Manifestation d'élèves : La lutte des classes
Société

Manifestation d’élèves : La lutte des classes

Des milliers d’élèves quittent massivement leurs classes et improvisent une manifestation. Geste politique ou congé impromptu?

Le mouvement en a pris plus d’un par surprise: jeudi dernier, des milliers d’élèves du secondaire de la région de Québec ont séché les cours pour manifester. Officiellement, ils sont descendus dans la rue pour crier qu’ils ne voulaient pas faire les frais du conflit qui oppose le gouvernement au corps professoral. Selon le ministre de l’Éducation, des professeurs auraient incité les élèves à descendre dans la rue. Pendant que la CEQ démentait les accusations, différents intervenants du milieu scolaire s’empressaient d’atténuer la dimension politique du mouvement. Les élèves sont-ils sortis pour le trip ou pour manifester un réel désaccord?

«On est sortis parce que tout le monde sortait, lance d’emblée Simon, de l’école Joseph-François-Perreault; mais aussi parce que les professeurs font des pressions et c’est nous autres qui en souffrons.» Kim Vallières, présidente du conseil étudiant de La Camaradière, n’est pas d’accord. «Il y en a qui disent que c’était pour appuyer les profs, mais dans 90 % des cas, c’était pour avoir une journée de congé», lance-t-elle sans ambages. Elle précise d’ailleurs que les élèves n’avaient pas de véritables raisons de manifester puisque très peu d’activités parascolaires sont réellement remises en question.

De toute évidence, l’information circule mal dans certaines écoles. Le bal des finissants aura-t-il lieu? Offrira-t-on des périodes de récupération? Oui? Seulement une, ou trois comme d’habitude? Alexis, Alexandre et Simon, de l’école Joseph-François-Perreault, ne s’entendent pas tout à fait. Cela n’empêchera pas le mouvement de protestation de se poursuivre. Selon Alexandre, une pétition contre le boycott des activités parascolaires par les professeurs a été lancée par un élève de son école et circule dans d’autres polyvalentes de la région.

Au fait, comment quatre mille élèves ne disposant d’aucune structure de coordination ont-ils pu agir de façon apparemment concertée? «Ça se discutait depuis quelques jours», laisse tomber Alexis. Selon Kim Vallières, il suffit que deux ou trois personnes lancent une chaîne téléphonique qui passe d’école en école; en moins de deux, tous les élèves sont au courant et attendent le signal. Les plus courageux sortent les premiers et incitent les écoles voisines à faire de même. «À mon école, ajoute Kim, il y avait aussi des papiers qui se passaient et qui disaient qu’il y avait une grève jeudi.»

Les professeurs n’ont donc rien à voir dans l’histoire? «Ils ne nous ont pas incités, mais ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas nous en empêcher. Ils nous laissaient le choix en nous disant qu’on aurait peut-être à en subir les conséquences», précise Alexis. Apparemment convaincue qu’il ne s’agit pas d’une stratégie syndicale, la directrice des Compagnons de Cartier, Francine Doucet, croit cependant que certains professeurs se sont peut-être permis «des écarts»…

«[Les élèves] ont le droit de manifester, mais il ne faut pas que cela se fasse n’importe comment», croit la directrice. L’an dernier, les étudiants de 4e et 5e secondaires ont été invités à participer à une action menée par les cégeps et les universités. L’école avait donné de l’information «et les élèves s’étaient comportés de façon impeccable», souligne Mme Doucet, qui croit même que le geste est formateur. «Mais la semaine dernière, insiste-t-elle, les élèves ne savaient même pas ce qu’ils faisaient dehors.»

Jérôme Gaudreau, vice-président aux affaires externes de la CADEUL, structure qui représente la majorité des étudiants de l’Université Laval, s’est aussi dit surpris de l’ampleur de la manifestation. Est-il jaloux du fait que les élèves du secondaire puissent mobiliser quatre mille personnes aussi facilement? «Oui et non… Nous, quand on manifeste, les gens posent plus de questions, ils sont critiques, explique-t-il. Mais c’est sûr qu’on ne cracherait pas sur le fait d’avoir une telle capacité de mobilisation…», avoue-t-il. Il serait d’ailleurs prêt à répéter l’expérience tentée l’année dernière «dans la mesure où cela les concerne». «C’est quand même intéressant de les impliquer, de les "initier" à ce genre d’action», conclut-t-il.