles découvertes sur le génome.

Pas une semaine ne passe sans qu’on ne découvre le gène de ceci, le gène de cela (gène de la criminalité, de l’intelligence, de la timidité, de l’homosexualité…). Ça semble sans conséquences et, pourtant, chaque fois qu’un chercheur débarque avec un nouveau gène, il installe aussitôt le Winnebago de son idéologie.

Prenez l’intelligence: celle des Blancs, celle des Noirs, celle des Jaunes. Il est où, le gène du génie? Souvent chez celui qui le découvre. L’orientation sexuelle aussi. Ça fait l’affaire de qui d’affirmer que la préférence sexuelle est d’ores et déjà programmée à la naissance? Même chose pour le reste des attitudes et des habitudes de la vie courante.

Malgré ses airs «objectifs», la science est un bouillon de culture idéologique.

La course aux profits
Il y a une quinzaine d’années, la mode était à l’épistémologie, à la dénonciation des souris cachées et des intentions politiques malveillantes dans les schèmes de recherche. Aujourd’hui, fascinés que nous sommes par la perspective de remplacer Dieu, nous ne jurons que par le génome, nous voulons croire que le corps est une machine, et la société, un concessionnaire. À qui cette idéologie profite-t-elle?
Chaque fois qu’un scientifique tombe sur un os intéressant, il y a quelqu’un près de lui pour imaginer la chair des applications bénéfiques qu’on appliquera tout autour.

On pense tout de suite au commerce, aux profits. On ne prend plus de recul, on se lance dans le commerce à corps perdu, comme c’est le cas avec les aliments transgéniques. Certes, des philosophes réfléchissent aux impacts de ces inventions. Mais avez-vous vu à quelle vitesse ils pensent, les philosophes? Alors, on ne prend pas le temps de les écouter , et on passe tout de suite au stade de la mise en marché.

La vraie tolérance
Certains scientifiques ont trouvé un os en or, et ils sont prêts à tout pour nous le faire avaler: la génétique. Selon eux, la génétique a réponse à tout, et résout tous les problèmes.

Prenons l’exemple de la «cause» de l’homosexualité – une question qui chatouille plein de gens, du côté gai comme du côté straight. Pour les tenants de la génétique, l’identité sexuelle est une affaire de gène. Il y a une différence très claire entre les gais et les straights, et cette différence est physiquement déterminée, elle s’affirme à la naissance.

De l’autre côté du spectre, on trouve les tenants de l’acquis. Pour eux, la détermination biologique n’existe pas: l’identité sexuelle est exclusivement affaire de culture. On ne naît pas gai, on le devient.

(Notons le cul-de-sac dans lequel se retrouvent les militants gais selon qu’ils souscrivent à l’une ou l’autre théorie. L’homosexualité est causée par un gène? Les fachos militent pour l’identification des dégénérés à la naissance. L’homosexualité est acquise? Les fachos en appellent à la thérapie, sous prétexte que les homos peuvent changer. D’un côté comme de l’autre, les gais sont – pardonnez le jeu de mots – baisés.)

À première vue, ces théories sont situées à l’opposé l’une de l’autre. Mais dans le fond, elles visent le même but: gommer la différence en tentant de l’expliquer scientifiquement. Mettre fin au mystère. Affirmer que nous sommes finalement tous pareils: déterminés par nos gènes ou par notre environnement.

Or, la tolérance ne consiste pas à voir de la ressemblance partout, à poser des ponts entre ce que tu es et ce que je ne suis pas, mais plutôt à accepter mon contraire, à le reconnaître comme tel, sans lui nier une place identique à la mienne dans la société. Je ne suis pas gai, je ne suis pas noir, je ne suis pas une femme. Je suis quelqu’un d’autre, mais cet autre reconnaît tout de même le plein droit des gais, des Noirs ou des femmes à participer à l’édification des liens sociaux.

En fait, les tenants de l’acquis et ceux de l’inné veulent tous les deux «embouteiller» le désir, le désamorcer. Or, le désir échappe à ces tentatives d’étiquetage. Il est l’expression la plus parfaite de l’unité entre ce qu’on appelle le corps et ce qu’on appelle l’esprit. Toujours, il a questionné Dieu. Il a fait son nid de l’unité parfaite entre le corps et l’environnement. Il ne sera jamais contenu dans un gène, pas plus que dans une théorie sociale.

Alors, si on se calmait un peu?
Si, entre hasard et nécessité, on avait l’humilité de penser qu’on est très loin de la vérité, que l’être humain est d’une telle complexité que les découvertes les plus pointues de la génétique et de la psychologie sont encore du b. a. – ba, on s’éviterait probablement certains problèmes, dont celui de mettre du gène où il y a du plaisir.