Réchauffement de la planète : La nature en folie
Société

Réchauffement de la planète : La nature en folie

Tornades, ouragans, inondations: mère Nature se déchaîne. Est-ce dû au réchauffement de la planète? Nous avons posé la question à STEVEN GUILBEAULT, responsable de la campagne Climat et énergie chez Greenpeace, et l’un des trois membres de la délégation canadienne sur les changements climatiques qui siègent aux Nations unies.

Les conséquences de l’effet de serre nous dirigent-elles vers une apocalypse écologique?

Il y a un consensus scientifique international disant que la planète se réchauffe et que ce réchauffement est principalement dû à l’activité humaine. Les scientifiques ne s’entendent cependant pas pour dire que nous sommes déjà entrés dans une ère de changements climatiques. Par contre, les compagnies d’assurances nous disent qu’il y a eu une augmentation du nombre de catastrophes naturelles de l’ordre de 400 % depuis le début des années 1960.

Pourquoi hésite-t-on à établir un lien de cause à effet?
Si l’on compare avec l’histoire de la planète, quarante ans, ce n’est pas très long. On est capable de remonter très loin pour mesurer les températures; à l’aide d’échantillons de glace pris dans les calottes glacières, on est allé jusqu’à 160 000 ans en arrière. En ce qui concerne les catastrophes naturelles, notre perspective est assez limitée: Environnement Canada n’amasse des données précises là-dessus que depuis la Deuxième Guerre.

Quelles sont les conséquences connues du réchauffement de la planète?
Les scientifiques n’affirment pas qu’on est arrivé à l’étape des conséquences. Par contre, on sait que la température moyenne de la planète a augmenté d’environ 0,5 degré Celcius au cours des cent dernières années. Au Canada, l’augmentation a été beaucoup plus rapide: de 1 à 3 degrés Celcius, pour les régions les plus au nord. La température augmente beaucoup plus vite dans l’hémisphère Nord, parce que la masse terrestre y est beaucoup plus importante et que la terre se réchauffe beaucoup plus vite que les océans.
En ce qui a trait aux impacts, on est à peu près certain d’une chose: l’augmentation du niveau de la mer (entre 25 et 30 cm) constatée au cours du dernier siècle serait liée au réchauffement de la planète. Plusieurs petites îles des Caraïbes ou du Pacifique disparaîtront et il n’y a à peu près rien qu’on puisse faire pour empêcher ça. Les îles Marshall perdront à peu près 80 % de leur masse terrestre d’ici la fin du siècle prochain; durant la même période, un tiers de la Floride risque aussi de disparaître sous les eaux.

Plusieurs pays occidentaux se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Respectent-ils leur promesse?
La grande majorité ne le fait pas. Prenons l’exemple du Canada: en 1992, on s’est donné huit ans pour ramener le niveau de gaz émis à ce qu’il était en 1990. Selon les derniers estimés d’Environnement Canada, en 1996, la quantité de gaz émise était de 12 % supérieure au niveau de 1990. Selon toute probabilité, en l’an 2000, nous émettrons environ 15 % de plus de gaz à effet de serre qu’en 1990. La plupart des pays industrialisés se trouvent dans une position similaire, sauf l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui ont respecté leur engagement.

Le réchauffement de la planète menace-t-il nos réserves d’eau potable?
Ce pourrait être un problème important. Au Québec, on prévoit que le niveau du Saint-Laurent baissera d’environ un mètre. Ça veut dire que l’eau salée pénétrera beaucoup plus profondément dans l’estuaire. Il y a également un risque de contamination des nappes phréatiques [nappes d’eau douce souterraines] par l’eau salée, ce qui est très préoccupant.

Selon une théorie qui circule actuellement, on irait vers une nouvelle ère glacière.
Il y a des chercheurs dont les travaux incitent à croire que l’on va vers une nouvelle ère glacière et il y a aussi des scientifiques qui sont financés par les compagnies pétrolières pour dire que le réchauffement de la planète est un mythe. Mais 90 % des recherches à ce sujet démontrent que la planète se réchauffe.

La fonte des glaciers pourrait-elle «réveiller» des virus en état d’hibernation?
On a découvert, en Arctique ou en Antarctique, des virus qui étaient gelés et qui sont revenus à la vie. Ce sont des virus qu’on n’a pas vu sur la planète depuis des dizaines de milliers d’années. Un article a paru à ce sujet dans le New Scientist de septembre 1999.

Doit-on également craindre les maladies tropicales propagées par les moustiques?
Il y a eu des débuts d’épidémies de malaria au sud de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. L’augmentation de la température a-t-elle incité des moustiques à migrer jusque-là? On ne le sait pas. Il y a aussi eu une épidémie d’encéphalites à New York; en principe, les insectes qui transportent ces maladies ne devraient pas survivre à cette latitude. Il est peu probable que l’on voit ça sur une base continuelle au Canada, parce qu’il va continuer à faire froid l’hiver, mais il est possible que l’augmentation de température permette aux moustiques d’arriver jusqu’ici. Ce n’est pas Greenpeace qui l’affirme, mais des chercheurs des universités Harvard ou John-Hopkins.

La position géographique du Canada le rend-il plus vulnérable?
Le Canada est effectivement l’un des pays où les impacts du réchauffement de la planète vont être les plus importants. À court ou à moyen terme, on ne pourra pas dire que le verglas et les inondations résultent des changements climatiques, mais il y a eu une augmentation inquiétante du nombre et de l’intensité des catastrophes naturelles au cours des dernières décennies. Au Canada, neuf des dix plus grandes catastrophes naturelles ont eu lieu depuis 1990.