Société

Méchante langue

Le Sommet de la francophonie s’est déroulée dans la vénérable ville de Moncton. Nous ne sommes pas les seuls à penser que si Ottawa a choisi de tenir ce sommet à Moncton, c’est moins dans le but d’affirmer l’identité culturelle acadienne que de servir un objectif politique inavouable: banaliser les aspirations nationalistes de deux millions de francophones en les diluant parmi quelques milliers d’Acadiens et quelques Autochtones plus ou moins bilingues.Souffrant peut-être secrètement du syndrome de l’imposteur, peu avant le sommet, Jean Chrétien a rappelé que lui aussi «était un Québécois réélu une bonne douzaine de fois dans Shawinigan». Il fait bien de le répéter aux francophones du Québec car cette légitimité première est peut-être sa plus importante, sinon la seule qui soit absolument défendable.Jouons avec notre chiffrier. Aux élections de 1997, 1 342 667 Québécois ont voté pour le Parti libéral du Canada _ moins que ce que recueillait le Bloc. Au Québec, 586 430 Québécois déclarent ne parler que l’anglais, 667 680 affirment avoir pour langue maternelle autre chose que le français ou l’anglais. Si l’on additionne ces deux chiffres en considérant sans trop se tromper_ qu’une écrasante majorité des anglophones du Québec votent en masse compacte pour le Parti libéral;_ qu’une grande majorité d’allophones penchent aussi instinctivement dans le même sens;_ qu’outre les Conservateurs, les autres partis politiques fédéraux n’ont recueilli que des grenailles ici durant les dernières élections;on peut se demander si, au Québec, plus de trois cent mille francophones ont pu voter pour l’actuel gouvernement canadien en 1997. Question légitime lorsqu’il s’agit de représenter uniquement les francophones; si ma mémoire est bonne, on en a fait taire qui avaient de meilleurs scores que ça.