La semaine prochaine, notre collaborateur Laurent Saulnier signera sa dernière chronique dans nos pages. Après mûre réflexion, il a décidé de quitter le merveilleux monde du journalisme pour aller travailler chez l’Équipe Spectra, à titre de directeur de la programmation du Festival de Jazz et des FrancoFolies. On pourra toujours le voir accoudé au bar du Spectrum (ou enterré sous les écales de pinottes aux Bobards); mais, cette fois, on devra l’appeler «Monsieur». Dire que Saulnier est une institution, c’est comme dire que l’eau est mouillée. Comme a déjà lancé Serge Grenier à propos de Roger Beaulu: «Il n’est pas venu au monde: il a été fondé.» Tout le monde dans le milieu de la musique connaît Laurent: son sourire fendu jusqu’aux oreilles, ses t-shirts noirs à la manche droite relevée, son rire tonitruant qui fait le malheur de ses voisins de bureau. À la barre de la section Musique de Voir depuis la séparation des Baronnets, Slick Larry est l’un des murs de soutien du journal. Il a contribué à faire de Voir une publication crédible, un témoin incontournable de la scène musicale québécoise et étrangère. Rares sont les journalistes qui ont amassé un tel capital de respect au fil des ans. Vous avez vu le film GoodFellas? Vous vous souvenez de la fameuse scène où le héros (interprété par Ray Liotta) entre au Copacabana? Tout le monde le salue, tout le monde lui serre la main… Eh bien, entrer au Spectrum, au Medley ou à l’Olympia avec Saulnier, c’est pareil. Saulnier a déjà écrit, à propos d’un show de Bigras, que c’était «du gros, gros stock». La phrase, qui a été reprise dans la publicité du spectacle, est devenue une inside joke à Voir. On la lui sortait deux fois par semaine: «Pis, Laurent, le show de Bowie, est-ce que c’était du gros, gros stock?»On pourrait écrire dix feuillets sur Saulnier: sa contribution exceptionnelle au journal, sa générosité, sa capacité de se revirer sur un dix cennes, sa fidélité, sa franchise… On se contentera de résumer ça en une phrase: «Saulnier, c’est du gros, gros stock.»Dans quelques jours, le critique traversera donc le miroir et se retrouvera à l’autre bout du crayon. Il n’écrira plus sur les autres: on écrira sur lui. La bande de Spectra vient de gagner un maudit bon collaborateur, curieux, à l’affût des nouvelles tendances: nous venons de perdre un journaliste hors pair. Heureusement, on a enregistré son rire. De temps en temps, on le fera résonner sur l’intercom. Bonne chance et merci pour tout, Laurent. On se revoit aux Bobs (En passant: à quand un drink qui porterait ton nom?)…La rédaction